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6/14/2014

ALgerie, À LA RECHERCHE DES DIALECTES BERBERES

En présentant tout récemment à l'Académie un travail important de M. Basset sur le dialecte berbère des Béni Menacer, j'exprimais le désir que le nouveau titulaire de la chaire pu blique d'arabe à Alger fut mis en mesure de poursuivre ses recherches linguistiques si bien commencées. Ce voeu vient de se réaliser. Plus heureux que notre Comité des missions, le Gouvernement général de l'Algérie a pu prendre les mesures nécess aires pour la continuation de ces investigations, d'un intérêt incontestable pour la linguistique et l'histoire de notre colonie. Les deux premières missions de M. Basset l'avaient conduit dans le sud Oranais et dans le M'zab, où il recueillait des do cuments relatifs au berbère d'Ouargla et de Touggourt.
Aujourd'hui, c'est sur les hauts plateaux du Tell algérien, dans le district de l'Ouarsenis, que M. Basset dirige ses in vestigations. Dans une lettre de Tiharet, en date du 5 mai,le savant voyageur en résume les premiers résultats. Voici les passages les plus saillants de cette lettre : «J'ai pu retrouver trois tribus parlant encore un dialecte berbère, mais très altéré : ce sont les Béni bou Khannous, les Béth'àia et les Béni bou Attab. Leur dialecte, qu'ils nomment zenatia, présente quelque analogie avec celui des Béni Menacer et des Béni M'zab. C'est bien l'idiome parlé par les Béni Toudjîn venus du sud de la province de Constantine, en passant par le M'zab et les Kçour de la province d'Oran. Je crois même avoir retrouvé Merat, la capitale du royaume que, d'après Ibn Khaldoun,ils fondèrent au xm° siècle. Je compte en visiter les ruines en revenant de Tiharet au bordj des Béni Hindel. κ Je suis venu à cheval de Ammi Mousa à Tiharet. Ce pays est très accidenté, et comme une crue subite avait rendu infran chissable l'Oued-Riou, il fallut faire route par les crêtes des montagnes. Parfois des fellahs devaient marcher devant nous et, à coups de pioche, creuser dans les flancs de la montagne la place nécessaire à nos chevaux pour poser le pied.
Depuis mon arrivée , à part une visite aux ruines de Tagdemt , tout mon temps a été consacré à examiner des manuscrits arabes et à faire du berbère. J'ai trouvé un indigène qui a visité Tombouctou et habité chez les Touaregs; j'en profite pour accroître le lexique que j'ai commencé l'an dernier à Ouargla. J'étudie en même temps le dialecte de Gourara entièrement inconnu
usqu'à présent, et qu'on ne pourra aborder de sitôt sur place,
comme le prouve l'assassinat du lieutenant Palat. ν M. Basset ne néglige pas non plus une source d'informations qu'on ne peut recueillir que dans le pays même en se mêlant à la foule et en prenant des notes au pied levé.
C'est ainsi qu'il a déjà réuni bon nombre de contes et de petits poèmes populaires au milieu de ces groupes d'Arabes qui entourent les Meddahs et les Gaouals, c'est-à-dire les rapsodes indigènes.
Enfin sa lettre renferme une indication qui n'est pas sans intérêt pour l'épigraphie classique. « En allant du Bordj des BéniHindel à Ammi Mousa, j'ai relevé une série de ruines romaines qui paraissent être les restes d'une ligne de postes militaires destinés à protéger la grande voie de communication qui passait par la vallée du Chélif. J'ai d'ailleurs commencé à recueillir des renseignements sur les vestiges de ce genre qui éxistent dans le territoire de l'Ouarsenis, jusqu'à présent négligé des épigraphistes, malgré ses richesses archéologiques.» Je n'en dirai pas davantage aujourd'hui, me réservant de communiquer plus tard à l'Académie les résultats d'ensemble obtenus par M. Basset. Mais on voit dès à présent que cette mission ne se borne pas à la linguistique et à la biographie berbères et arabes : elle peut mettre aussi la science archéologique sur la voie de découvertes nouvelles, et à ce titre encore , nous devons remercier M. Tirman , gouverneur général de l'Algérie, pour les encouragements qu'il accorde à d'aussi fructueuses explorations.

PAR M. BARBIERDE MEYNARD.

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