Le nom de la chahida Marie Claire Boyer, gravé sur une plaque depuis des années dans une rue à la cité Rousseau, au cœur de la ville de Tiaret, ne figure paradoxalement pas dans le nouveau mémorial des chouhada et chahidate tombés sous les balles assassines du colonialisme français. Un mémorial dévoilé le 1er novembre dernier et réalisé sur le site aménagé de la mythique source de Aïn El Djenane et qui semble faire de plus en plus de mécontents.
Et pour cause : il y a soixante ans, les Tiarétis, dont la famille révolutionnaire connaît pourtant bien le drame de cette Française ayant pris fait et cause, elle et ses parents, pour le noble combat du peuple algérien en lutte pour recouvrer son indépendance. Triste sort de cette jeune femme, fauchée tragiquement à l’âge de 37 ans, le 15 octobre 1957, sous les rafales des militaires parce qu’elle a osé tenir tête aux soldats de l’armée française venus provoquer cette famille, celle des Badaroux, dans leur piscine située à l’entrée de la commune de Tagdempt, 7 km à l’ouest de Tiaret. Les épisodes liés à ces Français d’origine ayant épousé la cause algérienne semblent manifestement s’exacerber et à l’air d’un révisionnisme qui ne dit pas son nom.
Le martyre de Marie Claire, fille-unique du couple Louis Boyet et Rachel Esseo qui reposent à côté d’elle au cimetière chrétien de Tiaret, n’est plus à démontrer, tant le combat qu’a mené cette famille qui a rendu d’énormes services à nos vaillants combattants tout près des vestiges de l’ancienne capitale de l’Emir Abdelkader, Tagdempt, sont de notoriété publique. Les témoins de l’époque, entendus sur procès-verbal d’audition le 30 octobre 1957 sur cet homicide volontaire, furent unanimes à reconnaître «le lâche acte des militaires français venus accomplir une sale besogne, en réponse à un acte commis par les moudjahidine contre d’autres colons de la région». Les SNP Mohamed Aoued, un patriote décédé dernièrement, Guerdi Baghdadi, Fatma Khelifa et Guerdi Lakhdar ont tous témoigné de l’ignominie dans un ouvrage édité par notre ami et confrère Amar Belkhodja.
La quiétude dans laquelle baignait le couple Marie Claire Boyet et son époux Yves Badaroux n’inspirait pas confiance, d’où ce crime abject commis de sang-froid par une patrouille de cinq militaires conduite par le sous-lieutenant Dor Michel. «A l’issue d’une discussion animée sur la présence française en Algérie et la réplique du couple, les trois militaires abattent simultanément le couple, alors que Marie Claire était en train de confectionner ses bouquets que M. Guerdi allait livrer comme d’habitude à Tiaret avec du lait cru aux abonnés», dira l’un des témoins de l’époque. Toute honte bue, l’Echo de Tiaret du 19 octobre 1957 imputa le crime à l’ALN. Absent avec son grand-père, Petit Louis, fils unique du couple assassiné résida à Tiaret jusqu’aux années 1980 avant de quitter l’Algérie.
Soixante années après, simples citoyens et maquisards en vie témoignent encore de l’attachement de ce couple à l’Algérie. «Oublier ce combat, c’est les assassiner une seconde fois», dira Abdelkader Boutheldja, ex-chef de kasma FLN, progressiste convaincu et cadre à la retraite. C’est le moins que l’on puisse faire, de surcroît dans une Algérie qui vient de faire des adieux officiels à un autre acteur d’origine européenne, Stevan Labudovic, caméraman des maquis de la Révolution.
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