Vers le milieu du VIIe siècle de l’ère chrétienne, les troupes musulmanes étaient déjà parvenues en Cyrénaïque puis en Tripolitaine, à partir de l’Egypte, sur ordre du calife Omar, puis de son successeur Othman Ibnou Affan.
Les troupes arabes étaient dirigées par des conquérants musulmans, courageux et animés d’une foi inébranlable et qui avaient pour noms : Abou El Mouhadjer Dinar, Okba Ibn Nafaâ, Hassan Ibn Noumaâne, Zouheir Ibnou Qaïs El Balaoui et, à cette époque, Moussa Ibn Nouçaïr, qui avait sous ses ordres un jeune lieutenant berbère : Tariq Ibn Ziyad qui allait s’illustrer de manière brillante les années suivantes. Esquisse de la personnalité de Tariq Ibn Ziyad Tariq Ibn Ziyad, l’enfant du pays, dont on ignore presque tout de sa jeunesse, était un personnage hors du commun. Il se suffit de se remémorer la confiance qu’il avait acquise chez les conquérants musulmans et même les califes de Damas qui lui confièrent d’importantes responsabilités et l’honneur suprême de conduire l’armée musulmane, à très grande majorité berbère, dans l’expédition victorieuse de l’Espagne.
Ses qualités militaires sont certaines, son sens de la stratégie de guerre incontestable. Son sens politique devait être également remarquable au regard de la gestion dont il fit preuve dans le pays nouvellement conquis. Ce fut aussi un homme d’honneur qui tenait ses promesses que ce soit envers ses compagnons, ses supérieurs hiérarchiques ou ses ennemis. Tariq Ibn Ziyad devait être aimé de ses soldats qui lui obéissaient grâce à une discipline librement acceptée et il en fallait beaucoup dans un pays hostile, face à une armée ennemie supérieure en nombre, en matériel, et qui, de surcroît, bénéficiait de toutes les aides et potentialités locales. A toutes ces qualités, ajoutons les qualités de coeur comme la bravoure, le courage, l’audace, la probité, le sens des sacrifices, la vaillance, la maîtrise de soi dans les moments difficiles, la modestie et la piété. Tariq serait issu, selon des sources khaldouniennes, d’une sous-branche berbère appelée Oulhaça, elle-même liée à une branche supérieure, les Nefzaoua, de la grande confédération tribale, les Zenata. Cette tribu à laquelle appartenait Tariq s’était déjà illustrée, par le passé, en tant qu’alliée de l’Etat carthaginois. Ses guerriers avaient aussi participé aux trois guerres puniques contre les Romains, et étaient parvenus même, sous la conduite d’Hannibal, aux portes de Rome. Au moment de ces faits, les Oulhaça vivaient sur les terres limitrophes de la Tafna, petit oued de l’Ouest algérien.
Au début du VIIIe siècle, le futur vainqueur des chrétiens wisigoths de la Péninsule ibérique occupait la charge de gouverneur de Tanger après qu’il eut participé comme officier à la propagation de l’Islam. Il était un affranchi (mawla) du nouveau wali ommeyade, Moussa Ibn Noussaïr, qui avait décelé en lui de réelles qualités de chef militaire et de fin politicien. L’Espagne wisigothe, objectif de Tariq Ibn Ziyad, en face de Tanger, ville maritime importante qui contrôlait l’entrée de la mer Méditerranée, se dressait l’Espagne, sitôt franchies les Colonnes d’Hercule, comme on nommait jadis l’étroit détroit (large de 14 km seulement) qui séparait l’Afrique du Nord du continent européen. Ce passage ne tardera pas à prendre une nouvelle appellation jusqu’à aujourd’hui après l’exploit de Tariq Ibn Ziyad comme on le verra bientôt. Après la difficile conquête par les armées musulmanes renforcées par de très nombreux contingents de soldats amazighs, de la totalité du Maghreb (ou Djaziret el Maghrib), la partie sud de l’Europe était, logiquement, le prochain objectif à islamiser. Les Wisigoths, une tribu germaine venue d’au-delà du Rhin trois siècles plus tôt, avaient d’abord créé un royaume autour de Toulouse. Ils en avaient été chassés par Clovis, roi de France, et s’étaient dès lors repliés sur la péninsule espagnole. Au fil du temps, ils avaient fait de la péninsule un royaume chrétien relativement prospère. A l’époque où l’Europe subissait les grandes invasions, l’Espagne était dévastée par les Vandales en 409 ; ensuite, ce fut au tour des Wisigoths de devenir les maîtres de la Péninsule ibérique en 451. Durant plus de deux siècles et demi (de 456 à 711) leur capitale fut Tolède.
Leur roi Reccared adopta le catholicisme en 589. Pendant leur domination, les Wisigoths représentaient une minorité détenant tous les pouvoirs tandis que les Espagnols enduraient mille sortes d’injustices. Aen croire des chroniqueurs chrétiens, en 710, Achille monta sur le trône d’Espagne, toutefois, un candidat du puissant clan de la noblesse wisigothe lui disputa cette souveraineté. Dès lors, les partisans d’Achille appelèrent à leur secours leurs voisins berbères. Le calife El-Walid donna son consentement à une telle expédition et désignant Tariq chef des armées. Il transmit ses ordres à Moussa Ibn Nouçaïr. Traversée réussie des Colonnes d’Hercule Moussa Ibn Nouçaïr ne se fait pas prier et envoie un corps d’armée berbère commandé par notre prestigieux général, Tariq Ibn Zyad. C’est ainsi qu’en avril 711, 6.000 guerriers, essentiellement des Berbères, en majorité recrutés des Aurès en particulier des Zénètes, débarquent en Espagne. Parmi ceux qui s’embarquèrent, il y avait bien évidemment les Oulhaça, les Koumia, les Béni Snous, les Ghomara et, surtout, les Médiona, grosse tribu berbère, qui habitait le territoire qui bordait, du côté ouest, celui des Maghraoua. Le lieu du débarquement est un rocher qui prendra le nom de Gibraltar (d’après l’arabe « djebel al Tariq », la montagne de Tariq). D’après une anecdote, en arrivant sur la terre espagnole, il fait brûler ses bateaux. Tariq dit alors à ses hommes : «Ô gens ! Où est l’échappatoire ? La mer est derrière vous et l’ennemi est devant vous, et vous n’avez, par Dieu, que la sincérité et la patience. L’historien Ibn El Athir rapporte qu’au cours de la traversée, Tariq « s’étant abandonné au sommeil, vit le Prophète (QSSSL) entouré de ceux qui avaient émigré de La Mecque pendant les premières persécutions ainsi que les Médinois qui lui avaient accordé leur appui. Tous portaient l’épée au côté et l’arc en bandoulière ». Et le chroniqueur d’ajouter : « Le Prophète (QSSSL) lui adressa ces paroles : « Tariq ! avance et accomplis ton entreprise ; sois humain envers les musulmans et fidèle à tes engagements ! ». Tarik regarda alors et vit le Prophète béni et ceux qui l’accompagnaient entrer en Espagne devant lui ! A son réveil, il s’empressa de communiquer à ses compagnons la bonne nouvelle qui annonçait le succès inéluctable des armées musulmanes.». Après avoir franchi le détroit et lorsque tous les combattants maghrébins furent débarqués au pied de la montagne (qui porte désormais le nom de Gibraltar), il les mena à Algésiras, tirant parti de l’impopularité des Wisigoths et s’avançant vers l’intérieur des terres pour se heurter à l’armée du roi Rodrigue. Triomphe décisif à Guadalete (11 juillet 711) La rencontre déterminante eut lieu le 28e jour de Ramadhan correspondant au 11 juillet 711.
Une semaine de combats suffit pour mettre en déroute les hommes du roi Wisigoth lequel, dit-on, fut noyé dans le lac voisin. Cette bataille est dite «Wadi Lakka» par les chroniqueurs arabes ou bataille de Guadalete, un fleuve qui se jette dans la baie de Cadix. Bien que les Wisigoths soient très supérieurs en nombre aux soldats de Tariq (plus de cent milles guerriers, selon des chroniqueurs), la victoire revint à ces derniers. Tout au plus, l’armée de Tariq comptait au débarquement 6.000 hommes vite rejoints par des secours estimés au même nombre. C’est, donc, avec un total de 12.000 combattants qu’il avait engagé le combat victorieux. Après ce brillant triomphe, les vainqueurs soumettent rapidement la plus grande partie de l’Espagne. En quelques années, la résistance chrétienne est balayée. Tariq continua sa marche irrésistible; il prit Ecéja où une source porte le nom d’Aïn Tariq. De là, il répartit son armée en grandes unités qui se dirigèrent vers des points stratégiques : l’une d’elles rallia Cordoue, les autres rejoignirent Grenade, Malaga et Murcie. Tariq regagna Tolède à la tête d’un nombre important de soldats, puis Guadalajara, traversa le défilé dénommé depuis Fedj Tariq et finit par revenir rapidement à Tolède où se trouvait la fameuse Table de Salomon. Quant à l’opposition chrétienne, elle ne subsista que dans quelques vallées isolées de la chaîne cantabrique, à l’extrême nord de la péninsule d’où partit, plus tard, le mouvement de la Reconquista. Au lendemain de la conquête triomphale Des historiens modernes ont tenté d’expliquer la rapidité et la facilité de la conquête musulmane de l’Espagne en s’attardant sur la situation générale qui caractérisait le pays avant 711. A l’évidence, les gens supportaient très mal le système de gouvernance de l’époque ; de plus, les révoltes sociales ou religieuses, les luttes mutuelles, le plus souvent acharnées les avaient appauvris. Ainsi, les conquérants berbères musulmans se fondirent rapidement au sein de cette société autochtone dans laquelle ils s’implantèrent, veillant sur le respect des traditions religieuses chrétiennes et judaïques existantes. Les musulmans, dans leur marche victorieuse, traversent les Pyrénées pour continuer de conquérir les territoires situés au nord de ces formidables montagnes. Mais, entre-temps, le brillant officier berbère, sur ordre de son chef, le gouverneur Moussa Ibn Nouçaïr (qui l’a rejoint, en Andalousie, jaloux sans doute de ses succès), prit alors la route de Syrie emmenant avec lui, selon la chronique, 30 000 jeunes vierges, filles de princes des Goths et de leurs chefs, emportant la Table de Salomon ainsi qu’une quantité immense de pierreries et d’autres objets précieux… Certains chroniqueurs affirment, sans, toutefois, apporter de preuves tangibles que Tariq fut mis aux arrêts par Moussa Ibn Nouçaïr avant l’entrevue avec le calife El-Walid, lequel lui aurait rendu la liberté plus tard. Homme d’une honnêteté intacte, Tariq Ibn Ziyad, dont la vie et l’oeuvre sont dignes d’être honorées et admirées, fut guidé par la Volonté de Dieu et l’amour de son Prophète Mohammed (QSSSL). Il a, comme certains de ses pairs, refusé les honneurs et les commandements à la seule fin de se consacrer uniquement à ses dévotions. Lui qui venait de l’occident du monde, parvenu si proche de La Mecque et de Médine, peut-être, finit de choisir d’y demeurer, abandonnant tout pour mener une vie de piété et tenter de rester un homme pur.
Écrit par L'Echo d'Algérie
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