Nombre total de pages vues

3/26/2016

Les Foggaras, un système unique témoignant du génie local



Les Foggaras, un système ancestral d’adduction d’eau potable et d’irrigation dans le sud algérien, très répandu notamment à Adrar, constituent une invention exceptionnelle témoignant du génie local pour la valorisation et l’exploitation rationnelle de l’eau, ont affirmé mardi des experts à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau.
Des enveloppes financières jugées conséquentes ont été octroyées par différents programmes de développement pour la préservation de cet ingénieux système d’irrigation traditionnel. Cela a permis de maintenir à Adrar quelque 736 foggaras opérationnelles, sur un total de 820 systèmes, selon les statistiques de la direction des services agricoles (DSA) de la wilaya. Ces systèmes hydrauliques, uniques au monde, sont disponibles surtout dans les régions du Touat (Adrar), Gourara (Timimoune) et de Tidikelt (In-Salah), permettant de développer une agriculture oasienne et d’étendre les surfaces cultivables. Les financements ont largement contribué à l’entretien, la restauration, la réhabilitation et à la préservation du réseau des foggaras, source unique en son genre, et leur renforcement par des forages profonds à même d’accroître leur débit et garantir leur pérennité, en tant que legs socioculturel de répartition judicieuse des eaux dans le Sud du pays.

L’ÉCOULEMENT DE L’EAU DES FOGGARAS, UN GÉNIE ANCESTRAL

Le jaillissement de l’eau et les systèmes d’adduction à travers les foggaras révèlent un système ingénieux créé par les anciens pour garantir une répartition de l’eau de manière rationnelle et équitable entre les palmeraies des ksour de la région. Le président de l’association de «Restauration et préservation des foggaras», Moulay Abdallah Smaili, a, dans ses études sur la foggara, présenté ce système d’irrigation traditionnel comme permettant le captage et l’écoulement de l’eau souterraine par des canalisations, longues de plusieurs kilomètres, devant assurer, à travers des galeries, l’adduction de l’eau jusqu’à des seuils superficiels où sont dressés des petits puits connus localement sous l’appellation de «Aghousserou», avant de la canaliser en surface vers les palmeraies. Une fois mobilisée, l’eau est collectée à un endroit appelé «El- Kesri», entouré de départs de canaux constituant des unités de mesures et d’estimation adoptées par les propriétaires de Foggaras, sur la base d’une répartition équitable faite par les «Keyel» (mesureurs), experts en calculs de débits des eaux de foggaras vers les palmeraies. La mesure ou le partage de l’eau s’effectue à l’aide d’un instrument de conception traditionnelle dit «El-Hellafa», unité métallique contenant des alvéoles de différents calibres, et de l’unité de mesure de la quantité d’eau appelée «El-Hebba » (graine), en plus du recours à l’usage d’autres unités intégrées dans la répartition et la distribution de l’eau, soigneusement archivées dans un glossaire connu sous le nom du «Zmem» (Livre), confié à un notable et répertoriant les différentes opérations de partage, de mesures et de quantités d’eau accordées aux parties concernées.

CONSERVATION MODERNE DES DONNÉES SUR LA FOGGARA

Le système traditionnel d’irrigation «foggara» a revêtu un grand intérêt des instances officielles et des associations, se traduisant par la conjugaison des efforts tendant à préserver ce patrimoine séculaire, sur la base de procédés scientifiques modernes, ainsi que la création d’instances de recherche scientifique et d’archivage des données afférentes à la foggara en vue de sa préservation comme patrimoine humain ancestral, unique en son genre. Dans ce cadre, le directeur régional de l’agence nationale des ressources en eau d’Adrar a, dans un aperçu exhaustif sur la situation de la foggara dans la région, fait état d’une dernière mise à jour, menée depuis deux ans, des statistiques relevant l’existence de 679 foggaras actives, 28 autres actives mais dont les eaux n’atteignent pas les palmeraies, 758 autres taries et 369 foggara mortes. Taha Lansari a également fait part de l’élaboration d’une banque de données «spéciale Foggaras», après avoir cadastré par imagerie satellitaire 154.360 puits formant le réseau des foggaras existantes entre les régions de Tsabit (Nord d’Adrar) et Zaouiet- Kounta (Sud de la wilaya). Une opération qui se poursuit pour cibler le reste des foggaras disséminées à travers le territoire de la wilaya d’Adrar. S’agissant de la qualité de l’eau des Foggaras, le même responsable a relevé qu’elle est exploitable à 94% pour l’irrigation agricole, dont 71% ayant une teneur en sel acceptable, 23% présentant une qualité moyenne et 6% à forte salinité. Le président de «l’Observatoire de la foggara», Boutedara Youcef, a indiqué que cette instance a, depuis sa création en 2011, en application des recommandations du colloque international sur la foggara «Ci-fog» tenu à Adrar la même année, s’emploie, avec le concours de l’agence nationale de gestion intégrée des ressources en eau, au classement de la foggara en tant que patrimoine matériel humain. Entreautres actions, l’Observatoir a lancé une opération de recensement des foggaras existantes à travers les territoires du Touat, Gourara et Tidikelt, où ce système d’irrigation traditionnel est très répandu. Cet inventaire a donné lieu à la collecte de données et d’informations sociales, physiques et historiques liées à ce système hydraulique, en plus de l’organisation, pour valoriser ces actions, de rencontres de sensibilisation en direction des associations, des propriétaires de foggaras, des élèves pour éveiller la conscience des futures générations sur la nécessaire préservation de ce legs socio-économique et civilisationnel authentique, a expliqué le président de l’observatoire. Le même responsable a, à ce titre, fait état de la préparation d’un livre «Atlas » sur la foggara, renfermant des données liées à ce patrimoine, ainsi que les moyens humains et matériels gravitant autour de ce système traditionnel d’irrigation agricole, en vue de valoriser le génie des ancêtres dans le mode de mobilisation et de répartition de l’eau entre habitants, objet à ce jour de recherches anthropologiques.

Aucun commentaire: