Le Sidi Bel-Abbès colonial, selon l’historien Dr Hani Abdelkader, fut, à ses origines, une implantation militaire, un camp retranché connu sous le nom de Redoute.
« Séduit par les avantages géographiques et stratégiques du site, l’occupant français décide d’y ériger en 1847, par ordonnance royale, une ville de 42 hectares, une ville militaire fortifiée. Aussi, les plans d’urbanisme et d’architecture sont-ils le fait de militaires, dont le seul souci est la défense de la ville française contre toutes possibilités d’attaques indigènes et répression de toute velléité de résistance de la part des indigènes. » Selon notre interlocuteur, les plans d’urbanisme, de style militaire, projettent une cité abritée derrière d’épaisses et hautes fortifications dotées de meurtrières, de bastions et de fossés très profonds remplis d’eau. « Les murs atteignaient les 5 mètres de hauteur. 16 bastions reliés par des courtines armaient ces remparts.
Autour des murs, un fossé de 14 mètres de large et de 3 mètres de profondeur, rempli d’eau était censé dissuader toute attaque. Quatre portes enfin perçaient les remparts : la porte d’Oran au nord, la porte de Daya au sud, la porte de Tlemcen à l’ouest et la porte de Mascara à l’est », a-t-il expliqué ajoutant qu’à l’intérieur des fortifications, la future ville est tracée en damier avec de larges rues rectilignes coupées à angle droit. Les légionnaires, dont la ville était le siège, assurèrent seuls les travaux d’architecture et d’urbanisme. « Ce n’est pas un hasard si l’embryon de ville qui se mettait en place fut d’abord appelé ironiquement Biscuit ville. »
La ville au nom arabe de toujours
Evoquant une architecture progressive bourgeoise, Dr Hani a rappelé que c’est autour de cette ville caserne que vinrent s’établir les premiers colons, attirés par les bonnes terres des plaines environnantes. « La Légion étrangère contribua à l’établissement de ces colons par des apports techniques et en main-d’œuvre qualifiée. Par la grâce des facilités que leur accordait l’administration coloniale, souvent d’incultes aventuriers venus d’Europe, et souvent d’anciens officiers de la Légion étrangère prêts à tout pour assurer leur réussite sociale, devinrent de grands propriétaires fonciers, des gentlemen farmers. » En effet, a-t-il précisé, c’est par la grâce de la politique coloniale, et surtout en faisant « suer le burnous », qu’ils amassèrent de confortables fortunes et firent de leur ville une ville prospère.
Progressivement la ville coloniale de Sidi Bel- Abbès, qui ne parvint cependant jamais à se dévêtir de son nom arabe, se dota de tous les attributs de la bourgeoisie triomphante : place centrale agrémentée de très beaux arbres, incontournable kiosque à musique, chichement architecturé, de grandes et belles avenues tracées en damier et bien entretenues, hôtel de ville au style baroque, église dédiée à Saint Vincent le saint patron des vignerons, écoles… Notre interlocuteur précisera que la ville s’attacha également à se doter d’autres attributs de la culture bourgeoise, entre autres théâtre, conservatoire, squares et bien sur œuvres d’art. « D’éminents architectes furent sollicités pour concevoir les monuments publics de la ville de Sidi Bel-Abbès.
Dans les années 1930, le déjà célèbre architecte, Charles Montaland, dessina les plans du théâtre de Sidi Bel-Abbès. Le « plus beau théâtre d’Afrique du Nord », comme s’en pavanait la bourgeoisie coloniale locale, devint célèbre par ses décors, notamment les Muses qui décorent si heureusement la façade du théâtre s’appellent Melpomène et Thalie. Melpomène est la Muse du chant, de l’harmonie musicale et de la tragédie. Thalie, la Joyeuse, est la Muse qui préside à la comédie et à la poésie légère. Aujourd’hui, elles ont disparu, effacées par les nouveaux propriétaires du théâtre… » Parmi les infrastructures, Dr Hani a parlé de la coupole de Marcel Mauri. A la fin du XIXe siècle, en 1899, l’architecte, Bossard, dessina les plans du nouveau bâtiment du collège moderne, qui deviendra plus tard le collège Leclerc, puis lycée Leclerc et enfin le lycée El Haoues.
Le nouveau bâtiment fut construit sur un terrain situé porte de Daya, à l’extérieur des fortifications de la ville.
Le nouveau bâtiment fut construit sur un terrain situé porte de Daya, à l’extérieur des fortifications de la ville.
Dans les années 1950, Marcel Mauri, un architecte d’Oran, se signale par l’audacieuse coupole du marché de gros de Sidi Bel-Abbès. Cette réalisation, prouesse architecturale à l’époque, était constituée d’une partie centrale, abritée par une coupole hémisphérique de 41 mètres à la base, de 13 assises de 48 voussoirs préfabriqués, et d’une calotte de 10 m de diamètre formée de 24 voussoirs spéciaux. La coupole servira, très heureusement après l’indépendance, de siège adéquat pour le planétarium, le premier en Algérie et probablement en Afrique.
M. M.
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