Nombre total de pages vues

5/30/2018

Les Bouqalate aux veillées du mois de Ramadhan, un patrimoine immaterial « en danger »


“Ya fal ya felfal, djibli fali men koul blad, ya loukan bin sebaa djbal”. De tous temps la bouqala est associée aux veillées du mois de Ramadhan. Un divertissement réservé uniquement aux femmes, puisque les hommes avaient d’autres occupations. Qu’est ce que la Bouqala ? 

C’est un petit poème déclamé comme présage sensé porté chance à celle à qui il est destiné. 
La librairie Chaib Dzair de l’ANEP, a réunit mardi soir dernier, l’historien Abderrahmane Khelifa, le journaliste-écrivain, Noureddine Louhal, l’auteur Fettal Siham et le guide de la Casbah Nacer Kerchouche,  autour de ce rite ancestrale qui est la Bouqala.
Selon les conférenciers, la Bouqala concerne majoritairement les villes côtières, comme Alger, Cherchel, Jijel et autres. A Alger, cette pratique est associée presque exclusivement à la Casbah, explique Mme Fettal. La pratique de la bouqala est soumise à un rituel bien précis, dit-elle : les femmes préparent dans un récipient l’eau de sept fontaines, ou sept robinets. Sept morceaux de bois issus de sept portes. Sept parfums doivent être utilisés avec l’eau puis réservée durant sept jours sous la lumière des étoiles. Le soir de la rencontre, les jeunes filles mettent  dans le récipient un bijou ou objets leur appartenant. La doyenne de l’assemblée est chargée de réciter ces petits poèmes et à chaque fois un objet est retiré du récipient alors la Bouqala et destinée à la propriétaire de cet objet. A la fin du rituel, l’eau ne doit être jeté que lors qu’il n’y a plus de passant dans les rues. Alors les jeunes filles guettent dans la nuit un son ou un signe comme présage d’une vie future.
Abderahmane Khelifa, explique qu’Alger entre le 16e et 19e   était l’une des plus grandes métropoles de la Méditerranée, elle ne comptait pas moins de cent mille habitants dont 25000 femmes au moins. Cette pratique de la poésie traduit un certain niveau d’instruction de ces femmes, ajoute-t-il.
Nouredine Louhal, précise qu’en Kabylie maritime, les Bouqalate se retrouvent sous forme d’ «Achouik ». L’absence prolongée des époux, marin pour la plus part, et la solitude se traduisaient par des poèmes que les femmes déclament lors des veillées. Il ajoute « qu’à la Casbah, les veillée de Ramadhan, en plus e cette pratique de la Bouqala, étaient consacrées à la préparation des trousseaux des futures mariées et également à la transmission du savoir faire entre les femmes âgées et les plus jeunes ».
Mais pour ce qui est de l’origine et l’âge de cette pratique, rien n’est avancé car, même si certains disent qu’elle est venue d’Andalousie, rien ne prouve que ce ne soit pas le contraire qui s’est produit, explique l’historien Abderrahmane Khelifa. Il ajoute que dans les cours des rois Omeyyades cette pratique existait déjà et que la société maghrébine comptait énormément de gens capables de produire ces textes poétiques.
Nouredine Louhal auteur d’« Alger la blanche » et « les jeux de notre enfance » dans lesquels il aborde cette pratique de la Bouqala tout en recueillant un grand nombre texte, déclare que ce rituel fait partie de nôtre patrimoine culturel immatériel et qu’il est impératif de le préserver et de le transmettre aux générations futures ; car ajoute-il, au-delà du rituel, les textes de la bouqala contienne énormément de vérité et de bon sens.
Mme Fettal, dit pour sa part nous apprend qu’elle prépare un beau livre, qui sera bientôt édité aux éditions « Gaya », dans lequel elle retranscrit plus de 120 bouqalate anciennes qu’elle à pu retrouver chez des femmes âgées. Elle ajoute que c’est dramatique de laisser disparaitre un tel héritage qui contient tant de beauté et de sagesse.
Hakim Metref

Aucun commentaire: