Si en parler d'une histoire de l’Afrique
romaine, mais plutôt un tableau de cette Afrique. C’est ce que nous pouvons
faire avec une exactitude suffisante, en utilisant les données géographiques,
dans la mesure où elles sont valables d’une façon permanente, — les textes des
historiens et des géographes grecs et latins, — les inscriptions latines, dont
l’Afrique du Nord a donné un grand nombre, — les monnaies, — les documents
archéologiques, ruines de villes ou de constructions isolées, statues,
mosaïques, menus objets. La mise en œuvre de ces matériaux divers a été
tentée dans un certain nombre de travaux, et je crois utile, en commençant, de
citer les plus importants d’entre eux, ceux auxquels on est amené à se reporter
fréquemment lorsqu’on étudie l’Afrique romaine.
Stéphane Gsell (1864-1932), qui avait voué à l’étude de l’Afrique du Nord des dons exceptionnels d’historien et une prodigieuse activité scientifique, avait entrepris une Histoire ancienne de l’Afrique du Nord dont il n’a pu écrire que huit volumes (Paris, Hachette ; tome I, 1913 ; tomes II et III, 1918 ; tome IV, 1920 tomes V et VI, 1927 ; tomes VII et VIII, 1928). Ces huit volumes conduisent l’histoire, de l’Afrique du Nord jusqu’à l’an 40 après J.-C., c’est-à-dire jusqu’à l’annexion par Rome dela Maurétanie ,
acte qui achève de faire passer toute l’Afrique du Nord sous la domination
romaine. L’histoire des quatre siècles qui constituent la période proprement
romaine de l’Afrique du Nord devait être contenue dans les tomes ultérieurs.
Pour avoir une histoire de l’Afrique du Nord embrassant toute l’antiquité, nous pouvons consulter les histoires générales de l’Afrique du Nord. La plus utilisable était jusqu’à ces derniers temps celle d’Ernest Mercier, Histoire de l’Afrique Septentrionale (Berbérie) depuis les temps les plus reculés jusqu’à la conquête française (1830), trois volumes, Paris, Leroux. Le premier volume, qui mène l’histoire de l’Afrique jusqu’en 1045 de notre ère, est de 1888. Cette histoire est à remplacer maintenant par l’ouvrage excellent de Charles André. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord, Paris, Payot, 1931 (les dix premiers chapitres concernent l’antiquité, jusqu’à la conquête arabe ; bibliographie tout à fait à jour et illustrations bien choisies).
Quant aux ouvrages consacrés à l’histoire romaine en général, ils font nécessairement une place à l’Afrique, mais cette place est naturellement très limitée. Je signale en particulier le chapitre consacré à l’Afrique dans l’Histoire romaine de Mommsen. Ce chapitre, qui se trouve dans le volume V de l’édition allemande, est au tome XI dans la traduction de l’Histoire romaine de Mommsen par Cagnat et Toutain (Paris, Bouillon, 1889).
Dans une certaine mesure, le manque d’une histoire spéciale et détaillée de l’Afrique romaine est compensé par l’existence de quelques livres qui décrivent l’administration et la civilisation romaines. Ce sont des œuvres de vulgarisation, qui s’adressent au public cultivé, mais non spécialisé ; elles conservent, par conséquent, le caractère d’un sommaire, d’une vue générale ; mais elles sont utiles comme première initiation. C’est à ce titre que j’indique, dans l’ordre chronologique :
Gustave Boissière, Esquisse d’une histoire de la conquête et de l’administration romaines dans le Nord de l’Afrique et particulièrement dans la province de Numidie, Paris, Hachette, i 878.
Gaston Boissier, L’Afrique romaine, Paris, Hachette, 1 895.
Schulten, Das roemische Africa,Leipzig ,
1 899. Une traduction
française, malheureusement mal faite, a paru dans la Revue Tunisienne ,
1904.
Gsell, L’Algérie dans l’Antiquité, 2e édition, Alger, i 903, travail repris et mis à jour dans l’Histoire d’Algérie de Gsell, Marçais et ,Yver, Paris, Boivin, 1927 (rééditions postérieures).
En outre, les questions relatives à l’occupation militaire de l’Afrique ont été étudiées de façon très minutieuse par Cagnat, L’Armée romaine d’Afrique et l’occupation militaire sous les empereurs, 2e édition, Paris, Leroux, 1912. Cet ouvrage est un recueil extrêmement riche de renseignements, tirés surtout des inscriptions et des restes archéologiques, non seulement sur l’organisation militaire, mais, indirectement, sur l’histoire politique, économique et morale du pays.
L’étude des documents archéologiques est facilitée d’abord par un ouvrage de M. Gsell, Les Monuments antiques de l’Algérie, 2 volumes, Paris, Fontemoing, 1901, où sont étudiés, catégorie par catégorie, les monuments romains d’Algérie ; il va sans dire que la majeure partie des observations et des conclusions présentées par M. Gsell à propos des monuments d’Algérie valent aussi pourla Tunisie ; ensuite, cette
étude est facilitée par l’existence de deux Atlas archéologiques l’un pour la Tunisie , au 50.000e, a
été établi par Babelon, Cagnat et Reinach, Paris, Leroux, 1892-1913 (une
seconde série, en cours de publication, par Cagnat et Merlin, comprendra les
régions pour lesquelles il n’existe que des cartes au 100.000) ; l’autre, pour
l’Algérie, au 200.000e, est l’œuvre de M. Gsell, Alger (jourdan) et Paris
(Fontemoing), 1902-1911. Ces atlas sont des éditions spéciales des cartes
dressées par le Service topographique ; les ruines antiques, sur chaque
feuille, sont mentionnées en rouge, par un numéro d’ordre ; une notice jointe à
la feuille donne sous ce numéro les renseignements qui concernent les vestiges
en question.
Pour la dernière partie de la période antique, décadence romaine, invasion vandale, reconquête byzantine, phase particulièrement obscure et compliquée, un livre ancien est encore utilisable c’est celui de Dureau dela
Malle , L’Algérie (histoire des guerres des Romains, des
Byzantins et des Vandales), Paris, F. Didot, 1852, à compléter par
Martroye, Censéric, Paris, Hachette, 1 907, et par E. -F. Gautier, Genséric,
roi des Vandales, Paris, Payot, 1932. Pour la période byzantine
spécialement, il faut se servir de Diehl, L’Afrique byzantine, histoire de
la domination byzantine en Afrique (533-709), Paris, Leroux, i 896.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’histoire ancienne de l’Afrique du Nord est constamment complétée ou corrigée par des découvertes nouvelles ; en particulier, les inscriptions exhumées en Tunisie, en Algérie ou au Maroc viennent fréquemment éclairer des points obscurs ou poser des problèmes nouveaux. La publication périodique où l’on peut le mieux suivre ce progrès des recherches historiques dans l’Afrique du Nord est le Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, édité à Paris, chez Leroux. C’est à la section de ce Comité appelée Commission de l’Afrique du Nord que sont adressées en règle générale les communications sur les découvertes récentes ; le Bulletin, qui publie les procès-verbaux des séances dela Commission , et qui
imprime ou résume les mémoires qui lui parviennent, équivaut à un compte rendu
périodique des recherches poursuivies et des résultats qu’elles obtiennent. Les
découvertes des Italiens en Tripolitaine sont publiées surtout dans la revue Africa
Italiana.
: Limites dans le temps.
Après ces indications préliminaires, nous avons d’abord à fixer les limites de l’Afrique romaine dans le temps et dans l’espace, à indiquer les dates qui marquent les étapes principales et de la conquête et de la perte du pays, et à déterminer la ligne jusqu’où s’avança, sur le terrain, la domination romaine.
Jusqu’au milieu du second siècle avant l’ère chrétienne,la
République romaine n’a eu aucune possession en Afrique ses
rapports avec l’Afrique n’ont pas eu d’autre forme que la guerre contre
Carthage, et lorsque les événements militaires ont amené les Romains à faire
débarquer en Afrique un corps expéditionnaire, comme il est arrivé dans la
première guerre punique avec Regulus, dans la seconde avec Scipion l’Africain,
c’était sans intention de s’installer dans le pays.: tous les Romains se
rembarquaient aussitôt que les opérations n’exigeaient plus leur présence en
Afrique.
Il n’en a pas été de même après la troisième guerre punique, en 146. Cette fois-là, Rome, ayant détruit Carthage parce que cette destruction lui paraissait le seul moyen de se débarrasser d’une rivalité dangereuse, a senti le besoin de rester en Afrique pour empêcher la rivale qu’elle venait d’abattre de se relever avec d’autres habitants et sous un autre nom. Elle a donc annexé un territoire correspondant à peu près au tiers Nord-Est dela Tunisie ,
et qui a été la province d’Africa, l’Afrique au sens propre du mot.
Mais, dans la pensée des Romains de ce temps-là, la prise de possession de ce
terrain limité n’est pas l’amorce d’un empire plus vaste l’occupation de ce
terrain est nécessaire et suffisante pour la sauvegarde de l’Italie ; les
Romains installés en Afrique ne se proposent pas d’y essaimer ; ils veulent
seulement occuper eux-mêmes, de peur qu’un autre ne s’y installe, un
emplacement que la géographie désigne pour être le siège d’une forte puissance
; ils ne se proposent rien de plus que cette action toute négative, cet effort
d’inhibition.
Pendant le dernier siècle dela République romaine, le
Sénat reste fidèle à cette politique. Il ne songe pas à la conquête de
l’Afrique, il est hostile aux annexions s’il engage des campagnes en Afrique,
c’est à son corps défendant. Le rapprochement s’est imposé, à tous ceux qui ont
étudié cette période, entre cette attitude du Sénat romain et l’opinion très
répandue en France, après 1830, d’après laquelle il fallait se contenter
d’empêcher la piraterie des barbaresques, sans songer à coloniser l’Algérie.
Cependant la domination romaine va s’étendre, d’abord parce qu’il existe à Rome un parti de plus en plus fort de novateurs, qui veulent agrandir la cité romaine et romaniser les régions d’outremer c’est le parti qui finit par triompher et prendre le gouvernement avec César et Auguste ; ensuite, parce que la force des choses rend précaire toute domination qui s’accroche à un coin de côte, et détermine une réaction spontanée par laquelle cette domination, si elle ne veut pas disparaître complètement, tend à se répandre, à se couvrir dans un rayon de plus en plus large.
En 105, après la guerre contre Jugurtha, l’accroissement du territoire romain fut extrêmement limité les Romains se contentèrent d’installer leur autorité dans les ports dela Tripolitaine. C ’est en 46, au cours des guerres
civiles, après la campagne heureuse de César en Afrique contre les Pompéiens,
que se fit le pas décisif César ajouta aux possessions romaines tout le pays
entre Thabraca et l’embouchure de l’Ampsaga (Oued-el-Kebir) une partie fut
immédiatement transformée en province sous le nom d’Africa nova c’est
celle que, dans le langage courant, on appela Numidia, parce qu’elle
correspondait à la partie la plus prospère de l’ancien royaume numide. Une
autre fut confiée provisoirement, comme une sorte de principauté dépendante, de
marche militaire, à un condottiere nommé Sittius, qui avait combattu pour
César, et à ses vétérans Sittius mort, la région qu’il avait possédée ainsi
rentra dans la province romaine.
A l’Ouest de l’Ampsaga, le pays formait un royaume indépendant, le royaume de Maurétanie ; mais cette indépendance nominale était en réalité un protectorat. Ce qui le prouve bien, c’est que pendant huit ans, de 33 à 25, après la mort du roi Bocchus,la Maurétanie fut
administrée par des préfets romains ; en 25, lorsque auguste rendit ce
royaume à un prince d’origine indigène, ce prince était Juba II, c’est-à-dire
un prince élevé à Rome, citoyen romain, tout pénétré de culture latine, dont
les droits royaux étaient limités (par exemple, il ne frappait pas de monnaie
d’or) et qui ne pouvait avoir une politique différente de celle de l’empereur.
D’ailleurs, plusieurs colonies romaines étaient installées dans le royaume de
Juba. Cette fiction d’un royaume indépendant dura jusqu’en 40 après J.-C. cette
année-là, l’empereur Caligula fit mourir le roi Ptolémée, fils de Juba, et la Maurétanie devint
province romaine elle reçut son organisation comme telle de l’Empereur Claude,
en 42. Désormais toute l’Afrique du Nord était pays romain elle le resta
jusqu’à la fin du monde antique, c’est-à-dire jusqu’au Ve siècle. C’est en 430
que les Vandales prennent pied en Afrique en quelques années, il y détruisent
la puissance romaine, et des rois vandales règnent pendant une centaine
d’années, n’ayant d’ailleurs sur les indigènes qu’une autorité peu respectée.
En 534, les troupes
envoyées par l’empereur Justinien, sous le commandement de Bélisaire,
renversent le royaume vandale, et l’Afrique redevient impériale ; mais l’Empire
est maintenant l’Empire byzantin, l’Afrique est pour lui une possession
lointaine, il est incapable de la tenir comme la tenaient les empereurs de
Rome. Dans la seconde moitié du VIIe siècle, l’invasion arabe clôt définitivement,
pour l’Afrique, la période antique c’est en 647 que se place la première
invasion arabe en Tunisie, et en 698 Carthage tombe définitivement aux mains
des Musulmans.
La période proprement romaine de l’Afrique du Nord a donc duré quatre siècles, de 40 à 430. De ces quatre siècles, les deux premiers forment de beaucoup la période la plus brillante qu’ait jamais connue l’Afrique du Nord c’est en 238, en effet, que commencent les troubles civils et les révoltes indigènes qui affaibliront peu à peu l’Empire romain et achemineront l’Afrique vers la catastrophe finale ; de 40 à 238, le pays arrive à son plein épanouissement, la population est nombreuse, connaît le confort et le luxe, les centres urbains se multiplient, et des monuments s’y élèvent à l’imitation de ceux de Rome. L’esprit de la colonisation romaine, sous l’Empire, est très différent de celui qui inspirait sousla République la politique
du Sénat ce n’est plus le désir égoïste de protéger Rome contre un danger
possible qui explique l’occupation de l’Afrique et détermine les limites de
cette occupation ; les Romains de l’époque impériale travaillent, consciemment
ou non, à mettre en valeur le monde entier, à l’organiser, à en appeler toutes
les parties à la vie civilisée et au bien-être. Bien qu’ils ne perdent jamais
de vue l’intérêt de Rome, qui domine tous les autres, ils sentent qu’il n’y a
pas de contradiction entre cet intérêt et celui des provinciaux ; Rome sera
d’autant plus forte qu’elle assurera aux peuples soumis une existence plus
aisée. Grâce à la domination romaine, pour la première fois, il existe, entre
les différentes contrées du monde alors connu, une solidarité.
C’est donc l’Afrique de 40 à 238, celle des Césars, des Antonins et des Sévères que nous avons à regarder de préférence. C’est elle que j’aurai le plus souvent en vue. Pour la période qu’on appelle le Bas--Empire, et qui comprend la fin du troisième siècle et le quatrième, je me contenterai d’indiquer, au cours du dernier chapitre, les modifications principales qui furent apportées alors au régime appliqué jusque là.
Limites dans l’espace.
Nous avons à déterminer maintenant les limites géographiques de l’Afrique romaine, là où elle n’a pas la mer comme limite naturelle, c’est-à-dire à l’Est et au Sud. A l’Est, l’Afrique romaine s’arrêtait au désert de sable qui séparela Tripolitaine de la Cyrénaïque et qui forme
le littoral de la Grande
Syrte ; la
Cyrénaïque , à l’Est de ce désert, appartenait, comme
l’Égypte, à l’Orient. Au Sud, la frontière, naturellement, n’est pas restée
immuable elle s’est portée plus avant vers l’intérieur à mesure que la
romanisation du pays progressait. Il y a lieu d’indiquer ce qu’elle était au
début de la période considérée, sous les premiers empereurs, et à la fin de la
même période, après les Antonins et les Sévères. Nous sommes arrivés, sur ce
point, à une précision assez grande, et nous pouvons espérer que dans quelque
temps, après une période suffisante de recherches et de découvertes, nous
serons en état de reconstituer très minutieusement le tracé des frontières
romaines successives, grâce aux documents archéologiques. Ces documents sont
relativement abondants parce que les Romains aimaient à tracer, de façon
matérielle, la frontière, le limes. Dans l’existence d’une frontière
matérielle, ils voyaient à la fois un symbole, une sécurité militaire, et une
commodité pour la perception des douanes. Lorsque c’était possible, ils
utilisaient, à cet effet, un cours d’eau l’Ems, le Rhin, le Danube formaient
ainsi des parties de la frontière entre Rome et la Germanie ; dans les
intervalles, cette frontière était constituée par un limes proprement dit, un
rempart muni, de place en place, de fortins, Ils ont procédé de même en
Afrique. Leur première province, celle qu’ils annexèrent en 146, était séparée
du pays numide par un fossé continu, qu’avait creusé Scipion, et qui fut, plus
tard, sous les empereurs, alors qu’il n’avait plus qu’une valeur de document
historique, remplacé par une levée de terre. L’Oued-el-Kébir et une suite de
vallées secondaires d’une part, la
Moulouya d’autre part, servaient de frontières intérieures
entre les provinces, après avoir marqué les bornes des royaumes indigènes. Vers
le Sud, aucun cours d’eau ne pouvait être utilisé ainsi les Romains eurent, de
ce côté-là, un limes artificiel, sans s’astreindre d’ailleurs à créer un
obstacle continu, fossé ou mur à tous les passages et à tous les points
stratégiques, ils eurent un fort, et des tronçons plus ou moins étendus de mur
ou de fossé, là où le terrain le demandait. Ce sont les témoins de ces travaux
qui nous permettent de dire jusqu’où allait la domination romaine.
Sous les premiers empereurs, sur la côte Sud dela Petite
Syrte , c’est-à-dire dans ce qui correspond à la Tripolitaine moderne,
les Romains n’occupent que les quelques ports où se concentre la vie de la
contrée. Le pays non romain commence très près de ces ports, au delà d’une
étroite banlieue.
Jusqu’à Gabès, le territoire romain ne s’écarte guère de la mer. A l’Ouest de Gabès, le cadastre romain et la colonisation se sont arrêtés au bord septentrional du Chott-el-Fedjedj. Ensuite la frontière allait du Sud au Nord, jalonnée par Gafsa, Feriana, Tébessa. A partir de Tébessa, elle suivait une direction générale Sud-Est Nord-Ouest, se maintenant au Nord de ‘Aurès, du Djebel Touggourt, des monts du Hodna : Khenchela, Timgad, Lambèse, Zana, Zraria, Aumale, Sour-Djouab, Berrouaghia, marquent les points importants de cette frontière, soit qu’ils aient été occupés et fortifiés dès les premiers empereurs, soit qu’ils aient été organisés seulement par les Antonins.
On atteint ainsi la vallée du Chélif, vers l’endroit où le fleuve, après avoir traversé péniblement l’Atlas Tellien, entre en plaine et prend la direction générale Est-Ouest. Miliana, Duperré, Orléans-ville, dans cette vallée, sont des emplacements de colonies ou de garnisons romaines qui défendaient la frontière. Plus à l’Ouest, elle passait approximativement à Relizane, Perrégaux, Saint-Denis-du-Sig, se rapprochant progressivement de la mer, coupant tout près de l’embouchure le cours dela Moulouya
; le territoire soumis se terminait en pointe, au-delà de ce fleuve, au
comptoir phénicien de Rusaddir, déchu à l’époque impériale, et qui est
aujourd’hui Melilla. Le pays romain ne reparaissait ensuite qu’au détroit de
Gibraltar et sur la côte atlantique du Maroc à partir de Tanger, et jusqu’à
Sala (Salé), une série de villes s’échelonnaient sur la côte, et deux ou trois
avaient été fondées assez avant dans l’intérieur, dans la vallée des principaux
cours d’eau.
La physionomie d’ensemble de l’Afrique romaine, au début de l’Empire, est ainsi très nette une masse importante de terrain, correspondant sensiblement àla Tunisie , prolongée à l’Est
par le cordon mince des ports tripolitains, à l’Ouest par une sorte de grand
coin qui va s’amincissant progressivement, et dont l’extrémité est à Melilla
puis, sans communications terrestres avec ce qui précède, un groupe de
comptoirs et de colonies sur le versant atlantique du Maroc.
Cette disposition générale est restée la même pendant toute la période romaine. L’Afrique romaine a toujours eu la forme d’un coin allongé de l’Est à l’Ouest, beaucoup plus large à l’Est, en Tunisie, qu’à l’Ouest ; la frange de terre romaine qui occupait la bordure du continent africain est toujours allée en s’amincissant, des Syrtes vers l’Atlantique. Mais les empereurs, à mesure que le pays devenait plus peuplé, plus cultivé, sentirent le besoin d’élargir vers le Sud la zone soumise à leur autorité, de s’imposer comme maîtres aux nomades du Sud, ou tout au moins de les surveiller de près et de les contenir.
C’est à la fin du IIe siècle et au début du IIIe que s’est dessiné le plus nettement ce mouvement d’expansion vers le Sud, commencé vers le début du IIe siècle, et, en 238, le limes romain est sensiblement plus méridional que celui qui vient d’être décrit.
A cette date, en Tripolitaine, les postes romains se trouvent installés un peu au Sud de la falaise qui, à distance variable de la mer, sépare très nettement la plaine littorale, habitable, appelée Djeffara, de la région désertique ces fortins dessinent une ligne assez serrée. En outre, des postes avancés sont créés, sous forme de garnisons permanentes installées dans des oasis à Bondjem, à Gharia-el-Charbia, à Ghadamès. Et les commerçants romains sont allés jusqu’au Fezzan.
Plus à l’Ouest, le territoire romain comprend maintenant le bord Sud du chott El-Fedjedj et les oasis (Nefta, Tozeur) situées sur la langue de terre entre le’ chott El-Djerid et le chott El-Charsa. Puis la frontière suit comme autrefois la direction Sud-Est/Nord-Ouest, mais elle englobe, depuis Trajan, l’Aurès, et les garnisons romaines sont installées maintenant dans les oasis, à la limite du Sahara à Négrine, Badis, Mlili, Doussen. Elle se dirige de là vers Bou-Saâda et Boghar toute la plaine du Hodna est occupée par des établissements romains. A partir de Boghar, la frontière romaine est suivie par une route, stratégique qui passe en avant de Teniet-el-Haâd et de Tiaret, puis par Frenda, Tagremaret, le Nord de Saida, Chanzy, Lamoricière, Tlemcen, Lalla-Marnia elle suit donc à peu près, dans l’ensemble, la lisière Nord des Hauts Plateaux. Cette route fut organisée probablement au début du IIIe siècle.
Comme en Tripolitaine, des garnisons permanentes occupèrent des postes de surveillance en avant de ce limes la principale était à Messad, dans les monts des Ouled-Naïl.
Au Maroc, enfin, l’occupation romaine, du 1er au IIIe siècle, devint plus dense et plus cohérente, et sur la côte et dans l’intérieur. Tanger, Rabat et Fès sont les trois sommets d’un triangle sur les côtés duquel étaient disposées des garnisons. Un poste avancé, vers le Sud, a peut-être été établi à Azemmour, et il est probable qu’une route a relié, à cette époque, Fès à la région de Tlemcen par Taza et Oudjda, établissant ainsi, entre toutes les parties de l’Afrique du Nord, la communication terrestre qui ne put jamais, à cause de l’impénétrabilité du Rif, être assurée en longeantla
Méditerranée.
Il y a donc eu, au cours des deux siècles qui nous occupent, progrès très sensible de l’autorité romaine, et ce progrès n’a pas manqué de méthode. Mais deux choses sont à noter : d’abord, la persistance, à l’intérieur du pays romain, d’îlots réfractaires à la romanisation, massifs montagneux où les Berbères restent pratiquement indépendants, ou peu s’en faut ; ensuite, une timidité excessive dans l’application de la méthode dont les Romains avaient reconnu l’opportunité. Si, en Tripolitaine et surtout en Tunisie, ils ont occupé tout ce qui valait la peine d’être mis en culture et se sont assuré, vers le Sud, une protection suffisante,
plus à. l’Ouest, en Algérie, ils n’ont pas pénétré assez profondément. Ils se sont presque complètement abstenus de toucher aux Hauts Plateaux du Sud Algérois et du Sud Oranais. A plus forte raison n’ont-ils pas songé à la conquête du Sahara, bien que quelques traces de leur commerce y aient été découvertes en ces dernières années. Ç’a été la principale faiblesse de leur empire africain, et c’est la raison pour laquelle il a été incapable de résister longuement à une attaque sérieuse. Mais, avant que leur pouvoir s’effondrât, les Romains avaient construit une Afrique très intéressante, et c’est celle que j’essaierai de représenter.
Stéphane Gsell (1864-1932), qui avait voué à l’étude de l’Afrique du Nord des dons exceptionnels d’historien et une prodigieuse activité scientifique, avait entrepris une Histoire ancienne de l’Afrique du Nord dont il n’a pu écrire que huit volumes (Paris, Hachette ; tome I, 1913 ; tomes II et III, 1918 ; tome IV, 1920 tomes V et VI, 1927 ; tomes VII et VIII, 1928). Ces huit volumes conduisent l’histoire, de l’Afrique du Nord jusqu’à l’an 40 après J.-C., c’est-à-dire jusqu’à l’annexion par Rome de
Pour avoir une histoire de l’Afrique du Nord embrassant toute l’antiquité, nous pouvons consulter les histoires générales de l’Afrique du Nord. La plus utilisable était jusqu’à ces derniers temps celle d’Ernest Mercier, Histoire de l’Afrique Septentrionale (Berbérie) depuis les temps les plus reculés jusqu’à la conquête française (1830), trois volumes, Paris, Leroux. Le premier volume, qui mène l’histoire de l’Afrique jusqu’en 1045 de notre ère, est de 1888. Cette histoire est à remplacer maintenant par l’ouvrage excellent de Charles André. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord, Paris, Payot, 1931 (les dix premiers chapitres concernent l’antiquité, jusqu’à la conquête arabe ; bibliographie tout à fait à jour et illustrations bien choisies).
Quant aux ouvrages consacrés à l’histoire romaine en général, ils font nécessairement une place à l’Afrique, mais cette place est naturellement très limitée. Je signale en particulier le chapitre consacré à l’Afrique dans l’Histoire romaine de Mommsen. Ce chapitre, qui se trouve dans le volume V de l’édition allemande, est au tome XI dans la traduction de l’Histoire romaine de Mommsen par Cagnat et Toutain (Paris, Bouillon, 1889).
Dans une certaine mesure, le manque d’une histoire spéciale et détaillée de l’Afrique romaine est compensé par l’existence de quelques livres qui décrivent l’administration et la civilisation romaines. Ce sont des œuvres de vulgarisation, qui s’adressent au public cultivé, mais non spécialisé ; elles conservent, par conséquent, le caractère d’un sommaire, d’une vue générale ; mais elles sont utiles comme première initiation. C’est à ce titre que j’indique, dans l’ordre chronologique :
Gustave Boissière, Esquisse d’une histoire de la conquête et de l’administration romaines dans le Nord de l’Afrique et particulièrement dans la province de Numidie, Paris, Hachette, i 878.
Gaston Boissier, L’Afrique romaine, Paris, Hachette, 1 895.
Schulten, Das roemische Africa,
Gsell, L’Algérie dans l’Antiquité, 2e édition, Alger, i 903, travail repris et mis à jour dans l’Histoire d’Algérie de Gsell, Marçais et ,Yver, Paris, Boivin, 1927 (rééditions postérieures).
En outre, les questions relatives à l’occupation militaire de l’Afrique ont été étudiées de façon très minutieuse par Cagnat, L’Armée romaine d’Afrique et l’occupation militaire sous les empereurs, 2e édition, Paris, Leroux, 1912. Cet ouvrage est un recueil extrêmement riche de renseignements, tirés surtout des inscriptions et des restes archéologiques, non seulement sur l’organisation militaire, mais, indirectement, sur l’histoire politique, économique et morale du pays.
L’étude des documents archéologiques est facilitée d’abord par un ouvrage de M. Gsell, Les Monuments antiques de l’Algérie, 2 volumes, Paris, Fontemoing, 1901, où sont étudiés, catégorie par catégorie, les monuments romains d’Algérie ; il va sans dire que la majeure partie des observations et des conclusions présentées par M. Gsell à propos des monuments d’Algérie valent aussi pour
Pour la dernière partie de la période antique, décadence romaine, invasion vandale, reconquête byzantine, phase particulièrement obscure et compliquée, un livre ancien est encore utilisable c’est celui de Dureau de
Enfin, il ne faut pas perdre de vue que l’histoire ancienne de l’Afrique du Nord est constamment complétée ou corrigée par des découvertes nouvelles ; en particulier, les inscriptions exhumées en Tunisie, en Algérie ou au Maroc viennent fréquemment éclairer des points obscurs ou poser des problèmes nouveaux. La publication périodique où l’on peut le mieux suivre ce progrès des recherches historiques dans l’Afrique du Nord est le Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques et scientifiques, édité à Paris, chez Leroux. C’est à la section de ce Comité appelée Commission de l’Afrique du Nord que sont adressées en règle générale les communications sur les découvertes récentes ; le Bulletin, qui publie les procès-verbaux des séances de
: Limites dans le temps.
Après ces indications préliminaires, nous avons d’abord à fixer les limites de l’Afrique romaine dans le temps et dans l’espace, à indiquer les dates qui marquent les étapes principales et de la conquête et de la perte du pays, et à déterminer la ligne jusqu’où s’avança, sur le terrain, la domination romaine.
Jusqu’au milieu du second siècle avant l’ère chrétienne,
Il n’en a pas été de même après la troisième guerre punique, en 146. Cette fois-là, Rome, ayant détruit Carthage parce que cette destruction lui paraissait le seul moyen de se débarrasser d’une rivalité dangereuse, a senti le besoin de rester en Afrique pour empêcher la rivale qu’elle venait d’abattre de se relever avec d’autres habitants et sous un autre nom. Elle a donc annexé un territoire correspondant à peu près au tiers Nord-Est de
Pendant le dernier siècle de
Cependant la domination romaine va s’étendre, d’abord parce qu’il existe à Rome un parti de plus en plus fort de novateurs, qui veulent agrandir la cité romaine et romaniser les régions d’outremer c’est le parti qui finit par triompher et prendre le gouvernement avec César et Auguste ; ensuite, parce que la force des choses rend précaire toute domination qui s’accroche à un coin de côte, et détermine une réaction spontanée par laquelle cette domination, si elle ne veut pas disparaître complètement, tend à se répandre, à se couvrir dans un rayon de plus en plus large.
En 105, après la guerre contre Jugurtha, l’accroissement du territoire romain fut extrêmement limité les Romains se contentèrent d’installer leur autorité dans les ports de
A l’Ouest de l’Ampsaga, le pays formait un royaume indépendant, le royaume de Maurétanie ; mais cette indépendance nominale était en réalité un protectorat. Ce qui le prouve bien, c’est que pendant huit ans, de 33 à 25, après la mort du roi Bocchus,
La période proprement romaine de l’Afrique du Nord a donc duré quatre siècles, de 40 à 430. De ces quatre siècles, les deux premiers forment de beaucoup la période la plus brillante qu’ait jamais connue l’Afrique du Nord c’est en 238, en effet, que commencent les troubles civils et les révoltes indigènes qui affaibliront peu à peu l’Empire romain et achemineront l’Afrique vers la catastrophe finale ; de 40 à 238, le pays arrive à son plein épanouissement, la population est nombreuse, connaît le confort et le luxe, les centres urbains se multiplient, et des monuments s’y élèvent à l’imitation de ceux de Rome. L’esprit de la colonisation romaine, sous l’Empire, est très différent de celui qui inspirait sous
C’est donc l’Afrique de 40 à 238, celle des Césars, des Antonins et des Sévères que nous avons à regarder de préférence. C’est elle que j’aurai le plus souvent en vue. Pour la période qu’on appelle le Bas--Empire, et qui comprend la fin du troisième siècle et le quatrième, je me contenterai d’indiquer, au cours du dernier chapitre, les modifications principales qui furent apportées alors au régime appliqué jusque là.
Limites dans l’espace.
Nous avons à déterminer maintenant les limites géographiques de l’Afrique romaine, là où elle n’a pas la mer comme limite naturelle, c’est-à-dire à l’Est et au Sud. A l’Est, l’Afrique romaine s’arrêtait au désert de sable qui sépare
Sous les premiers empereurs, sur la côte Sud de
Jusqu’à Gabès, le territoire romain ne s’écarte guère de la mer. A l’Ouest de Gabès, le cadastre romain et la colonisation se sont arrêtés au bord septentrional du Chott-el-Fedjedj. Ensuite la frontière allait du Sud au Nord, jalonnée par Gafsa, Feriana, Tébessa. A partir de Tébessa, elle suivait une direction générale Sud-Est Nord-Ouest, se maintenant au Nord de ‘Aurès, du Djebel Touggourt, des monts du Hodna : Khenchela, Timgad, Lambèse, Zana, Zraria, Aumale, Sour-Djouab, Berrouaghia, marquent les points importants de cette frontière, soit qu’ils aient été occupés et fortifiés dès les premiers empereurs, soit qu’ils aient été organisés seulement par les Antonins.
On atteint ainsi la vallée du Chélif, vers l’endroit où le fleuve, après avoir traversé péniblement l’Atlas Tellien, entre en plaine et prend la direction générale Est-Ouest. Miliana, Duperré, Orléans-ville, dans cette vallée, sont des emplacements de colonies ou de garnisons romaines qui défendaient la frontière. Plus à l’Ouest, elle passait approximativement à Relizane, Perrégaux, Saint-Denis-du-Sig, se rapprochant progressivement de la mer, coupant tout près de l’embouchure le cours de
La physionomie d’ensemble de l’Afrique romaine, au début de l’Empire, est ainsi très nette une masse importante de terrain, correspondant sensiblement à
Cette disposition générale est restée la même pendant toute la période romaine. L’Afrique romaine a toujours eu la forme d’un coin allongé de l’Est à l’Ouest, beaucoup plus large à l’Est, en Tunisie, qu’à l’Ouest ; la frange de terre romaine qui occupait la bordure du continent africain est toujours allée en s’amincissant, des Syrtes vers l’Atlantique. Mais les empereurs, à mesure que le pays devenait plus peuplé, plus cultivé, sentirent le besoin d’élargir vers le Sud la zone soumise à leur autorité, de s’imposer comme maîtres aux nomades du Sud, ou tout au moins de les surveiller de près et de les contenir.
C’est à la fin du IIe siècle et au début du IIIe que s’est dessiné le plus nettement ce mouvement d’expansion vers le Sud, commencé vers le début du IIe siècle, et, en 238, le limes romain est sensiblement plus méridional que celui qui vient d’être décrit.
A cette date, en Tripolitaine, les postes romains se trouvent installés un peu au Sud de la falaise qui, à distance variable de la mer, sépare très nettement la plaine littorale, habitable, appelée Djeffara, de la région désertique ces fortins dessinent une ligne assez serrée. En outre, des postes avancés sont créés, sous forme de garnisons permanentes installées dans des oasis à Bondjem, à Gharia-el-Charbia, à Ghadamès. Et les commerçants romains sont allés jusqu’au Fezzan.
Plus à l’Ouest, le territoire romain comprend maintenant le bord Sud du chott El-Fedjedj et les oasis (Nefta, Tozeur) situées sur la langue de terre entre le’ chott El-Djerid et le chott El-Charsa. Puis la frontière suit comme autrefois la direction Sud-Est/Nord-Ouest, mais elle englobe, depuis Trajan, l’Aurès, et les garnisons romaines sont installées maintenant dans les oasis, à la limite du Sahara à Négrine, Badis, Mlili, Doussen. Elle se dirige de là vers Bou-Saâda et Boghar toute la plaine du Hodna est occupée par des établissements romains. A partir de Boghar, la frontière romaine est suivie par une route, stratégique qui passe en avant de Teniet-el-Haâd et de Tiaret, puis par Frenda, Tagremaret, le Nord de Saida, Chanzy, Lamoricière, Tlemcen, Lalla-Marnia elle suit donc à peu près, dans l’ensemble, la lisière Nord des Hauts Plateaux. Cette route fut organisée probablement au début du IIIe siècle.
Comme en Tripolitaine, des garnisons permanentes occupèrent des postes de surveillance en avant de ce limes la principale était à Messad, dans les monts des Ouled-Naïl.
Au Maroc, enfin, l’occupation romaine, du 1er au IIIe siècle, devint plus dense et plus cohérente, et sur la côte et dans l’intérieur. Tanger, Rabat et Fès sont les trois sommets d’un triangle sur les côtés duquel étaient disposées des garnisons. Un poste avancé, vers le Sud, a peut-être été établi à Azemmour, et il est probable qu’une route a relié, à cette époque, Fès à la région de Tlemcen par Taza et Oudjda, établissant ainsi, entre toutes les parties de l’Afrique du Nord, la communication terrestre qui ne put jamais, à cause de l’impénétrabilité du Rif, être assurée en longeant
Il y a donc eu, au cours des deux siècles qui nous occupent, progrès très sensible de l’autorité romaine, et ce progrès n’a pas manqué de méthode. Mais deux choses sont à noter : d’abord, la persistance, à l’intérieur du pays romain, d’îlots réfractaires à la romanisation, massifs montagneux où les Berbères restent pratiquement indépendants, ou peu s’en faut ; ensuite, une timidité excessive dans l’application de la méthode dont les Romains avaient reconnu l’opportunité. Si, en Tripolitaine et surtout en Tunisie, ils ont occupé tout ce qui valait la peine d’être mis en culture et se sont assuré, vers le Sud, une protection suffisante,
plus à. l’Ouest, en Algérie, ils n’ont pas pénétré assez profondément. Ils se sont presque complètement abstenus de toucher aux Hauts Plateaux du Sud Algérois et du Sud Oranais. A plus forte raison n’ont-ils pas songé à la conquête du Sahara, bien que quelques traces de leur commerce y aient été découvertes en ces dernières années. Ç’a été la principale faiblesse de leur empire africain, et c’est la raison pour laquelle il a été incapable de résister longuement à une attaque sérieuse. Mais, avant que leur pouvoir s’effondrât, les Romains avaient construit une Afrique très intéressante, et c’est celle que j’essaierai de représenter.
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