Après Cherchell, le Touring club d’Algérie (TCA) conduit son équipe, des journalistes et des étudiants en tourisme, en ce mois de mai, aux portes du Sud, à Boussaâda, dans le cadre de la célébration du mois du patrimoine (18 avril-18 mai). Un mini eductour pour montrer aux étudiants en tourisme, notamment, que l’Algérie n’est pas que mer et ruines romaines. Mais qu’une simple oasis peut abriter plus de richesses, de vestiges, de légendes, d’histoires qu’une métropole. Il en est ainsi pour Boussaâda. L’oasis si aimée du célèbre peintre Alphonse-Etienne Dinet, devenu en 1913 Nasreddine Dinet, au point de l’immortaliser dans ses toiles. Un artiste pour lequel on a fait construire, bien avant sa mort, un mausolée qui abritera un jour sa tombe.
Boussaâda, c’est également les anciens habitants des vieux ksour, les dunes, la palmeraie, le moulin colonial, les cascades d’eau et les forêts qui côtoient Boussaâda faite de béton, d’anarchie urbanistique et de fumée de véhicules. De Boussaâda d’antan, tellement affectionnée par les peintres orientalistes et les photographes, ne subsiste que les cartes postales surannées et les toiles. Celles de Nareddine Dinet particulièrement, très attaché à cette oasis, de la wilaya de M’sila, où il a vécu et dont la tombe repose sous une koubba, construite à sa demande bien avant sa mort. L’extension urbaine a presque raison de l’ancienne médina, l’étouffant de son architecture débridée et hideuse. Les femmes ne sont plus parées de bijoux et costumes à l’ancienne, si belles pourtant dans les peintures de l’artiste français. Mais certaines d’entre elles conservent toujours le Hayek (voile blanc) qui les couvre de la tête aux pieds. Les palmiers, si verts et si brillants dans les tableaux de Dinet, sont quelque peu défraîchis et les ksour qui ornent souvent l’arrière plan des œuvres du peintre français, peinent à tenir debout mais continuent de couver Boussaâda du charme si singulier qui continue néanmoins d’attirer toujours autant les touristes locaux qu’étrangers. Les hôtels Kerdada et El Kaid affichent complets les week-ends. D’ailleurs, il faut réserver un mois à l’avance, parole d’un des employés de Kerdada. Les prix pourtant qu’affichent ces hôtels, affiliés à l’hôtel El Djazaïr, sont loin d’être abordables. C’est dire que le touriste algérien débourse sans compter quand il s’agit de prestations de services de qualité. Et que le site touristique en vaut la peine. C’est justement le cas à Boussaâda. Au centre-ville, subsistent des vestiges du passé. La maison de Dinet, entre autres, transformée en musée. Quelques vieux quartiers, des ruelles étroites et des maisons aux fenêtres en bois. La maison Dinet fait partie du vieux quartier « Les oulamas ». C’est l’une des rares maisons de l’ancienne médina, conservée grâce à une excellente restauration. Elle se compose de deux étages séparés par un escalier en bois authentique. Les murs sont couverts de faïences et de chaux ainsi que les arcades, le plafond est en bois de palmier et le sol est pavé de petites dalles en pierre. La fenêtre en bois de la chambre de Nasreddine Dinet, à demi-close, est toujours en bon état. Les conservateurs du musée comptent la restaurer et l’exposer au public. Les portraits des parents du peintre sont toujours accrochés aux murs, dans le hall.
Des toiles racontent l’histoire de la contrée Des copies de quelques tableaux signés par le maître sont accrochées ici et là, comme pour retenir son âme. La cour attenante à la maison est transformée, aujourd’hui, en une salle d’exposition. Elle abrite des toiles de célèbres peintres algériens, tels Souhila Belbahar et Ali Khodja. Face à la galerie, des escaliers mènent vers la salle d’exposition. Cette dernière est dédiée à Dinet. La galerie renferme quelques originaux de l’orientaliste, dont son portrait, et des copies. Mais toutes ces toiles, les authentiques comme les copies, sont éblouissantes par la maîtrise de l’ombre et de la lumière, par la passion pour les couleurs chaudes et vivantes, par son génie du détail et la finesse de ses portraits. Son pouvoir de donner la parole à ses modèles, de faire rire ses héroïnes au bord de l’eau qui coule entre les pierres et faire bouger, dans une brise légère, les palmiers qui émergent de derrières les vieux ksour… Il suffit de jeter un coup d’œil sur les toiles de Dinet pour connaître l’histoire de Boussaâda, le quotidien, les amours et les drames de ses habitants d’antan. Découvrir l’ancienne Médina qui se tient bien cachée, à quelques kilomètres de la nouvelle ville. Bien à l’abri comme pour préserver ce qui lui reste de vestiges. Mais aussi ancienne qu’elle puisse être, la modernité a fini par s’y introduire. Le ciment remplace l’argile dans la plupart des maisons. Pis, les vieilles maisons sont remplacées par de nouvelles, faites de béton et dont l’allure est presque incongrue dans les vieux quartiers qui portent encore les traces de l’architecture saharienne. La mosquée de Sidi Tamer, connue également sous le nom d’Enekhla, en référence à son toit construit en bois de palmier, semble être la structure la plus conservée du quartier Ouled Aligue. D’après le guide, chaque quartier de la médina a sa propre mosquée. Sidi Tamer est venu, il y a dix siècles, du Yémen, pour s’installer à Bousaâda. Il a bâti la première mosquée de la région. Il est venu avec un groupe de personnes, membres de sa famille et de sa tribu.
Ce qui subsiste de l’ancienne médina Selon les historiens, l’oasis n’était plus habitée après les Romains. C’est donc Sidi Tamer qui construisit avec ses compagnons la médina. Ces derniers ont fondé plusieurs quartiers et leurs descendants se sont chargés de leur extension au fil des siècles. La mosquée, restaurée il y a sept siècles par les Ottomans, est suffisamment grande pour accueillir les habitants du quartier. Les murs sont couverts de chaux et la pièce principale est séparée par des chapiteaux sans prétention reliés par des arcades tandis que le plafond est en bois de palmier, assombri par le temps. Une architecture très simple, modeste dans sa décoration mais imposante par son ancienneté, son authenticité. La salle d’eau où s’effectuent les ablutions, adjacente à la mosquée, n’a subi aucune opération de restauration. Elle est restée authentique, avec ses deux petits bassins en pierre, mais si vieille que les habitants n’y effectuent plus leurs ablutions. Une salle d’eau, moderne, a été installée à leur intention. Mais une restauration est envisagée pour l’ancienne, dans les jours à venir. « C’est grâce à cette petite pièce que nous avons découvert qu’il existe une source d’eau souterraine, juste à côté. Nous savions que des canalisations conduisaient l’eau jusqu’aux bassins. Nous avons donc suivi les canalisations et nous avons découvert qu’elles aboutissaient à une eau souterraine peuplée de poissons ! », explique le guide touristique. Face à la salle d’ablutions, au centre d’une petite cour, un palmier, qui donne toujours des dattes, distribuées gratuitement à tous les habitants du quartier comme le veut la coutume, trône. De la mosquée s’ouvrent plusieurs chemins vers les différentes ruelles qui mènent aux habitations. Ainsi qu’aux jardins et palmiers dattiers qui donnent un peu de couleur aux quartiers, bien qu’ils soient négligés. Ces espaces verts, qui continuent de donner des fruits et des légumes, sont ceinturés par un pan de mur en argile vieux de près de 10 siècles, coupé au milieu par des briques grises. Des ouvertures permettent l’accès au jardin et palmiers que les anciens ont entretenus avec passion et amour. On y risquant un œil, on peut voir les palmiers, les arbres fruitiers, mais aussi des bouteilles en plastique et des cannettes de soda jetées dans l’herbe. Le quartier donne accès à l’oued de Boussaâda qui n’en est plus un, mais une série de mares où grenouilles et crapauds semblent en être les maîtres.
La singularité qui étonne Mal entretenu, le lit de l’oued presque à sec, compte presque parmi les « poubelles » de l’ancienne médina. Cela n’empêche pas les invités du Touring club d’Algérie de prendre des photos souvenirs à côté de cet oued, fierté des anciens habitants de Boussaâda. Mais l’oasis n’est pas que vieux ksour et palmiers. Des étendues de dunes de sable blanc se révèlent à trois kilomètres des habitations, dans une région appelée « Tefza ». Des dunes qui émergent de derrière des rochers blancs. Certes, elles ne sont pas aussi immenses que celles de Timimoune par exemple. Mais elles sont différentes par leur couleur et pas leur texture, plus douce. Surprise, des gravures rupestres préhistoriques sont imprimées sur des rochers, juste face à ces dunes. Et non loin de là, à la sortie ouest de Boussaâda, des « vestiges » de la France coloniale. A une dizaine de kilomètres de la commune El Hamel émergent, de la montagne éponyme, les cascades de Ferrero alimentées par les eaux de pluie. Une cascade baptisée le moulin de Ferrero, en référence à un industriel de pâtes et cultivateur de blé français. Il avait installé un moulin à eau à proximité de la cascade pour moudre son blé. Et, bien sûr, de ce moulin, il n’en reste rien. Aucune trace. Sauf dans les vieilles photos du site qui décorent certains magasins de la ville. Mais on peut apercevoir les restes de la maison du colon français, construite dans un rocher, composée de deux étages dont le premier était utilisé comme entrepôt. Là aussi, le site ne brille pas par sa propreté mais il semble prisé par les habitants de Boussaâda, tellement il est frais et agréable à visiter. La cascade déverse son eau dans une petite crique, une piscine naturelle, qui fait rêver des jeunes en mal de loisirs, en été, sous un soleil de plomb. Les rochers entourant la « piscine » protègent des rayons et conservent la fraicheur. De jeunes autochtones font même de l’escalade sur ces rochers ! Un bout de paradis, n’étaient les ordures et déchets sur les bords et même dans la crique au point de ralentir l’écoulement du cours d’eau. Des touristes belges se disent étonnés de trouver ce genre de site en Algérie. « Nous avons visité le désert de la Tunisie et du Maroc, mais ici, c’est différent. C’est tellement vaste en Algérie !
Le désert, ici, c’est vraiment particulier », confie un couple belge, en insistant aussi sur les plats traditionnels de la région.
Piscine naturelle en cascades La chakhchoukha, notamment, et le zveti (des morceaux de galette cuits dans une sauce rouge très piquante) sont accompagnés souvent de petit lait. Au centre-ville de Boussaâda d’ailleurs, ces spécialités sont affichées sur le menu de certains restaurants, celui de Sidi Tamer, entre autres, et sont très prisées aussi bien des étrangers friands d’exotisme, que des autochtones. Le moulin Ferrero n’est pas le seul site réputé dans la région du Hamel. La zaouïa El Hamel est aussi connue. Vieille de deux siècles, elle est affiliée à la confrérie musulmane soufie Rahmania, qui surplombe l’ancienne médina dont des traces, des maisons et quartiers sont encore visibles de nos jours. Le site, fondé par Sidi Mohamed Ben Belgacem au XIXe siècle, abrite une mosquée, très bien conservée et une extension, réalisée à l’image de l’ancienne, avec chapiteaux et arcades. Il abrite également une école coranique et le mausolée où reposent plusieurs saints de la région, dont le fondateur de la zaouïa d’El Hamel. Un lieu très affectionné par les habitants de la région de Boussaâda, dont ceux de la commune Ain Ghrab. Une commune réputée par sa forêt, peuplée, entre autres, de sangliers. Le soleil se fraie à peine un rayon entre les branches. Aussi, le Touring club d’Algérie n’a-t-il pas manqué de guider son groupe vers ce lieu. Histoire de marquer une pause, de se dégourdir les jambes, de profiter de la nature, après la visite de la Zaouïa d’El Hamel, sous une grosse chaleur. A proximité de ce lieu, à un ou deux kilomètres, au centre-ville, une grande placette est aménagée pour les familles, avec des manèges. Au centre, une vaste kheïma s’ouvre aux visiteurs contre 200 DA. Le groupe du TCA s’y installe pour une pause photo, attirant l’attention des promeneurs et promeneuses du petit village. Ces derniers, curieux, se sont aussitôt rassemblés autour du groupe. Après un échange de sourires amicaux, certains membres du groupe, les étudiants en tourisme, ont décidé de les faire profiter d’un « show » à leur manière. Guitare et chansons algériennes au menu, dont « Zina » du groupe Babylone. Femmes, hommes, enfants, adolescents, semblent apprécier, prenant même le groupe en photos avec leurs téléphones portables. Et cela sonne comme un événement pour des habitants en mal de loisirs et en mal de « visites ».
F. B.
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