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11/05/2019

Djoher Amhis-Ouksel : L’œuvre katebienne est «aujourd’hui plus que jamais d’actualité»


Invitée samedi par la Fondation culturelle Asselah, à l’occasion d’une rencontre dédiée à la mémoire du monument et icône de la littérature qu’est Mouloud Mammeri, le débat et la discussion avec Mme Djoher Amhis-Ouksel, intellectuelle, longtemps professeur, et notamment connue pour la collection «Empreinte» qu’elle a publiée aux éditions Casbah dédiée à des textes d’écrivains pivots de la culture nationale, aura également permis de revenir, en marge de la rencontre, sur la commémoration des trente ans de la disparition de Kateb Yacine.
Un écrivain, dont la pensée trouvera sa source dans «l’histoire, l’anthropologie et la culture» algérienne, et dont le travail prend aujourd’hui une dimension nouvelle. Toute son œuvre, explique-t-elle, est un appel à la «décolonisation» des esprits, à la réappropriation d’une histoire encore occultée. Mme Djoher Amhis-Ouksel, qui a axé sa communication sur l’étude de la pensée de Mouloud Mammeri, en partant de son œuvre, notamment du célèbre document «Lettre à un Français» publiée en 1956, et dans lequel il fera un procès sans concession du système colonial, dira que c’est dans cette même logique affirmera que «tout comme Mouloud Mammeri, Kateb Yacine, était dans le registre de la mémoire collective. 
Et c’est pour cela qu’ils dérangent encore, ils sont porteurs d’une mémoire dont on ne veut pas entendre parler. Leurs idées, leurs expressions… sont des mots d’oracles. L’étude de leurs textes mérite d’être approfondie». 
Ces auteurs partagent, en effet, de nombreux points communs, ayant tous deux à leur manière décortiqué les fondements des systèmes coloniaux – apparents ou non – dont le paroxysme reste la colonisation des esprits. Kateb Yacine est un «homme d’une réflexion profonde», ajoutera-t-elle, dont «l’oeuvre a dépassé les frontières». 
Elle reste «ancrée dans l’Algérie la plus profonde», précise Mme Djoher Amhis-Ouksel. Elle nécessite de ce fait d’être «décryptée avec un minimum de culture générale, un minimum de compréhension des symboles», ajoutera-t-elle. Elle citera : «Quand Kateb Yacine dit «nous ne sommes pas encore une nation», il signifie une chose essentielle, que l’Algérie n’a pas trouvé sa véritable voie, du point de vue historique, ethnologique et culturel». 
La commémoration des trente ans de la disparition de Kateb Yacine pose par ailleurs la question de l’enseignement de son œuvre, de sa pensée, au-delà de simples lectures de textes, par ailleurs perçues «à tort» comme «difficiles», dira la conférencière. «La mise à l’écart de penseurs ou d’écrivains tels que Mouloud Mammeri, Kateb Yacine -et beaucoup d’autres- est à chercher dans le texte lui-même. Jusqu’à 1970, on pouvait travailler sur le sens, la profondeur des textes, mais à partir de cette date, les œuvres algériennes ont intentionnellement été occultées de l’enseignement. 
Elles sont à mon avis porteuses d’idées «dérangeantes», dira Mme Djoher Amhis-Ouksel.
Elle ajoutera que le «questionnement que fait actuellement la société sur elle-même est une opportunité pour la réappropriation de l’identité profonde. 
Il est temps, plus que jamais, notamment depuis le 22 février, avec l’espoir et malgré beaucoup d’inquiétudes, que l’Algérie retrouve les rails de son histoire. Autrement, nous sommes dans un système démagogique et il faut le dire “colonialiste” à sa manière.»
Il est à rappeler que les ouvrages de Djoher Amhis-Ouksel, notamment ceux de la collection «Empreinte», seront proposés lors du Salon du livre. 
L’idée de chaque ouvrage consacré à l’étude de textes de Mouloud Feraoun, Taos Amrouche ou encore Assia Djebar, Rachid Mimouni ou Tahar Djaout… est «donner les clefs pour se réapproprier la culture», conclura-t-elle.

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