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8/07/2014

Patrimoine : La passion pour le cheval barbe, toujours vivace dans l’Est du pays

Monture révérée depuis l’antiquité, tirant son nom des peuples berbères de l’Afrique du Nord, le cheval barbe est l’une des plus anciennes et des plus belles races chevalines du monde. Cheval préféré de la reine Kahina et de Saint-Augustin, porte-bonheur d’Alexandre le Grand et d’autant de grands qui ont changé le cours de l’Histoire, le cheval barbe suscite toujours un vif engouement auprès des éleveurs dans les wilayas de l’Est algérien.

Sa robustesse, son endurance et ses facultés exceptionnelles d'assimilation et de compréhension, qualifiées par les spécialistes en paléontologie animale "d’uniques", et qui ont fait sa réputation depuis l’aube de l’humanité, ont consolidé sa relation avec les centaines d’éleveurs des wilayas dans l’Est du pays pour qui, posséder un cheval barbe, est un élément d’identité et une source de fierté.

La promotion, le développement et le renouveau de la race barbe, véritable composante du patrimoine national, indissociable de l’identité algérienne et star incontestée de la fantasia, symbole de la virtuosité guerrière berbère par excellence, constitue, aujourd’hui plus que jamais, un devoir, mais surtout, un défi que les professionnels de la filière équine et les passionnés de cet animal sublime sont déterminés à relever.

600 chevaux barbe et arabe barbe naissent annuellement, en moyenne, dans l’est du pays

Dans les régions Est du pays, où les traditions équestres sont profondément enracinées, la reproduction pour la sauvegarde de la race équine et la promotion de la race barbe, en particulier, revêtent "une grande importance" et constituent une des missions principales de l’ONDEEC (Office national de développement des élevages équin et camelin), affirme à l’APS son directeur régional, M. Abdelali Bachtarzi.

L’ONDEEC, dont la Direction générale se trouve à Tiaret, met à la disposition des privés, agriculteurs ou éleveurs, des étalons pour qu'ils puissent assurer une reproduction de chevaux sains et robustes. Le cheval barbe, soutient ce même responsable, est très prisé dans les régions d’El Kouif (Tébessa), d’El Mahmel (Khenchela), de Bazer-Sakha (Sétif), de Barika (Batna), de Sedrata (Souk Ahras) et de M’sila. Il s’agit de la race "la plus convoitée" lors de la saison de saillie des juments, affirme-t-il. Durant cette période qui débute à chaque printemps, une vingtaine d’étalons barbe de l’ONDEEC, accompagnée d’une équipe technique composée de vétérinaires et de techniciens notamment, sont répartis sur les stations de monte de l’office, dans les wilayas de l’Est, avec comme objectif "la reproduction, le renouveau de la race barbe et la préservation de son authenticité", précise-t-on.

L’ONDEEC emploie également, selon son directeur, les étalons des éleveurs privés pour la saison de saillie. "Une opération d’identification de la race de l’animal et d’enregistrement des étalons est engagée par les techniciens de l’office avant la remise aux propriétaires d’une carte réglementaire de saillie et d’un permis de monte", indique M. Bachtarzi, soulignant que le procédé est souvent utilisé à Barika (Batna), El Eulma (Sétif) et M’sila, des régions où le cheval est souvent "au centre de la vie familiale".

Après la mise bas et la naissance du poulain, un certificat d’origine, un autre d’immatriculation et une attestation de naissance sont délivrés par l’ONDEEC au propriétaire du poulain, donnant droit à une prime de 20.000 dinars comme encouragement aux éleveurs qui veillent à la préservation de la race barbe.

"Le poulain nouveau-né, avec ses caractéristiques, ses données et celles de ses parents sont alors enregistrées au stud-book de l’office", explique le même responsable, affirmant qu’en moyenne, ce sont 600 poulains qui naissent annuellement, entre barbe et arabe barbe dans l'Est du pays.

Un institut national de développement des élevages équins, le nécessaire "coup de sabot" pour progresser

Evoquant le monde passionnant du cheval, ses différentes races, ses caractéristiques et ses particularités, le directeur régional de l’ONDEEC n’a pas caché son souhait de voir la filière équine prospérer davantage. "Convertir l’Office national de développement des élevages équin et camelin, actuellement au statut d'EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial) en Institut national est en mesure de valoriser les efforts déployés pour donner ses lettres de noblesse au cheval, le barbe particulièrement", lance non sans conviction M. Bachtarzi.

Ce responsable, affirmant qu’une demande, dans ce sens, a été adressée par l’ONDEEC au ministère de l’Agriculture et du Développement rural, a soutenu qu’un Institut national subventionné par l’Etat renforcera "l’intérêt grandissant pour la promotion de la filière équine et replacera dans sa véritable dimension le travail rigoureux effectué pour la promotion du cheval barbe".

Rappelant que ce cheval est dit "ambassadeur", dès lors qu’il est utilisé pour le croisement de très nombreuses races, à l'origine du pur-sang anglais, andalou et du mustang américain, notamment, le directeur régional de l’ONDEEC a fait part de "l’initiative d’abriter, depuis 2008, un club équestre privé en tant que démarche pour inciter les jeunes à s'adonner au sport si noble qu'est l'équitation et le dressage, des domaines où le barbe peut rayonner à l'international".

L’ONDEEC qui a longtemps élu domicile au dépôt des reproducteurs (La Remonte) à Sidi Mabrouk, a récemment déménagé pour s’installer au lieudit les "Quatre chemins", entre Ali Mendjeli et la commune d’El Khroub. Les nouveaux locaux nécessitent des travaux pour mieux adapter les lieux à leur mission de développement et de modernisation de la filière équine. Toutefois, l’ambition, soutient-on, demeure grande pour valoriser une race qui a séduit empereurs, rois, princes et seigneurs.

Le cheval barbe, un parcours aussi long qu’impressionnant

Remontant à plus de 3.000 ans, élevé depuis l'antiquité pour le travail, la chasse, la parade et la guerre, le cheval barbe se prévaut d’une histoire bien plus passionnante que celle de toutes les autres races équines, affirment des connaisseurs. A l’origine des grands succès réalisés aux Jeux pana-athéniens, durant lesquels, Mastanabal, fils de Massinissa et père de Jughurta, avait gagné quatre consécrations, cet animal sublime qui composait la cavalerie Numide était "la bête noire" des romains qui, connaissant ses performances, redoutaient ses assauts dans les champs de bataille. L’histoire retient aussi que ces mêmes romains envoyaient chercher au royaume de Carthage ces chevaux guerriers pour leurs conquêtes.

La cavalerie de l’émir Abdelkader qui a résisté aux troupes coloniales était également composée de chevaux barbes. Au cœur des grands évènements historiques, ce cheval a accompagné les musulmans venus d’Orient dans leur conquête de l’Espagne et a traversé l’Atlantique pour être à l’origine d’une nouvelle race équine peuplant le nouveau monde.

Les armées Napoléoniennes montaient des chevaux barbes pour toutes leurs expéditions militaires. Cet animal noble remporta, lors de la Grande guerre (1914-18), une bataille décisive en Macédoine. Durant la deuxième guerre mondiale, il récidiva, monté par un régiment allemand, atteignant les portes de Moscou.

En 1975, le superbe étalon barbe Ouassal, présent du président Houari Boumediène au président français Valéry Giscard d'Estaing était à l’origine de la relance du stud-book barbe en France, supprimé en 1962.

Moza Daghiche