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7/02/2014

GERYVILLE LA CAPITALE DE L’ALFA

Les stratèges de l'équipement de l'époque, avaient fait passer la voie ferrée Oran-Béchar, loin de GERYVILLE, effrayés peut-être, par les Djebels Amours et les monts des Ksours. Cela n'avait pas été une mauvaise chose, bien au contraire, car, grâce aux diligences, aux autocars et aux camions, GERYVILLE était bel et bien reliés au reste du monde.
C'est ainsi que Géryville eut la visite au moins, d'un ministre de la guerre, Monsieur Etienne vers 1904 ou 1905, d'un Gouverneur Général en 1940, L'Amiral Etienne, défenseur de Dunkerque, les camions et cars Berliet de la croisière Berliet franco musulmane, avant la Grande Guerre. L'alfa des hauts plateaux avait fait la prospérité de la cité entre les deux guerres, en effet, elle fit de GERYVILLE le centre alfatier le plus important d'Afrique du Nord.

Arrachée avec méthode, cette plante bien singulière, parce qu'unique, donnait un papier de qualité de renommée mondiale, fabriqué, hélas en Angleterre. L'importance de cette ressource alfatière avait fait qu'un exploitant local eu maille à partir avec messieurs Blachette et Borgeaud, bien connus dans la finance de l'Algérois de l’époque. Ils voulaient en avoir le monopole. Notre concitoyen eut gain de cause, après un long procès, c'était avant guerre.


EL BAYADH anciennement GERYVILLE capitale de l’alfa du temps de la France

LA PLANTE

L’alfa, plante de la steppe. A perte de vue, des espaces plats ou à peine vallonnés s'étendent à perte de vue, couverts d'une herbe verte au printemps, grisâtre en été, qui ondulait sous les rafales de vent. On aurait dit une mer agitée par la brise c'est la mer d'alfa.

Elle couvrait 4 millions d'hectares sur les Hauts Plateaux, de la frontière marocaine à la frontière tunisienne; à l'ouest, elle débordait jusque dans le Tell, atteignant le littoral ; au centre, elle couvrait quelques milliers d'hectares dans le Sahara.

L'alfa exigeant une faible pluviométrie (moins de 50 cm. de pluies par an) et des terrains perméables et secs. A cet égard, tout le département d'Oran, du Nord au Sud, lui convenait. Il y occupait près de treize mille hectares, plus du double si l'on ajoute les peuplements des annexes de Méchéria et de Géryville, appartenant administrativement aux Territoires du Sud mais géographiquement aux Hauts Plateaux Oranais. La pluviométrie étant déjà plus élevée dans le département d'Alger les plants d'alfa ne s'étendaient que sur 600.000 hectares.

Sur les Hauts Plateaux Constantinois, mieux arrosés encore, plus étroits aussi, on ne trouve plus que 600.000 hectares. La densité alfatière va donc en diminuant de l'Ouest à l'Est.

L'emploi de l'alfa dans la fabrication du papier remonte au milieu du siècle dernier, il est dû aux recherches d'un papetier écossais. Un centre de manipulation et d'embarquement de l'alfa fut créé à Arzew par cet industriel en 1870, 42.000 tonnes étaient déjà expédiées en Ecosse, dix ans plus tard, les exportations atteignaient 80.000 tonnes. Elles s'établissaient, dans les années qui précédèrent la guerre, autour de 110.000 tonnes. En 1962 elles dépassaient les 200.000 tonnes ce qui était la preuve de l'activité croissante des chantiers d'exploitation.

L'alfa est une graminée vivace. La feuille contient une fibre très fine et très résistante. Elle se détache facilement de la souche et il suffit d'une traction très légère pour l'en séparer. Nous savons que les climats secs lui conviennent et qu’il lui faut aussi des étés chauds, mais il s'accommode très bien, en hiver, de basses températures : c'est ainsi qu'à El- Aricha, sur les Hauts Plateaux Oranais, il supporte des températures de 12 à 16°. Sa rusticité, ses exigences très faibles, on le voit, en faisait une plante de la steppe dont elle était presque l'unique ressource et en même temps la seule richesse.

Il faut en effet pour sa cueillette une nombreuse main d'oeuvre expérimentée. On la trouvait autrefois parmi les immigrés espagnols de l'Oranie, car l'Espagne aussi possède des peuplements d'alfa exploités avant ceux d'Algérie, à l’époque les tribus indigènes nomades venaient au moment de la récolte, camper à proximité des chantiers et fournissaient en abondance cette main d’oeuvre occupés à l'arrachage de l'alfa. Ils apportaient leur cueillette au chantier de pesage, l'alfa pesé était payé aussitôt.

Le transport à la gare de l'alfa mis en balles était une autre source de revenu pour les nomades et leurs chameaux. Tout était donc profit pour eux : cueillette, manipulation et transport.


La récolte de l'alfa on arrache les tiges en les enroulant autour d'un bâtonnet.
Transport de l'alfa sur les hauts plateaux du sud Oranais

Mais il n'y a pas de profit que pour les travailleurs indigènes. Sur 4 millions d'hectares en effet, 60.000 seulement appartenaient à des particuliers, le reste, c'est à dire la presque totalité, était la propriété des communes ou de l'Etat. Les peuplements était concédés à des négociants, qui versaient une redevance aux propriétaires, concessionnaires, communes et Etat. Les travailleurs indigènes trouvaient donc leur profit dans l'exploitation de l'alfa. Et l'on devait également compter aussi sur les chemins de fer, qui acheminaient jusqu'à la côte l'alfa récolté et les dockers qui le chargeaient sur les navires, tous se partageaient les 85 millions que représentait les exportations.

Les peuplements d'alfa, cependant, n’étaient pas entièrement exploités. De vastes espaces, en effet, trop éloignés des chemins de fer, n'ont pu être mis en valeur. Ce n'est qu'à proximité des lignes de pénétration d'Oran à Crampel, d'Arzew à Colomb-Béchar, d'Alger à Djelfa et de Constantine à Biskra qu'existaient les principaux chantiers de récolte ; hors ces contrées, de vastes régions étaient inexploitables. Quoi qu'il en soit, les peuplements exploités fournissaient à l'exportation plus de 200.000 tonnes de produits.

Lorsqu'il s'agissait d'alfa, on ne pouvait en effet tenir compte que de l'exportation. C'est l'extérieur en effet qui constituait la principale clientèle des chantiers algériens, on pourrait même dire la seule.

La consommation locale était pour ainsi dire nulle. Tout au plus se réduisait-elle à quelques milliers de tonnes employées par l'industrie familiale indigène pour la fabrication de nattes, de chapeaux, de sandales, d'escourtins, de couffins et d'objets divers de vannerie et de sparterie, par quelques usines européennes pour la production de cordages, de tapis ou de tissus grossiers, de crin d'alfa utilisé comme succédané du crin animal.

Son emploi le plus répandu était la fabrication de pâte à papier ; c'est cette industrie qui fît la véritable valeur de l'alfa d'Algérie. Le papier d'alfa était souple, soyeux, résistant, très léger, très bouffant, il prenait bien les caractères d'imprimerie. Mélangée en proportions variables avec les pâtes de chiffons, de paille ou de bois, la pâte d'alfa pouvait donner lieu à des milliers de combinaisons d'une grande valeur et d'une excellente qualité.

Longtemps le monopole du papier d'alfa fut détenu par l'Angleterre qui achetait à l'Algérie la majeure partie de sa production bénéficiant de tarifs de transport par mer excessivement bas. Elle avait sur l'industrie française un avantage très sérieux, car l'alfa, marchandise pauvre, ne pouvait supporter des frets coûteux. L'industrie anglaise nous revendait les papiers qu'elle produisait, à des prix élevés, car le papier d'alfa fut longtemps considéré comme papier de luxe.
Des essais de fabrication furent cependant tentés en Algérie, dès 1906; repris après la guerre, ils durent être abandonnés. On se heurtait en effet à deux obstacles : le manque d'eau, d'abord, et surtout d'eau pure, car la fabrication de la pâte en exige de grandes quantités. En second lieu, le prix de revient était trop élevé sur les lieux de production pour le combustible et les produits chimiques.
Tout infructueux qu'ils eussent été, ces essais ne pouvaient laisser indifférente l'industrie papetière française. Obligée d'acheter à l'étranger à des prix excessifs les matières premières qui lui étaient indispensables, elle ne pouvait qu'être tentée d'utiliser l'alfa, produit de tout premier ordre, que l'Algérie, la Tunisie et le Maroc lui offraient en abondance.
Dès 1920, l'idée séduisit un groupement de papetiers et de fabricants de produits chimiques de la Métropole. Une société fût créée et à qui d'importants gisements alfatiers furent concédés dans la région de Djelfa. La fabrication de la pâte à papier commença en 1924 dans une ancienne poudrerie de la vallée du Rhône. L'industrie du papier d'alfa devenait une industrie française.
Cette société en question mit en oeuvre jusqu'à 30.000 tonnes par an d'alfa algérien et tunisien et produisit quinze mille tonnes de pâte à papier. Ce n'était pas encore autant que la production anglaise, mais le premier pas était fait.
Sous cette impulsion, les exportations algériennes vers la Métropole passaient de 900 tonnes avant la guerre à 9.000 en 1924, elles dépassèrent les 22.000 tonnes.
Suivant l'exemple qui leur avait été donné, d'autres papeteries françaises commencèrent à traiter l'alfa; ce mouvement économique paraissait avoir toutes les chances requises pour s'intensifier davantage.
Il faut noter aussi que les pâtes françaises d'alfa avaient non seulement conquis le marché français, mais elles s’étaient imposées de plus en plus, par leur qualité et par leur prix relativement faible, sur les marchés étrangers, allemand, suisse et même anglais

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