La bataille d'El Djorf, le 22 septembre 1955 sur la montagne éponyme distante de 100 km au Sud-ouest de la ville de Tébessa, demeure 62 ans après encore présente dans la mémoire collective nationale au regard de sa grande importance militaire et symbolique.El Djorf figure ainsi parmi les plus grandes batailles dans lesquelles l’Armée de libération nationale (ALN) a fait montre d’une perspicace et performante stratégie militaire, assurent des historiens de l’université "Larbi Tebessi" et des moudjahidine.
Pour le Pr Farid Nasreddine, chef du département histoire et archéologie, ce haut-fait d’arme qui s’est déroulé sur deux semaines entières, intervenait deux jours après l’offensive du Nord-constantinois (20 août 1955) durant la toute première année de la glorieuse Révolution de novembre 1954 et constitue la 3ème plus importante opération militaire dans toute la région 1 historique Aurès Nememcha.
Les chefs de la Révolution avaient surnommé leur tactique durant cette bataille "tactique de l’assaut montagneux" qui consiste à utiliser les grottes et les rochers en attirant l’ennemi vers des sites où il lui sera difficile de tirer avantage de sa suprématie aérienne, ajoute le même universitaire qui note que ces faits sont également attestés par nombre d’officiers français dont Pierre Clostermann dans son ouvrage "Appui-feu sur l’Oued Helaïl".
Cette manœuvre a été accompagnée par une répartition judicieuse des djounoud en petits groupes et une utilisation optimale et rationnée des munitions et des provisions, relève la même universitaire qui indique que la bataille avait coïncidé avec l’arrivée d’une caravane d’approvisionnement en armes et munitions introduite de Tunisie ainsi qu’avec la vaste opération militaire engagée par l’armée d’occupation française, de Oued Larab à Khenchela jusqu’aux piémonts des montagnes Nememcha sur les frontières algéro-tunisiennes, marquée par plusieurs batailles dont Ezzarka et Oum Lekmakem. La majorité des chefs de la Révolution de la région 1 historique dont Chihani Bachir, Abbas Laghrour, Adjel Adjoul, El Ouardi Guetal et Ferhi Saï ont pris part à cette bataille, affirme cet historien qui souligne que la cause directe de la bataille a été les rencontres ayant permis l’obtention de l’appui de la population et tenues à Ras Ettarfa près du mont El Djorf. Le premier engagement militaire a eu lieu le 21 septembre 1955 lorsque le groupe du chahid Mohamed Adjroud s’est opposé à une force de l’ennemi près de la région de Fertota. Le matin du 22 septembre 1955, des renforts militaires français ont été dépêchés vers El Djorf. Charayet Lazhar qui se trouvait à Djebel Labiodh, a informé l’état-major de l’ALN du mouvement des forces françaises
stationnées à Bir El Ater et Chréa en conseillant le retrait. Le même jour, le Bachagha de Khenchela a également conseillé de se retirer du Djorf dans une lettre à Chihani Bachir qui avait pris le commandement de la région-1 historique après l’arrestation le 12 février 1955 par l’armée française de son premier chef Mustapha Benboulaïd.
Au total, 300 moudjahidine avaient participé à cette bataille, selon les témoignages de moudjahidine recueillis par l’annexe locale du musée du moudjahid dont Ali Boulaâress, El Ouardi Guetal et Brahim Boughrara.
L’armée française a encerclé le mont El Djorf par 40.000 soldats appuyés par l’artillerie et l’aviation, ajoute Pr Nasreddine qui note qu’au bout de 4 jours de résistance acharnée les djounoud de l’ALN ont fini par briser l’étau. 120 martyrs sont tombés durant les accrochages et l’armée française, défaite, a dirigé ses représailles, comme à son accoutumée, contre la population civile des villages et dechra de la région.
El Djorf, la bataille qui a hâté l’internationalisation de la cause algérienne
Hautement chargée d’héroïsme et de défi pour les moudjahidine, cette bataille a contribué aux efforts d’internationalisation de la cause algérienne et a montré au monde que ce qui se passait en Algérie se déroulait sous une direction politique et militaire appuyée par tout un peuple. Sur le plan national, ce franc succès militaire a relevé le moral des moudjahidine de l’ALN et renforcé leur détermination à arracher à l’occupant la souveraineté nationale.
Cette bataille a aussi ouvert la voie à une nouvelle étape dans le combat libérateur et mis à nu la thèse coloniale d’après laquelle l’Algérie ne connaissait que de simples troubles causés par des groupes d’hors la loi. Selon le moudjahid Laïd Bouguetaf, 700 soldats français ont été tués et 350 autres blessés dans cette bataille, dirigée par Chihani Bachir, Ferhi Saï, Adjel Adjoul, Abbas Laghrour et El Ouardi Guetal. La wilaya de Tébessa, en coordination avec l’Organisation nationale des moudjahidine, a arrêté un vaste programme incluant des conférences et des projections de documentaires au musée du moudjahid pour la commémoration vendredi (22 septembre) du 62ème anniversaire de cette bataille épique.