Fête religieuse qui, rappelons-le, a été instituée au 21ème siècle en Egypte ; certains pourtant la considère comme une innovation « bidâa » ; elle reste, cependant, célébrée par la plupart des pays musulmans dans le recueillement et la récitation du coran, faut-il le dire.
Chez nous, c'est dans le brouhaha et le lancement de pétards qu'on fête, plusieurs jours à l'avance, le Mawlid Ennabaoui ! Avec tout ce que cela impacte sur les personnes et les biens. Chaque année, ce ne sont pas moins de 6000 personnes, en majorité des enfants, qui sont transférées aux urgences des hôpitaux.
Le professeur Khiati et beaucoup d'autres intellectuels sensibilisés sur les risques découlant de l'utilisation des pétards et autres jeux pyrotechniques, en principe interdits d'entrée sur le territoire nationale, n'ont eu de cesse d'interpeller les autorités compétentes à l'effet de prendre toutes les mesures de sauvegarde de la population et de ses biens. En vain !
Craignant le pire en cette fin d'année 2019, les mêmes lanceurs d'alerte ont déploré la « mise sur le marché » de produits de plus en plus dangereux dont les consonances et les dénominations donnent froid dans le dos : « Daesh », « el bouq », « chitana », « pirate », « double bombe », « ezzarbout » et aussi « la tueuse » sont des appellations déposées en Algérie ! Outre leur dangerosité sur les personnes, ces pétards et autres feux d'artifice peuvent causer d'énormes dégâts sur les habitations. L'année passée, des stocks gigantesques ont été découverts dans un local de la basse Casbah d'Alger, grâce à la police qui agissait suite à un appel d'un citoyen, mû certainement par son sens civique.
On n'ose pas imaginer le contour du désastre si de tels stocks venaient à s'enflammer et à éclater en pleine concentration urbaine, comme cela s'est produit en Chine, par exemple, où une ville entière a sauté, ce qui a causé la mort de milliers d'individus. Rien que pour éteindre l'incendie, des centaines et des centaines de pompiers et leur matériel ont été mobilisés. Les dégâts ont été tout de même inchiffrables !
Les risques sur la santé publique causés par les pétards, tout le monde les connait, même si certains s'interrogent sur la composition chimique des produits, rappelons-le introduits frauduleusement, allant jusqu'à parler de virus et autres microbes « fourrés » sciemment dans les fumigènes par exemple, dans une volonté de nuire au pays. Comme on le voit, il y a matière à inquiétude et des experts en sécurité publique viennent à leur tour, de tirer la sonnette d'alarme pour demander aux autorités d'agir et vite, en ce moment où le terrorisme est aux aguets ; il pourrait profiter, disent-ils, de l'ambiance explosive créée par les fêtards du Mawlid Ennabaoui pour frapper ! En effet, les hommes les plus rompus au maniement des armes disent que le crépitement des balles d'une kalachnikov est difficilement discernable de celui émis par l'explosion d'un pétard, « el bouq », en l'occurrence ! Tout est dit, écrivait quelqu'un, Daesh est aux aguets pour frapper et la fête du Mawled pourrait lui fournir l'occasion. D'ailleurs c'est connu, les terroristes ont toujours attaqué lors des fêtes et des commémorations symboliques. C'est au deuxième jour de l'Aïd El Fitr, par exemple, que des soldats ont été attaqués dans la wilaya d'Ain Defla. Outre ces scénarios terroristes, il y a aussi la petite délinquance qui profite des pétards pour faire diversion, et partant, commettre ses méfaits ; ainsi, il n'est pas rare d'entendre de fortes explosions à des heures tardives de la nuit, leurs auteurs, affirment les spécialistes de la criminalité, y recourent pour couvrir le bruit des casses de magasins et des voitures ou des rideaux qu'ils éventrent ! Bien sûr les forces de sécurité veillent au grain ; il n'empêche qu'on reste incrédules devant l'énormité des stocks explosifs qui sont exposés et écoulés partout dans le pays. Mais, dans ce climat des plus anxiogènes, il existe paradoxalement des compatriotes qui se frottent les mains à l'idée des fortunes qu'ils vont amasser en perspective de la commémoration du Mawled Ennabaoui Echarif que l'on va fêter ce week-end. Les marchandises exposées par des « gros bras » atteignent jusqu'à 300 à 600 millions de centimes. Et ce n'est que la partie la plus visible de l'iceberg ! On parle aussi de 10 à 15 barons des pétards et autres jeux pyrotechniques ! Les vendeurs et les petites mains se comptent par milliers, ce qui a fait dire à Tahar Boulenouar, le SG de l'Union des Artisans et Commerçants Algériens « qu'il faut libérer cette activité de commerce des pétards au regard du manque à gagner de l'Etat ; les vendeurs, dit-il, brassent environ 300 % de bénéfices nets, alors que les importateurs se targuent de réaliser quelques 10 milliards de dinars voire plus dans cette activité ». Une vraie martingale ! Le gouvernement, bien sûr, ne l'entend pas de cette oreille. Il envisage, d'ailleurs, de sanctionner sévèrement les contrevenants à l'interdiction d'importation des produits pyrotechniques et il a eu à le rappeler à l'occasion de l'établissement des lois de finance passées qui ont proposé de durcir les sanctions qui peuvent aller jusqu'à 5 ans d'emprisonnement pour les contrevenants. Rappelons que l'importation de tels produits est punie aussi d'une amende égale à deux fois la valeur des marchandises confisquées et d'une peine d'emprisonnement de 6 mois à 5 ans, selon l'article 33 de ladite loi de finance. Il faut rappeler aussi que l'importation des articles pour feux d'artifices, fusées de signalisation ou paragrêles et similaires, pétards et autres articles de pyrotechnie est passible des mêmes sanctions que l'importation des armes, munitions et explosifs. L'activité consistant à vendre les pétards et autres produits pyrotechniques n'étant ni reconnue ni recensée par l'administration du Centre National du Registre du Commerce à en croire son directeur général, les plus sceptiques et autres anxiogènes parmi nous peuvent se tranquilliser dès lors, qu'en cas de dépassement, force restera à la loi ! Que reste-il alors aux pouvoirs publics, sinon d'intervenir et non pas se contenter, comme au ministère de la santé, de rendre public un communiqué pour dire que « l'usage des pétards représente un danger réel, que ce sont les enfants qui s'y adonnent et que les aînés doivent faire attention aux plus jeunes » ! |
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11/09/2019
Célébration du Mawled Ennabaoui Echarif : dans la spiritualité et non pas à coup de pétards !
11/06/2019
L’émigration dans la révolution algérienne» aux éditions Chihab : Le devoir de témoigner de Djillali Leghima
Paru aux éditions Chihab à l’occasion du 24e Salon international du livre d’Alger (Sila), cet ouvrage de 226 pages a été écrit par « devoir de témoigner et de transmettre », devant guider chaque acteur de cette période soucieux de « participer à l’écriture de l’histoire de la révolution algérienne qui n’est pas achevée », justifie l’auteur.
Né en 1931, Djillali Leghima remonte aux premières années de son enfance dans le village de Souamaâ en Kabylie. Il revient sur sa scolarité, les conditions de vie très difficiles des Algériens pendant la seconde guerre mondiale ainsi que sur ses premiers contacts avec des militants du Mtld (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) en 1947, l’année de la tournée de Messali Hadj dans la région.
Immigré en France en 1951, l’auteur passera onze ans dans ce pays où il se retrouvera ouvrier, affilié à la Confédération générale du travail (Cgt, syndicat).
De ces années de dur labeur, il dressera, d’abord, un tableau des conditions de vie et de travail des Algériens en France.
Sur l’engagement politique des émigrés, l’auteur s’arrête sur un épisode douloureux pour évoquer le massacre du 14 juillet 1953: six manifestants parmi les travailleurs algériens qui arboraient le drapeau algérien et scandaient des slogans hostiles au colonialisme, trouvèrent la mort en ce jour censé célébrer la libération de la France du nazisme.
Après être longuement revenu sur la crise du Mtld à l’été 1954, Djillali Leghima fait état de deux tentatives de rapprochement, en juillet 1954, entre le Fln et Messali Hadj, à l’initiative de Mohamed Boudiaf et Mustapha Ben Boulaid (deux membres du Groupe de 22), ainsi que de Abbane Ramdane au printemps 1955.
Ces intiatives essuieront un refus catégorique de Messali qui «n’avait pas confiance en ces jeunes, pourtant messalistes et militants du Ppa/Mtld», souligne l’auteur.
Outre les rivalités et violences entre le Fln et le Mna (Mouvement national algérien), l’ouvrage évoque la logistique mise en place pour organiser la fédération de France du Fln ainsi que la collecte, la sécurisation et l’acheminement de l’argent provenant des cotisations des travailleurs algériens en France en guise de participation à l’effort de guerre.
Djillali Leghima rapporte également le bilan «déplorable» des affrontements entre les militants des deux organisations qui auront fait «4500 morts et environs 900 blessés», selon les chiffres qu’il avance.
Un compte rendu détaillé des actions de l’Organisation spécial du Fln (Os), chargé d’ouvrir un nouveau front de la guerre sur le sol français fait aussi état d’une centaine d’opérations de sabotage et d’attaques armées, menées entre le 25 août et le 30 septembre 1958.
L’auteur n’omet pas d’évoquer le soutien «précieux» apporté à la cause algérienne par des Français appartenant généralement au «monde médiatique et intellectuel, et qui rassemble chrétiens de gauche, communistes, trotskistes et syndicalistes».
L’arrestation en février 1960, puis le procès d’une vingtaine de membres de ce réseau, provoquera la publication de «droit à l’insoumission», un manifeste signé par 121 intellectuels parmi les noms les plus prestigieux de l’élite intellectuelle française. Autre détail d’importance, l’ouvrage situe le nombre de militants à 150 000 hommes et femmes structurés au sein de la fédération de France du Fln.
En plus d’avoir fourni un «apport financier appréciable» et constitué une véritable force de frappe, la wilaya VII, appelée communément Fédération du Fln, devait payer un lourd tribut à la révolution avec plus de 3000 morts et quelque 30.000 militants jetés dans les prisons et autres centres d’internement.
(APS)
Contributrice à l’ouvrage collectif « La révolution du sourire » : Quand Hedia Bensalhi aborde la « réalité par le symbole »
Ecrivaine et intellectuelle, Hédia Bensahli, notamment connue du grand public pour son roman intitulé « Orages », un texte distingué en janvier dernier par le « prix Yamina-Mechakra », était présente au premier jour du Sila 2019 pour une vente-dédicaces organisée au stand des éditions Frantz-Fanon. L’occasion, entre deux signatures, d’échanger avec un public très présent tout au long de la journée, sur la dernière contribution de l’écrivaine à l’ouvrage collectif « La révolution du sourire ».
Figurant parmi les textes les plus attendus et les plus commentés sur le «Hirak», mouvement de contestation populaire, sous la forme de la fiction, cet ouvrage, publié à l’initiative du directeur des éditions Frantz-Fanon, Amar Ingrachen, réunit les contributions de dix auteurs et écrivains et a été axé sur une vision «brute » des premiers jours de la contestation populaire.
La romancière Hédia Bensahli souligne à cet égard avoir été contactée par l’éditeur, lui demandant de mettre par écrit une vision romanesque, une fiction, inspirée par le « réveil » de tout un peuple. «C’est l’éditeur qui m’avait proposé de contribuer à l’ouvrage, l’objectif étant que des écrivains partagent leurs premières impressions sur la situation. Pour ma part, j’ai été contactée au tout début des manifestations, dès le mois de février», nous précise l’écrivaine, ajoutant qu’elle avait « hésité » avant de donner son accord. Elle explique à propos de son hésitation : « Au départ, j’ai hésité à collaborer à l’ouvrage car je n’avais qu’une semaine pour remettre le texte, et j’ai estimé que c’était trop peu. Puis je me suis finalement décidée.
L’inspiration est venue d’un seul coup, j’ai écrit en une matinée. Toute l’idée de mon texte est de partager trois «cris» qui arrivèrent malheureusement trop tard.» En ce sens, la « fiction tragique » que propose Hédia Bensahli aborde le sort de trois personnages. Tout d’abord, celui d’une femme que la justice « a broyée» et qui se retrouve à la rue et qui y meurt «et c’est le jour où son âme s’élève au ciel qu’elle perçoit les cris des manifestants qui scandent système dégage».
A travers le second personnage, c’est la situation catastrophique des hôpitaux qui est abordée « où les gens souffrent et meurent, où les médecins, même ceux de bonne volonté, sont démunis» et, enfin, la situation qui a certainement été un déclencheur de tout le mouvement, celle des harraga, à travers l’histoire d’un jeune «qui se noie» le jour où tout commence.
La romancière nous explique que « ce sont trois histoires tragiques, trois histoires qui ne doivent plus se produire». «En écrivant je me disais ‘plus jamais ça’», ajoute l’écrivaine.
Quant au choix de la fiction à la place de l’essai, c’est aussi la volonté de l’éditeur pour une vision «brute» d’une situation sociale et politique encore à ses premiers jours. Hédia Bensahli explique que « l’imaginaire dans une situation telle que celle de l’Algérie s’apparente à un regard différent, plus global, sur la réalité ».
Elle ajoute qu’« on est forcément imprégné par la réalité. Mais la fiction reste également essentielle, elle est ‘l’art’ d’aborder une situation par le symbole».
Quant aux projets de l’écrivaine, elle nous confie sans donner néanmoins trop de détails qu’elle travaille à l’écriture d’un nouveau roman, un texte qui apparaît également inspiré de la situation actuelle. « Je suis sur le projet d’un livre qui parlera des Algériens.
Ce n’est pas politique, mais la société algérienne et ses souffrances seront présentes en filigrane. »
11/05/2019
Mahdi Boukhalfa, auteur d’un livre témoin sur le Mouvement : «Retranscrire, pour l’histoire, les premiers grands moments du Hirak»
Témoin privilégié de l’actualité nationale par son métier de journaliste, Mahdi Boukhalfa vient de publier aux éditions Chihab un nouvel ouvrage intitulé «la Révolution du 22 février.
De la Contestation à la Chute des Bouteflika», où il relate avec minutie les différentes séquences qui ont marqué la scène sociopolitique algérienne depuis le déclenchement du mouvement de contestation populaire, ce fameux vendredi du 22 février 2018, jusqu’au départ de l’ex-président déchu le 5 avril. Dans cet entretien, Mahdi Boukhalfa revient sur le déclic qui l’a amené à l’écriture de cet ouvrage, ainsi que sa perception des bouleversements qui marquent l’Algérie depuis maintenant huit mois.
L’auteur présentera son ouvrage au niveau du stand des éditions Chihab à l’occasion d’une vente-dédicaces qui sera organisée le 31 octobre prochain au Salon international du livre d’Alger (Sila).
Reporters : Tout d’abord, comment vous est venue l’idée d’écrire un ouvrage dédié à la révolution du 22 février en Algérie ?
Mahdi Boukhalfa : Au plus près du mouvement populaire, dans les premiers intenses moments, où les Algériens se sont surpris à briser l’interdiction de manifester et revendiquer avec le sourire un changement politique radical et barrant la route à un 5e mandat que briguait le clan du président Bouteflika, il m’a paru important et évident, en tant que journaliste d’agence, je suis issu de l’agence APS, et alors que j’étais à TSA, de suivre ce mouvement. Et, surtout, de retranscrire, pour l’histoire, les premiers grands moments du Hirak. J’avais été pris par une terrible envie de témoigner, alors que je faisais la couverture des premiers meetings à la place Maurice-Audin, à la faculté centrale et à la Grande-Poste, de rapporter minutieusement ces moments exaltants. Ceux de la naissance d’un mouvement populaire qui prélude d’une autre Algérie, belle et jeune. Et donc, j’ai tout simplement saisi l’importance des événements, l’impact extraordinaire de ces moments portés par ces millions d’Algériens toutes générations confondues, pour les matérialiser dans un livre-essai ou témoignage.
Votre ouvrage s’intitule «la Révolution du 22 février. De la Contestation à la chute des Bouteflika», est-ce que cela signifie que la principale thématique de votre ouvrage est surtout axée sur le processus qui a mené à la chute de Bouteflika, ou bien allez-vous au-delà de cette phase historique ?L’essai traite des premiers moments du Hirak, les manifestations populaires hebdomadaires, les slogans des manifestants dans une belle harmonie sociale, avec ses marches bien organisées, conviviales, familiales. Mais, surtout, les manigances du clan Bouteflika pour faire passer une candidature, qui a pris tous les aspects d’une ignoble forfaiture politique, adossée à un certificat de santé trafiqué. Et, surtout, la grande supercherie de cette présidentielle, avec l’annulation des fonds alloués à cette échéance, à la veille du départ de Bouteflika à Genève, soit le samedi. L’essai délimite dans le temps mon intervention, soit tous les événements, déclarations de responsables de partis, d’ONG, vécus et enregistrés entre le 22 février et le vendredi 5 avril, soit entre le premier et le cinquième vendredi». Avec un ordonnancement des interventions jusqu’à la démission de Bouteflika dans la soirée du 2 avril. Il y a également les tonitruants retournements de veste, notamment ceux du FLN et du RND, la montée au front de Gaïd Salah, lorsqu’il a senti qu’un coup d’Etat se préparait, les déclarations de Zeroual après la rencontre entre Toufik, Saïd Bouteflika et Louisa Hanoune…
Vous êtes sociologue de formation et vous avez une longue expérience de journaliste. Qu’elle approche avez-vous privilégié dans la rédaction de votre ouvrage ? Une approche sociologique ou journalistique ?Il est présomptueux de tenter une approche sociologique au sens que lui donnait Raymond Boudon, c’est-à-dire une analyse conceptuelle basée sur des variables aléatoires ou réelles du Hirak. Cette approche nécessite beaucoup plus de temps et de travail, notamment des enquêtes qui privilégient une analyse causale et pas factorielle pour aller au fond des choses. Non, mon travail a été celui d’un journaliste, de relever chaque jour les faits politiques, sociaux, économiques marquants et en faire un matériau historique, une histoire factuelle la plus proche possible sur les événements qui se déroulaient très vite sous nos yeux, chaque vendredi, chaque mardi, entre la «protesta» estudiantine, les «vendredire» populaires et le décor politique ambiant avec les interventions de politiques, de responsables d’ONG, de ministres, mais également les interventions étrangères, dont celles du président français et de son chef de la diplomatie sur «les événements» qui se déroulaient en Algérie.
D’un point de vue personnel, comment avez-vous réagi durant la journée du 22 février et quels sont vos sentiments ou appréciations sur l’état des lieux, en Algérie, après huit mois de contestation ?Notre métier nous oblige à être lucides. Dans le feu des événements, à l’instar du 22 février, on n’a pas le temps de penser, même si on est ébloui par l’étincelle salvatrice d’un proche renouveau politique, car on est submergés par tant d’informations, de faits, de positions et de comportements politiques que cela nous empêche de faire une halte, un temps d’arrêt pour la réflexion, mais de rapporter le plus rapidement et le plus fidèlement ce qui se passe dans la rue pour rester collés à l’actualité. Après, il est vrai que l’on peut être submergé par des sentiments de désespoir, après huit mois ininterrompus de belles et soutenues manifestations populaires pour qu’une seconde indépendance du pays puisse qu’elle soit effective, le plus tôt possible, sans être altérée par des récupérations politiques à la durée temporelle limitée, sans lendemains sociologiques, politiques.
En tant que fin observateur de la scène sociopolitique, quels sont vos pronostics sur la continuité du mouvement et des présidentielles annoncées pour le 12 décembre prochain, dans un contexte où la répression des manifestants et des militants est de plus en plus féroce et les marches populaires de plus en plus renforcées ?A l’heure actuelle, un fait est certain, la protesta citoyenne, la silmya, ne va pas s’arrêter tant que le pouvoir ne présente pas de réponses concrètes aux revendications populaires et accepte de tourner vraiment, et de manière sincère et responsable, la page. En un mot, de partir et d’ouvrir la voie à une phase de transition durant laquelle l’Algérie de demain, l’Algérie de tous les Algériens pour tous les Algériens, entrera en phase active de reconstruction. Avec ce bel optimisme contagieux, qui a toujours caractérisé les manifestations populaires revendiquant un changement politique radical dans le pays.
Mahdi Boukhalfa : Au plus près du mouvement populaire, dans les premiers intenses moments, où les Algériens se sont surpris à briser l’interdiction de manifester et revendiquer avec le sourire un changement politique radical et barrant la route à un 5e mandat que briguait le clan du président Bouteflika, il m’a paru important et évident, en tant que journaliste d’agence, je suis issu de l’agence APS, et alors que j’étais à TSA, de suivre ce mouvement. Et, surtout, de retranscrire, pour l’histoire, les premiers grands moments du Hirak. J’avais été pris par une terrible envie de témoigner, alors que je faisais la couverture des premiers meetings à la place Maurice-Audin, à la faculté centrale et à la Grande-Poste, de rapporter minutieusement ces moments exaltants. Ceux de la naissance d’un mouvement populaire qui prélude d’une autre Algérie, belle et jeune. Et donc, j’ai tout simplement saisi l’importance des événements, l’impact extraordinaire de ces moments portés par ces millions d’Algériens toutes générations confondues, pour les matérialiser dans un livre-essai ou témoignage.
Votre ouvrage s’intitule «la Révolution du 22 février. De la Contestation à la chute des Bouteflika», est-ce que cela signifie que la principale thématique de votre ouvrage est surtout axée sur le processus qui a mené à la chute de Bouteflika, ou bien allez-vous au-delà de cette phase historique ?L’essai traite des premiers moments du Hirak, les manifestations populaires hebdomadaires, les slogans des manifestants dans une belle harmonie sociale, avec ses marches bien organisées, conviviales, familiales. Mais, surtout, les manigances du clan Bouteflika pour faire passer une candidature, qui a pris tous les aspects d’une ignoble forfaiture politique, adossée à un certificat de santé trafiqué. Et, surtout, la grande supercherie de cette présidentielle, avec l’annulation des fonds alloués à cette échéance, à la veille du départ de Bouteflika à Genève, soit le samedi. L’essai délimite dans le temps mon intervention, soit tous les événements, déclarations de responsables de partis, d’ONG, vécus et enregistrés entre le 22 février et le vendredi 5 avril, soit entre le premier et le cinquième vendredi». Avec un ordonnancement des interventions jusqu’à la démission de Bouteflika dans la soirée du 2 avril. Il y a également les tonitruants retournements de veste, notamment ceux du FLN et du RND, la montée au front de Gaïd Salah, lorsqu’il a senti qu’un coup d’Etat se préparait, les déclarations de Zeroual après la rencontre entre Toufik, Saïd Bouteflika et Louisa Hanoune…
Vous êtes sociologue de formation et vous avez une longue expérience de journaliste. Qu’elle approche avez-vous privilégié dans la rédaction de votre ouvrage ? Une approche sociologique ou journalistique ?Il est présomptueux de tenter une approche sociologique au sens que lui donnait Raymond Boudon, c’est-à-dire une analyse conceptuelle basée sur des variables aléatoires ou réelles du Hirak. Cette approche nécessite beaucoup plus de temps et de travail, notamment des enquêtes qui privilégient une analyse causale et pas factorielle pour aller au fond des choses. Non, mon travail a été celui d’un journaliste, de relever chaque jour les faits politiques, sociaux, économiques marquants et en faire un matériau historique, une histoire factuelle la plus proche possible sur les événements qui se déroulaient très vite sous nos yeux, chaque vendredi, chaque mardi, entre la «protesta» estudiantine, les «vendredire» populaires et le décor politique ambiant avec les interventions de politiques, de responsables d’ONG, de ministres, mais également les interventions étrangères, dont celles du président français et de son chef de la diplomatie sur «les événements» qui se déroulaient en Algérie.
D’un point de vue personnel, comment avez-vous réagi durant la journée du 22 février et quels sont vos sentiments ou appréciations sur l’état des lieux, en Algérie, après huit mois de contestation ?Notre métier nous oblige à être lucides. Dans le feu des événements, à l’instar du 22 février, on n’a pas le temps de penser, même si on est ébloui par l’étincelle salvatrice d’un proche renouveau politique, car on est submergés par tant d’informations, de faits, de positions et de comportements politiques que cela nous empêche de faire une halte, un temps d’arrêt pour la réflexion, mais de rapporter le plus rapidement et le plus fidèlement ce qui se passe dans la rue pour rester collés à l’actualité. Après, il est vrai que l’on peut être submergé par des sentiments de désespoir, après huit mois ininterrompus de belles et soutenues manifestations populaires pour qu’une seconde indépendance du pays puisse qu’elle soit effective, le plus tôt possible, sans être altérée par des récupérations politiques à la durée temporelle limitée, sans lendemains sociologiques, politiques.
En tant que fin observateur de la scène sociopolitique, quels sont vos pronostics sur la continuité du mouvement et des présidentielles annoncées pour le 12 décembre prochain, dans un contexte où la répression des manifestants et des militants est de plus en plus féroce et les marches populaires de plus en plus renforcées ?A l’heure actuelle, un fait est certain, la protesta citoyenne, la silmya, ne va pas s’arrêter tant que le pouvoir ne présente pas de réponses concrètes aux revendications populaires et accepte de tourner vraiment, et de manière sincère et responsable, la page. En un mot, de partir et d’ouvrir la voie à une phase de transition durant laquelle l’Algérie de demain, l’Algérie de tous les Algériens pour tous les Algériens, entrera en phase active de reconstruction. Avec ce bel optimisme contagieux, qui a toujours caractérisé les manifestations populaires revendiquant un changement politique radical dans le pays.
Djoher Amhis-Ouksel : L’œuvre katebienne est «aujourd’hui plus que jamais d’actualité»
Invitée samedi par la Fondation culturelle Asselah, à l’occasion d’une rencontre dédiée à la mémoire du monument et icône de la littérature qu’est Mouloud Mammeri, le débat et la discussion avec Mme Djoher Amhis-Ouksel, intellectuelle, longtemps professeur, et notamment connue pour la collection «Empreinte» qu’elle a publiée aux éditions Casbah dédiée à des textes d’écrivains pivots de la culture nationale, aura également permis de revenir, en marge de la rencontre, sur la commémoration des trente ans de la disparition de Kateb Yacine.
Un écrivain, dont la pensée trouvera sa source dans «l’histoire, l’anthropologie et la culture» algérienne, et dont le travail prend aujourd’hui une dimension nouvelle. Toute son œuvre, explique-t-elle, est un appel à la «décolonisation» des esprits, à la réappropriation d’une histoire encore occultée. Mme Djoher Amhis-Ouksel, qui a axé sa communication sur l’étude de la pensée de Mouloud Mammeri, en partant de son œuvre, notamment du célèbre document «Lettre à un Français» publiée en 1956, et dans lequel il fera un procès sans concession du système colonial, dira que c’est dans cette même logique affirmera que «tout comme Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, était dans le registre de la mémoire collective.
Et c’est pour cela qu’ils dérangent encore, ils sont porteurs d’une mémoire dont on ne veut pas entendre parler. Leurs idées, leurs expressions… sont des mots d’oracles. L’étude de leurs textes mérite d’être approfondie».
Ces auteurs partagent, en effet, de nombreux points communs, ayant tous deux à leur manière décortiqué les fondements des systèmes coloniaux – apparents ou non – dont le paroxysme reste la colonisation des esprits. Kateb Yacine est un «homme d’une réflexion profonde», ajoutera-t-elle, dont «l’oeuvre a dépassé les frontières».
Elle reste «ancrée dans l’Algérie la plus profonde», précise Mme Djoher Amhis-Ouksel. Elle nécessite de ce fait d’être «décryptée avec un minimum de culture générale, un minimum de compréhension des symboles», ajoutera-t-elle. Elle citera : «Quand Kateb Yacine dit «nous ne sommes pas encore une nation», il signifie une chose essentielle, que l’Algérie n’a pas trouvé sa véritable voie, du point de vue historique, ethnologique et culturel».
La commémoration des trente ans de la disparition de Kateb Yacine pose par ailleurs la question de l’enseignement de son œuvre, de sa pensée, au-delà de simples lectures de textes, par ailleurs perçues «à tort» comme «difficiles», dira la conférencière. «La mise à l’écart de penseurs ou d’écrivains tels que Mouloud Mammeri, Kateb Yacine -et beaucoup d’autres- est à chercher dans le texte lui-même. Jusqu’à 1970, on pouvait travailler sur le sens, la profondeur des textes, mais à partir de cette date, les œuvres algériennes ont intentionnellement été occultées de l’enseignement.
Elles sont à mon avis porteuses d’idées «dérangeantes», dira Mme Djoher Amhis-Ouksel.
Elle ajoutera que le «questionnement que fait actuellement la société sur elle-même est une opportunité pour la réappropriation de l’identité profonde.
Elle ajoutera que le «questionnement que fait actuellement la société sur elle-même est une opportunité pour la réappropriation de l’identité profonde.
Il est temps, plus que jamais, notamment depuis le 22 février, avec l’espoir et malgré beaucoup d’inquiétudes, que l’Algérie retrouve les rails de son histoire. Autrement, nous sommes dans un système démagogique et il faut le dire “colonialiste” à sa manière.»
Il est à rappeler que les ouvrages de Djoher Amhis-Ouksel, notamment ceux de la collection «Empreinte», seront proposés lors du Salon du livre.
Il est à rappeler que les ouvrages de Djoher Amhis-Ouksel, notamment ceux de la collection «Empreinte», seront proposés lors du Salon du livre.
L’idée de chaque ouvrage consacré à l’étude de textes de Mouloud Feraoun, Taos Amrouche ou encore Assia Djebar, Rachid Mimouni ou Tahar Djaout… est «donner les clefs pour se réapproprier la culture», conclura-t-elle.
« Littérature algérienne, Itinéraire d’un lecteur » aux éditions El Kalima : Charles Bonn, un chapitre des études littéraires en Algérie
Edité par El Kalima sous le titre « Littérature algérienne, Itinéraire d’un lecteur », c’est le mode classique de questions-réponses qu’a choisi l’universitaire Amel Maafa pour tirer de Charles Bonn le concentré de son expérience algérienne, qu’il a raconté non seulement avec la précision du détail mais surtout avec passion malgré l’effet du temps.
Arrivé en Algérie au lendemain d’une année 1968, historique pour la France, voire au-delà, Charles Bonn ne savait pas, pouvons-nous, comprendre à travers son témoignages, qu’il était destiné à une expérience inoubliable dans l’antique Cirta.
« Le hasard d’une nomination à l’université de Constantine, en 1969, alors que je ne connaissais rien, ni de l’Algérie ni de sa littérature, a finalement fait de moi, en toute modestie, l’un des premiers découvreurs de cette littérature algérienne de langue française, à laquelle j’ai ensuite consacré l’essentiel de mes activités de chercheur », avoue Charles Bonn dans l’introduction de l’ouvrage.
« Cette rencontre à travers la littérature avec un pays que je ne connaissais pas a fait de moi l’homme comme le chercheur que je suis devenu, tant mes positions politiques que ma théorisation du littéraire, en constante évolution, en ont été profondément marquées », reconnaît encore Bonn, aujourd’hui, consacré comme l’un des spécialistes de la littérature algérienne d’expression française.
La découverte avec «le Polygone étoilé» de Kateb YacineDans ses réponses aux questions d’Amel Maafa, Charles Bonn révéla que la littérature algérienne était une découverte pour lui. « Il a fallu que je sois nommé par hasard au tout début de ma carrière d’enseignant, en 1969, à l’université de Constantine, poste que je n’avais pas demandé mais qui me séduisait bien, pour me permettre de découvrir l’existence même de cette littérature, totalement absente alors, et pour longtemps encore, de l’enseignement littéraire en France », confesse le chercheur. Charles Bonn retrace dans ce sens son premier contact avec une œuvre d’un auteur algérien. C’était avec « le Polygone étoilé » de Kateb Yacine, paru en 1966.
« Le jour même de mon arrivée, je poussais la porte, rue Abane-Ramdane, de la plus belle librairie de la ville – devenue depuis épicerie- et j’y découvris bien en évidence le livre d’un auteur inconnu, paru depuis peu, « le Polygone étoilé » de Kateb Yacine », raconte-t-il. A la lecture du roman, l’universitaire fut vite saisi par un sentiment d’ « étrangeté » qu’il aborda dans le présent ouvrage.
« Je le lus et fus saisi d’un fort sentiment d’étrangeté ; je sentais confusément que c’était un grand texte et en même temps, je n’y comprenais rien ! », souligne-t-il non sans admettre un sentiment d’embarras. « Le professeur de français sûr de lui que j’étais en fut profondément vexé ! C’est l’inattendu de cette vexation qui devait décider de toute mon évolution ultérieure de chercheur et d’enseignant», confesse le chercheur.
Autrement dit, la vexation ressentie à la lecture du roman aura été fortement déterminante sur l’itinéraire de Charles Bonn et l’intérêt qu’il portera sur la littérature algérienne pour en devenir un spécialiste.
Mohammed Dib ou la rencontre la plus importante Dans le quatrième chapitre du livre, Charles Bonn raconte ses rencontres avec des écrivains. Il a avoué à ce propos que sa rencontre avec Mohammed Dib « fut la plus importante », dans le sens où elle eut « une influence énorme autant personnelle que professionnelle », au moment ou Bonn traversait une crise intime.
« Et quinze ans après sa mort (Dib est décédé en 2003), il reste celui dont j’admire le plus l’œuvre trop peu connue, dont la portée dépasse infiniment la localisation maghrébine qu’une critique, parfois paresseuse, lui a trop souvent accolée», souligne l’auteur de « la Littérature algérienne de langue française et ses lectures », paru en 1974. En plus de cette relation très personnelle, Bonn affirme l’existence d’une relation « très pudique » avec Mohammed Dib. « Je n’ai presque jamais osé lui poser des questions trop intimes sur lui, contrairement à ce que faisait sans vergogne avec tous les écrivains quelqu’un comme Jean Déjeux, à qui je dois, cependant, les réponses à ces questions qui m’ont été particulièrement utiles, par exemple, pour mon approche des roman dits « nordiques » de Mohammed Dib », écrit-il.
Charles Bonn souligne dans l’ouvrage ne pas avoir rencontré très souvent Mohammed Dib « à cause de cette pudeur » qui participait à la qualité des relations entretenue avec lui. « En tout cas, je me souviens fort bien de ma fierté lorsque je suis venu lui apporter le numéro de la revue Littérature et contacts de culture, que j’avais rassemblé en hommage à son œuvre. J’avais l’impression quasi-filiale de lui rendre un peu ce qu’il m’avait donné », note Charles Bonn.
Relancé dans le jeu de question-réponse sur l’œuvre de Kateb Yacine, qui a joué un rôle essentiel dans sa « théorisation du littéraire » particulièrement (mais pas seulement) en période de décolonisation, une théorisation qui lui permit en particulier la relation entre l’œuvre littéraire et l’histoire. Le chercheur raconta également sa première rencontre avec l’auteur de « Nedjma » qu’il invita pour parler à ses étudiants à l’université de Constantine.
« Si le contact avec les étudiants fut excellent, le repas qui suivit à l’hôtel Cirta, où il était logé, fut mouvementé.
Arrivé en Algérie au lendemain d’une année 1968, historique pour la France, voire au-delà, Charles Bonn ne savait pas, pouvons-nous, comprendre à travers son témoignages, qu’il était destiné à une expérience inoubliable dans l’antique Cirta.
« Le hasard d’une nomination à l’université de Constantine, en 1969, alors que je ne connaissais rien, ni de l’Algérie ni de sa littérature, a finalement fait de moi, en toute modestie, l’un des premiers découvreurs de cette littérature algérienne de langue française, à laquelle j’ai ensuite consacré l’essentiel de mes activités de chercheur », avoue Charles Bonn dans l’introduction de l’ouvrage.
« Cette rencontre à travers la littérature avec un pays que je ne connaissais pas a fait de moi l’homme comme le chercheur que je suis devenu, tant mes positions politiques que ma théorisation du littéraire, en constante évolution, en ont été profondément marquées », reconnaît encore Bonn, aujourd’hui, consacré comme l’un des spécialistes de la littérature algérienne d’expression française.
La découverte avec «le Polygone étoilé» de Kateb YacineDans ses réponses aux questions d’Amel Maafa, Charles Bonn révéla que la littérature algérienne était une découverte pour lui. « Il a fallu que je sois nommé par hasard au tout début de ma carrière d’enseignant, en 1969, à l’université de Constantine, poste que je n’avais pas demandé mais qui me séduisait bien, pour me permettre de découvrir l’existence même de cette littérature, totalement absente alors, et pour longtemps encore, de l’enseignement littéraire en France », confesse le chercheur. Charles Bonn retrace dans ce sens son premier contact avec une œuvre d’un auteur algérien. C’était avec « le Polygone étoilé » de Kateb Yacine, paru en 1966.
« Le jour même de mon arrivée, je poussais la porte, rue Abane-Ramdane, de la plus belle librairie de la ville – devenue depuis épicerie- et j’y découvris bien en évidence le livre d’un auteur inconnu, paru depuis peu, « le Polygone étoilé » de Kateb Yacine », raconte-t-il. A la lecture du roman, l’universitaire fut vite saisi par un sentiment d’ « étrangeté » qu’il aborda dans le présent ouvrage.
« Je le lus et fus saisi d’un fort sentiment d’étrangeté ; je sentais confusément que c’était un grand texte et en même temps, je n’y comprenais rien ! », souligne-t-il non sans admettre un sentiment d’embarras. « Le professeur de français sûr de lui que j’étais en fut profondément vexé ! C’est l’inattendu de cette vexation qui devait décider de toute mon évolution ultérieure de chercheur et d’enseignant», confesse le chercheur.
Autrement dit, la vexation ressentie à la lecture du roman aura été fortement déterminante sur l’itinéraire de Charles Bonn et l’intérêt qu’il portera sur la littérature algérienne pour en devenir un spécialiste.
Mohammed Dib ou la rencontre la plus importante Dans le quatrième chapitre du livre, Charles Bonn raconte ses rencontres avec des écrivains. Il a avoué à ce propos que sa rencontre avec Mohammed Dib « fut la plus importante », dans le sens où elle eut « une influence énorme autant personnelle que professionnelle », au moment ou Bonn traversait une crise intime.
« Et quinze ans après sa mort (Dib est décédé en 2003), il reste celui dont j’admire le plus l’œuvre trop peu connue, dont la portée dépasse infiniment la localisation maghrébine qu’une critique, parfois paresseuse, lui a trop souvent accolée», souligne l’auteur de « la Littérature algérienne de langue française et ses lectures », paru en 1974. En plus de cette relation très personnelle, Bonn affirme l’existence d’une relation « très pudique » avec Mohammed Dib. « Je n’ai presque jamais osé lui poser des questions trop intimes sur lui, contrairement à ce que faisait sans vergogne avec tous les écrivains quelqu’un comme Jean Déjeux, à qui je dois, cependant, les réponses à ces questions qui m’ont été particulièrement utiles, par exemple, pour mon approche des roman dits « nordiques » de Mohammed Dib », écrit-il.
Charles Bonn souligne dans l’ouvrage ne pas avoir rencontré très souvent Mohammed Dib « à cause de cette pudeur » qui participait à la qualité des relations entretenue avec lui. « En tout cas, je me souviens fort bien de ma fierté lorsque je suis venu lui apporter le numéro de la revue Littérature et contacts de culture, que j’avais rassemblé en hommage à son œuvre. J’avais l’impression quasi-filiale de lui rendre un peu ce qu’il m’avait donné », note Charles Bonn.
Relancé dans le jeu de question-réponse sur l’œuvre de Kateb Yacine, qui a joué un rôle essentiel dans sa « théorisation du littéraire » particulièrement (mais pas seulement) en période de décolonisation, une théorisation qui lui permit en particulier la relation entre l’œuvre littéraire et l’histoire. Le chercheur raconta également sa première rencontre avec l’auteur de « Nedjma » qu’il invita pour parler à ses étudiants à l’université de Constantine.
« Si le contact avec les étudiants fut excellent, le repas qui suivit à l’hôtel Cirta, où il était logé, fut mouvementé.
On y servit, en effet, du vin sans problème aux coopérants français comme moi, mais pas à Kateb Yacine, qui entra de ce fait dans une colère homérique et nous fit quitter bruyamment le restaurant pour aller épancher ensuite notre soif (surtout la sienne)… », se souvient Charles Bonn.
Ce dernier est revenu dans l’ouvrage sur sa relation avec Rachid Boudjedra qui « fut néanmoins plus compliquée, comme le personnage même de cet écrivain, que j’ai grandement contribué à faire connaître, comme je l’ai fait aussi pour Nabil Farès, avec qui des malentendus comparables ont vu le jour tant la relation entre un écrivain de cette génération et son critique est souvent difficile ». Pour Charles Bonn, il y a une différence de génération entre Boudjedra et Farès, d’un côté, et Dib et Kateb, d’un autre côté, dans le sens où ces deux derniers « avaient moins besoin de leurs critiques pour être connus que les deux plus jeunes ».
Quelle appréciation porte-t-il sur l’œuvre de Boudjedra ? « Au fil des années, depuis la rupture qu’avait introduite en 1969 « La Répudiation » dans l’écriture maghrébine francophone, l’œuvre de Rachid Boudjedra n’a cessé de se développer, avec constance et une régularité du rythme de publication qui en impose », observe l’universitaire. Mais, ajoutera-t-il, « cette œuvre, confrontée à des situations politiques successives différentes, porte aussi nécessairement la trace de ces évolutions historiques dans le cadre desquelles elle s’inscrit».
Dans un autre sous-chapitre dédié à Nabil Farès, et dont l’essentiel a été écrit pour un recueil d’hommage, sous la direction de Beïda Chikhi, d’Ali Chibani et de Karima Lazali, raconte avoir été « séduit » dès 1970 par le roman « Yahia, pas de chance ».
« Parce que j’y découvrais déjà particulièrement dans la scène sublime du « diner où s’échangeaient les mondes » cette obsession mienne de l’accès à la parole pour dire tous les indicibles que le réel, souvent violent, nous tend comme des défis», raconte Bonn.
Plutôt un geste de rassurement qu’un besoin narcissiqueDans la postface, la parole a été donnée à Naget Khadda, professeur de langue et littérature françaises, à la retraite, qui est de la même génération que Charles Bonn. Elle a expliqué d’emblée qu’en racontant son parcours, Charles Bonn est loin d’avoir cédé à un besoin narcissique. « J’y vois, pour ma part, plutôt un geste de rassurement, une façon de surmonter l’angoisse qui s’empare de nous, universitaires, quand arrive le temps de la retraite et que, délestés des exigences des programmes, du carcan des horaires de cours et du poids des corrections des copies, nous nous sentons absolument libres et nous lançons – comme pour rattraper on ne sait quel temps perdu – dans une activité frénétique et, somme toute, jouissive, en répondant à des sollicitations tous azimuts », écrit-elle.
Avec Amel Maafa, Charles Bonn tresse des aspects quasi intimistes de son autobiographie et un compte-rendu parfois désenchantant des ses combats d’enseignant-chercheur, note Naget Khadda.
« Parce que j’y découvrais déjà particulièrement dans la scène sublime du « diner où s’échangeaient les mondes » cette obsession mienne de l’accès à la parole pour dire tous les indicibles que le réel, souvent violent, nous tend comme des défis», raconte Bonn.
Plutôt un geste de rassurement qu’un besoin narcissiqueDans la postface, la parole a été donnée à Naget Khadda, professeur de langue et littérature françaises, à la retraite, qui est de la même génération que Charles Bonn. Elle a expliqué d’emblée qu’en racontant son parcours, Charles Bonn est loin d’avoir cédé à un besoin narcissique. « J’y vois, pour ma part, plutôt un geste de rassurement, une façon de surmonter l’angoisse qui s’empare de nous, universitaires, quand arrive le temps de la retraite et que, délestés des exigences des programmes, du carcan des horaires de cours et du poids des corrections des copies, nous nous sentons absolument libres et nous lançons – comme pour rattraper on ne sait quel temps perdu – dans une activité frénétique et, somme toute, jouissive, en répondant à des sollicitations tous azimuts », écrit-elle.
Avec Amel Maafa, Charles Bonn tresse des aspects quasi intimistes de son autobiographie et un compte-rendu parfois désenchantant des ses combats d’enseignant-chercheur, note Naget Khadda.
Charles Bonn – « Littérature algérienne, itinéraire d’un lecteur », entretien avec Amel Maafa – Editions El Kalima disponible au Sila 2019
Rahmoun, auteure du roman « He, toi la gitane… tu vas tomber malade » : «Ecrire un livre ce n’est pas noircir du papier, c’est une responsabilité»
Reporters : Dans tout roman, il y a le sujet apparent et le sujet profond. Quel est le sujet profond de votre roman ?Salima Rahmoun : Tinhinane, la protagoniste, relate son histoire d’amour avec Nassim en s’adressant à lui, une tentative de raviver leur histoire passée et de rendre hommage à un homme qui lui a offert suffisamment d’amour. Mais l’espace-temps où se déroule l’histoire est souvent coupé. Le personnage central Tinhinane interpelle en fait sa propre culture, l’hypocrisie de sa ville de Aïn El Hammam, ballotée entre l’archaïsme et la liberté. Figure de rébellion en apparence, elle cache ses peurs dans ses ruelles, enfouit sa haine dans les foyers à surveiller les pas de ses filles, leurs corps, leur rêves… Le sujet profond, c’est cette personnification de la ville.
Le roman est intitulé « he, toi la gitane …tu vas tomber malade », pourquoi ce titre ?C’est tout simplement la première phrase par laquelle le protagoniste Nassim a abordé Tinhinane… Gitane, car elle avait les cheveux longs et bouclés, et concernant la maladie, c’est parce qu’elle musardait sous une pluie de décembre. Elle était complètement mouillée lorsqu’il l’a surprise dans cette rue. Malheureusement, le sort nous réserve des maladies que seule l’écriture peut nous sauver. Les saints de la ville qu’elle a affrontés ne manquaient pas d’anathèmes, elle a eu les maladies de l’émoi, du deuil, de l’exil, de l’amour sans avenir et de la gestation sans amour.
Est-ce un constat sur la condition féminine?Sans vous mentir, à 17 ans, on ne pense pas trop aux messages. J’ai écrit parce que c’était le seul moyen. Je ne sais si je fuyais ou si j’allais vers un point, c’est comme si j’avais besoin de faire le deuil de quelque chose, mais à un moment donné, la littérature m’a ramenée vers mes propres angoisses, celle de vivre au sein d’une ville dardant ses regards vigiles, emboitant vos pas, surveillant vos mots, vos habits, vos rêves… C’est ce que j’ai ressenti à 17 ans. Mais le lien avec ma ville reste le même et ma ville surtout reste la même. Je pose des questions et grâce au personnage de Tinhinane je cogne contre les murailles de la Kabylie, j’interpelle sa mémoire, sa terre, ses villages, ses ruelles et ses gens, les pères surtout.
Etes-vous féministe ? Me concernant, je parle de ce qui m’émeut, de ce qui me gêne, en l’occurrence la situation de la femme dans ma société – qui se croit libérée mais selon les normes qu’on lui impose, celle du père, des frères, des cousins, du village, de la ville… La liberté que je conçois est asexuée, je suis pour une redéfinition des dogmes sociétaux, une réflexion approfondie sur ce qui nous a toujours ligotés. La définition que je donne au féminisme est très simple, c’est celle d’une femme demandant l’égalité.
En tant que femme, issue d’une société kabyle, la condition de la femme, à mon sens, est liée directement à l’archaïsme des idées. Sur la base de mon vécu, je vois que la femme est ligotée par la phobie du déshonneur non pas celle du péché, mais par les yeux de son entourage.
On a encore peur de l’érudition féminine car c’est elle qui mène à une véritable émancipation. A un moment donné, on a permis à la femme de participer à la scène politique, économique et sociale, mais n’oublions pas que tous ces domaines sont régis par des lois. La seule chose qui s’écarte de la loi, c’est bel et bien l’art, c’est là que la figure féminine devient effrayante, c’est là que le nœud se resserre et qu’on remet tout en cause.
Revenons à votre écriture romanesque…Jusqu’à présent, tout débute d’une idée, puis se met petit à petit le décor, les personnages. J’écris les scènes de manière parcellaire, c’est-à-dire par chapitres, jamais en respectant la chronologie. Je me laisse aller dans la métaphore lorsque le personnage le permet. C’est ce qui me ressemble le plus.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?« he, toi la gitane… tu vas tomber malade » est mon premier livre publié, je l’ai écrit entre mes 17 et 20 ans. Dans quelques mois, je sors un recueil de poésies en français et mon deuxième roman est presque fini. Il est écrit en langue française également et à travers un fatras de styles disparates.
Qu’elle est la place de l’écrivain dans l’Algérie d’aujourd’hui ?Je vous réponds en tant que lectrice acharnée. L’écrivain pour moi se doit de poser les problèmes de sa société, écrire un livre ce n’est pas noircir du papier. C’est une responsabilité. Ce noble acte est pesant, il l’oblige de sortir des axes sociétaux, d’explorer de nouvelles idées, de gommer les crédos de l’Ecole algérienne.
Malheureusement, dans mon pays, on aime les démagogues, on aime les conformistes, on aime surtout les livres conjoncturels. Proust n’avait pas besoin d’être engagé, il n’a eu qu’à se confiner dans sa chambre bourgeoise pour écrire le chef-d’œuvre « A la recherche du temps perdu ». Malheureusement notre époque, notre situation nous obligent à écrire d’une autre manière, à transformer le poème en libellé, la prose en liste de revendications.
Vous êtes une écrivaine algérienne, vous avez écrit un roman dont l’histoire se passe en Algérie, mais vous l’avez édité au Liban, pourquoi ? Honnêtement, j’ai essayé de l’éditer en Algérie, mais ça n’a pas marché. C’est un mal pour un bien certainement. En choisissant Dar Al Farabi, une édition libanaise, l’histoire qui se déroule en Kabylie peut désormais être connue ailleurs, comme le printemps amazigh et ses victimes. Ma culture, par cette histoire écrite en arabe, trouve d’autres latitudes.
Le roman est intitulé « he, toi la gitane …tu vas tomber malade », pourquoi ce titre ?C’est tout simplement la première phrase par laquelle le protagoniste Nassim a abordé Tinhinane… Gitane, car elle avait les cheveux longs et bouclés, et concernant la maladie, c’est parce qu’elle musardait sous une pluie de décembre. Elle était complètement mouillée lorsqu’il l’a surprise dans cette rue. Malheureusement, le sort nous réserve des maladies que seule l’écriture peut nous sauver. Les saints de la ville qu’elle a affrontés ne manquaient pas d’anathèmes, elle a eu les maladies de l’émoi, du deuil, de l’exil, de l’amour sans avenir et de la gestation sans amour.
Est-ce un constat sur la condition féminine?Sans vous mentir, à 17 ans, on ne pense pas trop aux messages. J’ai écrit parce que c’était le seul moyen. Je ne sais si je fuyais ou si j’allais vers un point, c’est comme si j’avais besoin de faire le deuil de quelque chose, mais à un moment donné, la littérature m’a ramenée vers mes propres angoisses, celle de vivre au sein d’une ville dardant ses regards vigiles, emboitant vos pas, surveillant vos mots, vos habits, vos rêves… C’est ce que j’ai ressenti à 17 ans. Mais le lien avec ma ville reste le même et ma ville surtout reste la même. Je pose des questions et grâce au personnage de Tinhinane je cogne contre les murailles de la Kabylie, j’interpelle sa mémoire, sa terre, ses villages, ses ruelles et ses gens, les pères surtout.
Etes-vous féministe ? Me concernant, je parle de ce qui m’émeut, de ce qui me gêne, en l’occurrence la situation de la femme dans ma société – qui se croit libérée mais selon les normes qu’on lui impose, celle du père, des frères, des cousins, du village, de la ville… La liberté que je conçois est asexuée, je suis pour une redéfinition des dogmes sociétaux, une réflexion approfondie sur ce qui nous a toujours ligotés. La définition que je donne au féminisme est très simple, c’est celle d’une femme demandant l’égalité.
En tant que femme, issue d’une société kabyle, la condition de la femme, à mon sens, est liée directement à l’archaïsme des idées. Sur la base de mon vécu, je vois que la femme est ligotée par la phobie du déshonneur non pas celle du péché, mais par les yeux de son entourage.
On a encore peur de l’érudition féminine car c’est elle qui mène à une véritable émancipation. A un moment donné, on a permis à la femme de participer à la scène politique, économique et sociale, mais n’oublions pas que tous ces domaines sont régis par des lois. La seule chose qui s’écarte de la loi, c’est bel et bien l’art, c’est là que la figure féminine devient effrayante, c’est là que le nœud se resserre et qu’on remet tout en cause.
Revenons à votre écriture romanesque…Jusqu’à présent, tout débute d’une idée, puis se met petit à petit le décor, les personnages. J’écris les scènes de manière parcellaire, c’est-à-dire par chapitres, jamais en respectant la chronologie. Je me laisse aller dans la métaphore lorsque le personnage le permet. C’est ce qui me ressemble le plus.
Avez-vous d’autres projets d’écriture ?« he, toi la gitane… tu vas tomber malade » est mon premier livre publié, je l’ai écrit entre mes 17 et 20 ans. Dans quelques mois, je sors un recueil de poésies en français et mon deuxième roman est presque fini. Il est écrit en langue française également et à travers un fatras de styles disparates.
Qu’elle est la place de l’écrivain dans l’Algérie d’aujourd’hui ?Je vous réponds en tant que lectrice acharnée. L’écrivain pour moi se doit de poser les problèmes de sa société, écrire un livre ce n’est pas noircir du papier. C’est une responsabilité. Ce noble acte est pesant, il l’oblige de sortir des axes sociétaux, d’explorer de nouvelles idées, de gommer les crédos de l’Ecole algérienne.
Malheureusement, dans mon pays, on aime les démagogues, on aime les conformistes, on aime surtout les livres conjoncturels. Proust n’avait pas besoin d’être engagé, il n’a eu qu’à se confiner dans sa chambre bourgeoise pour écrire le chef-d’œuvre « A la recherche du temps perdu ». Malheureusement notre époque, notre situation nous obligent à écrire d’une autre manière, à transformer le poème en libellé, la prose en liste de revendications.
Vous êtes une écrivaine algérienne, vous avez écrit un roman dont l’histoire se passe en Algérie, mais vous l’avez édité au Liban, pourquoi ? Honnêtement, j’ai essayé de l’éditer en Algérie, mais ça n’a pas marché. C’est un mal pour un bien certainement. En choisissant Dar Al Farabi, une édition libanaise, l’histoire qui se déroule en Kabylie peut désormais être connue ailleurs, comme le printemps amazigh et ses victimes. Ma culture, par cette histoire écrite en arabe, trouve d’autres latitudes.
« He, toi la gitane… tu vas tomber malade », le synopsis
Nous sommes à l’aube des années 2000. En Kabylie. Cœur battant de la lutte contre l’oppression où le peuple scande haut et fort le mot liberté. Tinhinane, une lycéenne en terminale, pourtant non moins sensible à ce sujet, sait qu’il n’en est rien, du moins pour les filles de son âge, elle qui est issue d’une famille de haut parage mais très conservatrice, dans laquelle le père impose son éducation spartiate craignant les corps de ses trois filles comme des bombes à retardement.
Tinhinane vit avec la peur de subir le même sort que ses deux sœurs aînées, l’une obligée à se marier à un homme riche qu’elle ne connaissait point et l’autre empêchée de poursuivre ses études à l’université. Dès lors, elle est là, emmurée dans cette immense maison à attendre. Tinhinane ne fait pas d’erreurs, elle rêve de faire des études supérieures, une érudition salvatrice qui la mènera à la liberté tant convoitée.
En attendant, elle surveille ses pas que sa ville natale, Aïn el Hammam, ne manque pas d’épier avec des regards vigiles. Que le châtiment parental menace.
Que la peur étouffe. C’est une simple photographie qui bouleversera cet équilibre apparent. Lors d’un rassemblement commémoratif, Tinhinane reçoit une photo d’elle, prise lors de son premier acte insolite, une allocution pour l’événement…
Elle a peur. Puis la peur disparaît. D’autres photos viennent suggérer un amour secret nourrissant une curiosité féminine qui ne tardera à être submergée de belles émotions. Désormais, elle ne se pose qu’une seule question « et si le photographe se manifestait ? » Le roman est intitulé « He, toi la gitane… tu vas tomber malade », première phrase que prononcera le protagoniste, l’homme mystérieux qui mène aux maladies, aux anathèmes et au parjure. Le roman est une longue confession de Tinhinane, dont le style laisse transparaître l’émotion.
Dans la diégèse, on suivra le destin d’une adolescente devenue femme, vieille portant sa malle de souvenirs. La protagoniste relate, provoque, accuse, cogne sur les portes du passé et revisite dans ses divagations les dogmes de sa société, tels que l’honneur, la paternité, le mariage, la patrie, avec la langue acérée d’une femme qui n’a plus rien à perdre.
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