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11/05/2019

Mahdi Boukhalfa, auteur d’un livre témoin sur le Mouvement : «Retranscrire, pour l’histoire, les premiers grands moments du Hirak»


Témoin privilégié de l’actualité nationale par son métier de journaliste, Mahdi Boukhalfa vient de publier aux éditions Chihab un nouvel ouvrage intitulé «la Révolution du 22 février. 
De la Contestation à la Chute des Bouteflika», où il relate avec minutie les différentes séquences qui ont marqué la scène sociopolitique algérienne depuis le déclenchement du mouvement de contestation populaire, ce fameux vendredi du 22 février 2018, jusqu’au départ de l’ex-président déchu le 5 avril. Dans cet entretien, Mahdi Boukhalfa revient sur le déclic qui l’a amené à l’écriture de cet ouvrage, ainsi que sa perception des bouleversements qui marquent l’Algérie depuis maintenant huit mois. 
L’auteur présentera son ouvrage au niveau du stand des éditions Chihab à l’occasion d’une vente-dédicaces qui sera organisée le 31 octobre prochain au Salon international du livre d’Alger (Sila).
Reporters : Tout d’abord, comment vous est venue l’idée d’écrire un ouvrage dédié à la révolution du 22 février en Algérie ?
Mahdi Boukhalfa :
 Au plus près du mouvement populaire, dans les premiers intenses moments, où les Algériens se sont surpris à briser l’interdiction de manifester et revendiquer avec le sourire un changement politique radical et barrant la route à un 5e mandat que briguait le clan du président Bouteflika, il m’a paru important et évident, en tant que journaliste d’agence, je suis issu de l’agence APS, et alors que j’étais à TSA, de suivre ce mouvement. Et, surtout, de retranscrire, pour l’histoire, les premiers grands moments du Hirak. J’avais été pris par une terrible envie de témoigner, alors que je faisais la couverture des premiers meetings à la place Maurice-Audin, à la faculté centrale et à la Grande-Poste, de rapporter minutieusement ces moments exaltants. Ceux de la naissance d’un mouvement populaire qui prélude d’une autre Algérie, belle et jeune. Et donc, j’ai tout simplement saisi l’importance des événements, l’impact extraordinaire de ces moments portés par ces millions d’Algériens toutes générations confondues, pour les matérialiser dans un livre-essai ou témoignage.  

Votre ouvrage s’intitule «la Révolution du 22 février. De la Contestation à la chute des Bouteflika», est-ce que cela signifie que la principale thématique de votre ouvrage est surtout axée sur le processus qui a mené à la chute de Bouteflika, ou bien allez-vous au-delà de cette phase historique ?L’essai traite des premiers moments du Hirak, les manifestations populaires hebdomadaires, les slogans des manifestants dans une belle harmonie sociale, avec ses marches bien organisées, conviviales, familiales. Mais, surtout, les manigances du clan Bouteflika pour faire passer une candidature, qui a pris tous les aspects d’une ignoble forfaiture politique, adossée à un certificat de santé trafiqué. Et, surtout, la grande supercherie de cette présidentielle, avec l’annulation des fonds alloués à cette échéance, à la veille du départ de Bouteflika à Genève, soit le samedi. L’essai délimite dans le temps mon intervention, soit tous les événements, déclarations de responsables de partis, d’ONG, vécus et enregistrés entre le 22 février et le vendredi 5 avril, soit entre le premier et le cinquième vendredi». Avec un ordonnancement des interventions jusqu’à la démission de Bouteflika dans la soirée du 2 avril. Il y a également les tonitruants retournements de veste, notamment ceux du FLN et du RND, la montée au front de Gaïd Salah, lorsqu’il a senti qu’un coup d’Etat se préparait, les déclarations de Zeroual après la rencontre entre Toufik, Saïd Bouteflika et Louisa Hanoune…

Vous êtes sociologue de formation et vous avez une longue expérience de journaliste. Qu’elle approche avez-vous privilégié dans la rédaction de votre ouvrage ? Une approche sociologique ou journalistique ?Il est présomptueux de tenter une approche sociologique au sens que lui donnait Raymond Boudon, c’est-à-dire une analyse conceptuelle basée sur des variables aléatoires ou réelles du Hirak. Cette approche nécessite beaucoup plus de temps et de travail, notamment des enquêtes qui privilégient une analyse causale et pas factorielle pour aller au fond des choses. Non, mon travail a été celui d’un journaliste, de relever chaque jour les faits politiques, sociaux, économiques marquants et en faire un matériau historique, une histoire factuelle la plus proche possible sur les événements qui se déroulaient très vite sous nos yeux, chaque vendredi, chaque mardi, entre la «protesta» estudiantine, les «vendredire» populaires et le décor politique ambiant avec les interventions de politiques, de responsables d’ONG, de ministres, mais également les interventions étrangères, dont celles du président français et de son chef de la diplomatie sur «les événements» qui se déroulaient en Algérie. 

D’un point de vue personnel, comment avez-vous réagi durant la journée du 22 février et quels sont vos sentiments ou appréciations sur l’état des lieux, en Algérie, après huit mois de contestation ?Notre métier nous oblige à être lucides. Dans le feu des événements, à l’instar du 22 février, on n’a pas le temps de penser, même si on est ébloui par l’étincelle salvatrice d’un proche renouveau politique, car on est submergés par tant d’informations, de faits, de positions et de comportements politiques que cela nous empêche de faire une halte, un temps d’arrêt pour la réflexion, mais de rapporter le plus rapidement et le plus fidèlement ce qui se passe dans la rue pour rester collés à l’actualité. Après, il est vrai que l’on peut être submergé par des sentiments de désespoir, après huit mois ininterrompus de belles et soutenues manifestations populaires pour qu’une seconde indépendance du pays puisse qu’elle soit effective, le plus tôt possible, sans être altérée par des récupérations politiques à la durée temporelle limitée, sans lendemains sociologiques, politiques.

En tant que fin observateur de la scène sociopolitique, quels sont vos pronostics sur la continuité du mouvement et des présidentielles annoncées pour le 12 décembre prochain, dans un contexte où la répression des manifestants et des militants est de plus en plus féroce et les marches populaires de plus en plus renforcées ?A l’heure actuelle, un fait est certain, la protesta citoyenne, la silmya, ne va pas s’arrêter tant que le pouvoir ne présente pas de réponses concrètes aux revendications populaires et accepte de tourner vraiment, et de manière sincère et responsable, la page. En un mot, de partir et d’ouvrir la voie à une phase de transition durant laquelle l’Algérie de demain, l’Algérie de tous les Algériens pour tous les Algériens, entrera en phase active de reconstruction. Avec ce bel optimisme contagieux, qui a toujours caractérisé les manifestations populaires revendiquant un changement politique radical dans le pays.

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