Le gisement préhistorique (P. Cadenat)
1« La station doit son nom à la proximité de ruines romaines dans lesquelles on s’accorde aujourd’hui à voir celles de Columnata, important centre, résidence d’un “praepositus” sur le limes du iiie siècle » (S. Gsell, Atlas archéologique, Feuille 22, Ammi-Moussa, n° 127 (non 129), Additions. L’identification de Columnata avec Bourbaki (feuille 23, n° 27) a été abandonnée, cf. B.S.G.A.O., Cinquantenaire, 1928 (S. Gsell, p. 25, n° 1 ; E. Albertini, p. 34-35).
2Le gisement préhistorique est situé sur le territoire de la commune de Sidi-Hosni, 1 500 mètres environ au S.S.E. du village du même nom (ex Waldeck-Rousseau), Wilaya de Tiaret.
3C’est un vaste abri sous roche démantelé au pied d’une belle falaise de grès helvétien (« grès de Tiaret »). Une importante source, l’Aïn Zeflah, coule à faible distance. Bien protégé des intempéries, l’habitat largement ouvert au N.N.E. offrait à ses occupants une vue étendue sur la vallée du Tiguiguest et les contreforts sud de l’Ouarsenis.
4La station classée monument historique par arrêté du 18 novembre 1952 a été découverte en 1937 et fouillée de 1937 à 1939, puis de 1954 à 1962 par P. Cadenat. C. Brahimi y a poursuivi des recherches dans la partie ibéromaurusienne en 1969.
5Les premiers travaux (1937-1962) ont permis de distinguer dans le dépôt archéologique, dont l’épaisseur peut en certains points dépasser deux mètres, quatre niveaux typologiquement différents, localement séparés par des lits d’éboulis stériles.
6Ce sont, en remontant de bas en haut :
- un Ibéromaurusien caractérisé,
- une industrie ultra microlithique de transition que G. Camps (VIe Congr. panafric. de Préhistoire, Dakar, 1967) a proposé de nommer « Columnatien »*,
- un faciès régional du Capsien supérieur,
-enfin un Néolithique de tradition capsienne.
- un Ibéromaurusien caractérisé,
- une industrie ultra microlithique de transition que G. Camps (VIe Congr. panafric. de Préhistoire, Dakar, 1967) a proposé de nommer « Columnatien »*,
- un faciès régional du Capsien supérieur,
-enfin un Néolithique de tradition capsienne.
7De multiples causes de perturbation (éboulements, infiltrations, ruissellement, inhumations, etc.) ont rendu délicate et longtemps incertaine la distinction des différents niveaux. Cependant la réalité de cette séquence, stratigraphiquement mise en évidence en 1961, et son exactitude ont été pleinement confirmées par le C 14.
8Les dates obtenues sont :
- pour le Néolithique : 3300 et 3900 av. J.-C.
- pour le Capsien supérieur : 4390, 4850 et 4900 av. J.-C.
- pour le Columnatien : 5350, 6190 et 6330 av. J.-C.
- pour l’Ibéromaurusien évolué : 8850 av. J.-C. (fouilles C. Brahimi) Chacune de ces industries a livré un riche matériel lithique et osseux accompagné de nombreux autres documents, objets de parure notamment, ainsi que d’une faune abondante.
- pour le Néolithique : 3300 et 3900 av. J.-C.
- pour le Capsien supérieur : 4390, 4850 et 4900 av. J.-C.
- pour le Columnatien : 5350, 6190 et 6330 av. J.-C.
- pour l’Ibéromaurusien évolué : 8850 av. J.-C. (fouilles C. Brahimi) Chacune de ces industries a livré un riche matériel lithique et osseux accompagné de nombreux autres documents, objets de parure notamment, ainsi que d’une faune abondante.
9L’Ibéromaurusien est, comme partout, caractérisé par un pourcentage écrasant de lamelles à bord abattu, la rareté des grattoirs, des coches et des burins, l’absence totale de pièces géométriques autres que les segments et par une industrie osseuse encore assez grossière. La faune est composée en majorité d’animaux de grande taille avec dominance des herbivores : grand bœuf (Bos primigenius), un équidé (Equus mauritanicus), antilope bubale (Alcelaphus bubalis).
10Le Columnatien peut se définir comme une industrie microlithique et même hypermicrolithique avec un pourcentage élevé de pièces minuscules, microlamelles à bord abattu et microsegments – d’une étonnante finesse à quoi s’ajoutent le foisonnement des microburins eux aussi souvent très petits, la fréquence des petits burins d’angle sur troncature retouchée et – caractère négatif de la plus haute importance – l’absence de trapèzes de type capsien. Parmi un outillage osseux varié et de bonne facture, les tranchets à biseau oblique tiennent la première place. La faune de grands mammifères est en régression, l’Equus mauritanicus a pratiquement disparu de l’alimentation mais, en contre partie, on constate une forte consommation de petites espèces, de poissons, de crabes et d’escargots. Ceux-ci cependant sont moins recherchés qu’à l’époque suivante.
11Le faciès tiarétien du Capsien supérieur se distingue nettement par la présence d’instruments nouveaux tels que scalènes-perçoirs, pointes d’Aïn Kéda, pointes de Columnata, l’apparition de géométriques classiques (triangles et trapèzes), la nette raréfaction des microburins, des petits burins et du micro-outillage qui faisait l’originalité de l’industrie précédente. L’os poli a pris un grand développement : on trouve beaucoup moins de tranchets mais bien davantage de poinçons et alénes portant parfois des séries de petites incisions. On doit noter tout particulièrement la présence de corps de faucilles, le nombre et la variété des objets de parure (éléments de colliers et pendeloques en coquillages marins, test d’œuf d’autruche, os, etc.), la trouvaille de coquilles terrestres (Leucochroa candidissima) gravées et parfois perforées, enfin, le trait le plus remarquable, l’utilisation d’ossements humains.
12Au Néolithique, l’industrie lithique de tradition capsienne est largement pourvue de lames et lamelles à coches ou denticulées. Les pointes de flèches à pédoncule et ailerons ainsi que d’autres armatures bifaces dénotent une influence saharienne tandis que la poterie à fond conique bien décorée se rapproche de la céramique de la côte oranaise. L’os poli est devenu rare. Il y a quelques fragments de coquille d’œuf d’autruche gravés ; des éléments de plaque dermique de tortue sont utilisés comme ornement.
13L’étude et la comparaison des différents matériels recueillis permettent de suivre au cours des millénaires une lente évolution à la fois économique et culturelle que traduisent les modifications et perfectionnements apportés à l’outillage, les changements profonds dans le régime alimentaire, les pratiques funéraires et même, dans un domaine plus futile, les variations de la parure. A aucun moment il n’y a eu, semble-t-il, transformation brutale et radicale.
Tranchets en os à biseau oblique de Columnata (Dessin Y. Assié) « Faucille » à manche en os du Capsien supérieur de Columnata (Dessin J. Tixier)
14Mais Columnata offre aussi à un autre point de vue un intérêt considérable. C’est en effet l’une des trois plus importantes nécropoles préhistoriques actuellement connues en Afrique du Nord. Bien qu’il reste beaucoup à fouiller, de nombreux restes humains appartenant à quarante-huit adultes et soixante-huit enfants – pour la plupart des « Columnatiens » – ont été mis au jour par P. Cadenat et ont été étudiés par M.-C. Chamla. Certains restes humains étaient surmontés de véritables monuments funéraires parfois signalés par des sortes de stèles frustes.
15Tous les sujets, à l’exception de deux hommes néolithiques, se rattachent à la race de Mechta-Afalou, mais présentent par rapport au type ibéromaurusien plus ancien des signes d’évolution et de gracilisation.
16Ces hommes dont la moyenne de vie n’aurait pas dépassé 21-22 ans et chez qui sévissait une effroyable mortalité infantile, pratiquaient la mutilation dentaire étendue souvent aux huit incisives.
17Il semble qu’ils aient mené une existence relativement paisible. Plusieurs observations tendraient à le prouver et les quelques cas – d’ailleurs remarquables – de traumatologie seraient imputables à de simples accidents.
18Par sa stratigraphie, la richesse de son matériel de toute nature, la station de Columnata constitue comme on a pu le dire, un gisement clé pour l’étude d’abord de la capsianisation, puis de la néolithisation d’une partie du Maghreb.
La nécropole de Columnata (G. Camps)
19Le gisement de Columnata devait apporter les plus riches enseignements dans l’étude des pratiques funéraires épipaléolithiques. En effet, dans la nécropole où il n’est pas toujours facile de faire le partage entre les sépultures ibéromaurusiennes et celles plus récentes appartenant au Columnatien, P. Cadenat (1957) eut la surprise de reconnaître, en cours de fouilles, des aménagements d’une architecture simple signalant certaines sépultures. Ainsi les restes humains inventoriés H 25 qui sont d’âge ibéromaurusien étaient placés sous une pierre de forme particulière, fusiforme, légèrement déprimée dans sa partie centrale. A 0,50 m à l’est, des pierres irrégulières mais agencées intentionnellement constituaient une sorte de pavement rectangulaire, d’un mètre de longueur et large de 0,50 m. Aucune industrie ni restes osseux ne furent découverts sous ce pavement qu’il est tentant d’associer à la sépulture voisine.
20Le cas de H 26 mérite également d’être signalé bien que les quatre pierres disposées au-dessus de la tombe ne forment qu’un simple repère ; les restes humains correspondent à des parties d’un corps dépecé ou désarticulé. On y dénombra un bras gauche complet, un sacrum attenant au coxal gauche et la partie supérieure du fémur, le tout en connexion naturelle ; il en était de même pour un pied complet attenant aux parties distales du tibia et du péroné. Ces éléments ont donc été inhumés alors que des ligaments maintenaient encore les os en connexion.
21Les hommes ibéromaurusiens, à Columnata comme à Rachgoun* et La Mouillah*, prenaient donc un soin particulier non seulement des cadavres mais des restes décharnés que la cohésion du clan continuait à personnaliser.
22Plus intéressante encore est la sépulture H 27, ibéromaurusienne également ; au-dessus des ossements humains avaient été accumulées des pierres, le tout était couronné par un enchevêtrement de cornes du Grand Bœuf (Bos primigenius). Comme dans le cas précédent ce n’est pas un corps entier mais des quartiers et des membres disloqués que contient cette sépulture.
23A Taforalt*, J. Roche aurait découvert des agencements tout à fait comparables où les cornes de mouflon remplaçaient celles de bœuf. La même pratique a été reconnue chez les Tardenoisiens de Téviec et de Hoédic en Bretagne, mais là, les bois de cerfs sont d’âge plus récent.
24Plus récent aussi est, à Columnata même, le monument de H 15 qui serait columnatien mais répond manifestement à la même tradition : des pierres empilées sur 2 ou 3 rangées forment un socle circulaire de 0,80 m environ de diamètre, un cippe rudimentaire constitué d’un bloc de grès de 0,78 m de hauteur avait été placée verticalement sur ce socle.
25Le soin apporté à ces différentes pratiques funéraires mérite toute notre attention, on peut affirmer l’existence de telles pratiques et reconnaître, par gisement, certaines traditions.
Les hommes épipaléolithiques (M.-C. Chamla)
26La découverte de la nécropole de Columnata (Algérie occidentale) qui contenait un niveau épipaléolithique de transition, présente un double intérêt. Pour les préhistoriens, une portée archéologique exceptionnelle pour l’étude du passage de l’Épipaléolithique au Néolithique. Pour les paléontologues, l’étude des restes humains qui y ont été découverts a montré que, parallèlement à l’évolution de l’industrie, les Hommes de Columnata tout en étant incontestablement rattachés au type de Mechta-Afalou, présentent des caractéristiques d’évolution et de gracilisation que justifie leur ancienneté moins grande que celle des vrais Ibéromaurusiens.
27Sur un total de 116 sujets, 48 adultes et 68 enfants et adolescents ont été dénombrés. Une mortalité précoce des premiers a été notée, sans différenciation sexuelle particulière. Chez les seconds, la mortalité infantile (jusqu’à un an) était très élevée et comparable à celle qui a été reconnue dans le gisement ibéromaurusien de Taforalt (Maroc).
28Les caractères crâniens des Hommes de Columnata sont dans leurs grandes lignes ceux des Hommes ibéromaurusiens du type de Mechta-Afalou, définis essentiellement par une robustesse générale, une forte épaisseur des parois crâniennes, une vaste capacité cérébrale, de grandes dimensions, une tendance à la mésocéphalie, des arcades sus-orbitaires saillantes et réunies en un bourrelet médian, une face large et basse, une mandibule de grandes dimensions mais non massive, au corps très divergent avec projection latérale des gonions, un menton accusé, une denture d’un gabarit supérieur à celui des Blancs actuels et atteinte de lésions pathologiques nombreuses, une mutilation alvéolo-dentaire consistant en l’ablation des incisives. Leur stature était assez élevée, leurs jambes et leurs avant-bras de longueur moyenne, leurs épaules et leur bassin moyennement larges. Le dimorphisme sexuel était en outre accentué.
29La comparaison entre les Hommes de Columnata et d’autres Hommes ibéromaurusiens plus anciens du type de Mechta-Afalou provenant essentiellement des gisements d’Afalou et Taforalt révèle néanmoins des différences nombreuses portant à la fois sur les dimensions et la morphologie crâniennes et corporelles ainsi que sur des faits d’ordre pathologique et ethnographique. Ce sont principalement chez les Hommes de Columnata une moindre robustesse générale, des dimensions du crâne et des os longs moins élevées, une tendance plus marquée à la méso-brachycéphalie, des reliefs osseux moins développés, une denture moins volumineuse, caractéristiques qui dénotent une gracilisation par rapport aux restes ibéromaurusiens plus anciens. En outre, l’usure des dents moins précoce et moins intense, la moindre gravité des lésions carieuses, pourraient indiquer des modifications dans l’articulé dentaire ou dans le mode d’alimentation. Enfin l’extension aux deux maxillaires et aux huit incisives de la mutilation dentaire chez les Hommes de Columnata indiquerait des contacts avec leur contemporains capsiens de l’est de l’Algérie chez qui ce mode d’avulsion était couramment pratiqué.
Homme n° 10 de la nécropole de Columnata (Photo A. Bozon)
Homme n° 22 de la nécropole de Columnata (Photo A. Bozon)
30La comparaison des caractères morphologiques entre les hommes des trois gisements montre que l’unicité du type de Mechta-Afalou était loin d’être parfaite. Ces constatations indiquent la probabilité d’une évolution indépendante de petits groupes d’Hommes ibéromaurusiens à partir d’un type originel commun, à laquelle s’ajoute une évolution diachronique vers la gracilisation pour quelques-uns d’entre eux. Des constations analogues ont été faites sur d’autres hommes de ce type « mechtoïde atténué » qui présentent aussi de signes de gracilisation et d’évolution. Cependant ces mechtoïdes ne semblent pas pouvoir être considérés comme formant un type homogène. Certains de leurs traits souvent fort différents montrent qu’ils ont dû évoluer indépendamment.
31Cette atténuation des traits dans la série de Columnata ne paraît pas due à un mélange avec d’autres éléments raciaux moins robustes que le type de Mechta-Afalou. Les hommes de type protoméditerranéen qui vivaient à la même époque et qui ont été recueillis dans les gisements capsiens d’Afrique du Nord ont une morphologie très différente, en outre leurs dimensions crâniennes et leur volume dentaire sont plus élevés que ceux des Hommes de Columnata.
32Avec la série de Columnata on a un exemple typique d’un processus de microévolution sur place – gracilisation alliée à une brachycéphalisation – d’un type morphologique dont les caractères sont suffisamment spécifiques pour que l’hypothèse d’un changement par substitution d’éléments étrangers ne puisse être retenue.
33Des restes fragmentaires ont été découverts également à Columnata dans un niveau supérieur néolithique. Ils appartiennent à un homme de type différent de l’ensemble de la série et qui semble s’apparenter au type protoméditerranéen des gisements capsiens.
Paléopathologie (J. Dastugue)
34Les pièces pathologiques du gisement épipaléolithique de Columnata ne sont pas très nombreuses mais certaines sont d’un intérêt très grand. Toutes les rubriques étiologiques ne sont pas représentées et, en particulier, on ne relève aucune séquelle de maladie inflammatoire ou de néoplasie.
Maladies Congénitales et de Croissance
35Un seul sujet présente une affection congénitale qui frappe son rachis en deux points :
- A l’étage cervical existe un « bloc » bivertébral unissant C.5 et C.6. Le caractère congénital est attesté par la conservation de la morphologie de chaque vertèbre ainsi que par sa position normale sans bascule ni déviation. Quelques productions ostéophytiques des vertèbres sus et sous-jacentes traduisent une spondylose légère consécutive à la malformation.
- A l’extrémité inférieure, il y a fusion de la première pièce coccygienne avec la pointe du sacrum.
- A l’étage cervical existe un « bloc » bivertébral unissant C.5 et C.6. Le caractère congénital est attesté par la conservation de la morphologie de chaque vertèbre ainsi que par sa position normale sans bascule ni déviation. Quelques productions ostéophytiques des vertèbres sus et sous-jacentes traduisent une spondylose légère consécutive à la malformation.
- A l’extrémité inférieure, il y a fusion de la première pièce coccygienne avec la pointe du sacrum.
Traumatismes
Fractures
36Elles sont rares puisqu’on n’en relève que cinq sur quarante-huit sujets adultes, aucune sur les soixante-huit enfants ou adolescents. Trois cas sont à la fois banaux et bénins : une fracture de deux côtes adjacentes, consolidée ; un enfoncement léger de la tête radiale ; une fracture de la phalangette du gros orteil. Par contre, deux sujets avaient une atteinte grave :
- Le premier cas est une fracture du crâne de peu d’étendue, située dans la fosse temporale gauche. L’existence d’une berge en biseau et d’une zone soulevée fait penser à une blessure par un agent tranchant. Un petit bourgeonnement sur un bord de l’orifice signe au moins un début de réparation.
- Le deuxième cas est une véritable dislocation du bassin probablement consécutive à un écrasement vertical du sujet. L’éclatement du cotyle gauche a expulsé la tête fémorale et le sacrum, télescopé longitudinalement, est réduit au tiers de sa hauteur normale. Il existe en outre des lésions de la colonne lombaire. L’ensemble des traits de fracture est consolidé et la tête fémorale expulsée s’est même soudée au sourcil cotyloidien. L’existence de ces cas témoigne de la survie du sujet (une femme) malgré l’importance de la fracture et les lésions associées. En effet, on peut, par l’état du sacrum, être certain d’une totale paralysie du plexus sacré, donc des deux membres inférieurs. Un pied a d’ailleurs pu être reconstitué et s’est révélé déformé. En outre, il y avait obligatoirement des troubles sphinctériens et presque certainement des lésions trophiques (escarres). La survie de la blessée dans de pareilles conditions suppose une assistance totale de la part de son entourage.
- Le premier cas est une fracture du crâne de peu d’étendue, située dans la fosse temporale gauche. L’existence d’une berge en biseau et d’une zone soulevée fait penser à une blessure par un agent tranchant. Un petit bourgeonnement sur un bord de l’orifice signe au moins un début de réparation.
- Le deuxième cas est une véritable dislocation du bassin probablement consécutive à un écrasement vertical du sujet. L’éclatement du cotyle gauche a expulsé la tête fémorale et le sacrum, télescopé longitudinalement, est réduit au tiers de sa hauteur normale. Il existe en outre des lésions de la colonne lombaire. L’ensemble des traits de fracture est consolidé et la tête fémorale expulsée s’est même soudée au sourcil cotyloidien. L’existence de ces cas témoigne de la survie du sujet (une femme) malgré l’importance de la fracture et les lésions associées. En effet, on peut, par l’état du sacrum, être certain d’une totale paralysie du plexus sacré, donc des deux membres inférieurs. Un pied a d’ailleurs pu être reconstitué et s’est révélé déformé. En outre, il y avait obligatoirement des troubles sphinctériens et presque certainement des lésions trophiques (escarres). La survie de la blessée dans de pareilles conditions suppose une assistance totale de la part de son entourage.
Autres blessures
37Il y en a une seule. C’est une blessure par pointe de silex fichée sur la face antérieure de l’apophyse costoïde de la première vertèbre lombaire, à gauche. L’absence de réaction ostéo-périostique semble indiquer une mort rapide de la victime. D’ailleurs, l’orientation de la pointe montre que l’arme (y compris la hampe) a dû traverser obliquement le flanc gauche et y provoquer les lésions péritonéo-viscérales et vasculaires d’une gravité telle que toute survie a dû être impossible.
Lamelle en silex (armature de flèche) fichée dans l’apophyse d’une vertèbre dorsale de la femme H 33 de Columnata (Photo G. Camps)
Autres affections
38L’absence d’arthropathies chroniques et la rareté des lésions spondylosiques distingue nettement Columnata du gisement épipaléolithique de Taforalt (Maroc oriental) et traduit probablement un mode de vie moins sédentaire. Un seul sujet présente des stigmates de spondylose lombaire sérieux ; encore s’agit-il de celui qui est atteint de soudures congénitales.
39Par ailleurs, il faut noter l’existence de deux « hallux valgus », affection non exceptionnelle chez les Préhistoriques.
Les os humains transformés (H. Camps-Fabrer)
40L’utilisation d’ossements humains et leur transformation en outils ou objets cultuels est une pratique qui paraît naître au Capsien et au Columnatien. Cette pratique subsista quelques temps au Néolithique mais resta limitée, semble-t-il au seul Néolithique de tradition capsienne.
41La région de Tiaret a livré, à Columnata, plusieurs documents intéressants, mais ils appartiennent non pas au Capsien supérieur, plus tardif ici, mais au Columnatien qui est contemporain des phases inférieure et moyenne du Capsien supérieur des régions orientales. Il s’agit d’une mandibule humaine dont les branches montantes ont été sciées et polies, un humérus, un radius et un cubitus sciés, appartenant au même sujet. De l’humérus et du cubitus il ne reste que les extrémités voisines du coude : on avait donc prélevé sur ces os les diaphyses dans l’intention manifeste de les débiter pour en faire des instruments. C’est précisément la diaphyse, sciée aux deux extrémités, qui subsiste du radius. Le même gisement livra également une pendeloque prélevée dans un pariétal humain.
Os humains transformés de Columnata : radius, cubitus et humérus sciés et pendeloque découpée dans un os crânien (Photo M. Bovis et P. Cadenat)
Mandibule humaine sciée de Columnata (Photo M. Bovis)
42De ces différents ossements transformés par les Capsiens ou les Columnatiens, nous devons faire deux lots. Le premier ne nous retiendra guère : les os longs du membre antérieur ou du membre inférieur ont été traités comme des os d’animaux. Quand ils étaient sectionnés comme à Columnata, les diaphyses étaient conservées en raison de leur rectitude qui permettait la fabrication d’outils longs et robustes. La même qualité explique le choix d’un péroné pour tailler un poignard dont la pointe fut aménagée au dépens de la partie distale (Mechta el-Arbi). Dans ces cas l’os humain est donc traité comme une matière première animale, mais il est vraisemblable que le choix d’os humain était également guidé par des soucis d’efficience magique.
43L’autre série est constituée d’os crâniens. La pièce la plus intéressante est le crâne-trophée de Faïd Souar* qui comporte la face avec la mandibule et le tiers antérieur de la boîte crânienne qui a été sciée au niveau des bosses pariétales. L’occlusion de la mandibule et des maxillaires était assurée soit par un simple lien soit par un revêtement plus complexe de poix, de cire ou d’argile si les os servaient de support à un visage modelé. Cette pratique est connue en Syrie et Palestine. Les crânes plâtrés du Néolithique précéramique de Jéricho et de Tell Ramad datent des VIIe et VIe millénaires, et sont donc contemporains des crânes découpés capsiens. La mandibule sciée de Columnata pouvait appartenir à un montage semblable à celui de Faïd Souar II.
La céramique néolithique (H. Camps-Fabrer)
44La partie supérieure du gisement a livré des tessons céramiques dont certains portent des décors. Mais leurs dimensions relativement restreintes ne permettent pas de définir les formes de cette céramique. En revanche, l’examen très minutieux des zones de fracture a permis à G. Aumassip d’étudier les dégraissants et de reconnaître l’usage prépondérant du quartz (80 %). Viennent ensuite le calcaire (50 %) et la chamotte (25 %) qui apparaît sous forme d’amas microbréchiques sans solution de continuité avec leur entourage ; la couleur, parfois identique de la chamotte avec celle du reste de la pâte rend encore plus difficile la reconnaissance de ce dégraissant qui est souvent passé inaperçu.
45Les rebords et les fonds coniques, généralement bien conservés, parce que moins vulnérables, en raison de leur plus forte épaisseur sont comparables à ceux du littoral oranais ; toutefois, les surfaces sont généralement plus soignées, comme l’atteste le polissage de certains tessons qui n’est pas sans rappeler les techniques de la céramique néolithique saharienne.
46Mais, plus riches encore d’enseignement, apparaissent l’analyse des décors et l’étude de leur composition qui permettent de reconnaître quelques influences méridionales qui ne font pas oublier les grandes affinités de cette céramique avec celle du littoral oranais (Néolithique méditerranéen).
47Si l’on compare les décors de Columnata à ceux du Néolithique oranais, on peut faire les constatations suivantes :
1. Les bourrelets décorés de coups d’estèques ou d’impressions diverses (demi-cercles et lunules surtout) sont plus nombreux et doivent être mis en relation avec la plus grande rareté des éléments de préhension.
2. Les incisions sont moins fréquentes et remplacées par des cannelures et surtout des coups d’estèques, courts, atteignant rarement 1 cm de longueur.
3. Les motifs impressionnés sont plus nombreux et variés : chevrons incomplets constitués de coups d’estèques différemment inclinés, quadrillages plus serrés que sur le littoral, impressions allongées légèrement plus renflées au centre peut-être obtenues avec un instrument en os ou en bois de section ovale, un sillon d’impression exécuté à l’aide d’une baguette quadrangulaire, ponctuations et impressions de tige creuse déjà connus sur le littoral. En revanche, quatre tessons sont décorés à l’aide d’un peigne ; ce qui atteste une influence méridionale indéniable lorsqu’on évoque l’usage généralisé du peigne au Sahara et qui apparaît déjà dans toute la zone occidentale du Néolithique de tradition capsienne, alors qu’il est inconnu sur le littoral oranais. Quoique n’appartenant pas au gisement de Columnata, un motif obtenu par impression pivotante, d’origine méridionale ou cardiale, est à signaler dans le gisement de la Vigne Serrerò (région de Tiaret).
1. Les bourrelets décorés de coups d’estèques ou d’impressions diverses (demi-cercles et lunules surtout) sont plus nombreux et doivent être mis en relation avec la plus grande rareté des éléments de préhension.
2. Les incisions sont moins fréquentes et remplacées par des cannelures et surtout des coups d’estèques, courts, atteignant rarement 1 cm de longueur.
3. Les motifs impressionnés sont plus nombreux et variés : chevrons incomplets constitués de coups d’estèques différemment inclinés, quadrillages plus serrés que sur le littoral, impressions allongées légèrement plus renflées au centre peut-être obtenues avec un instrument en os ou en bois de section ovale, un sillon d’impression exécuté à l’aide d’une baguette quadrangulaire, ponctuations et impressions de tige creuse déjà connus sur le littoral. En revanche, quatre tessons sont décorés à l’aide d’un peigne ; ce qui atteste une influence méridionale indéniable lorsqu’on évoque l’usage généralisé du peigne au Sahara et qui apparaît déjà dans toute la zone occidentale du Néolithique de tradition capsienne, alors qu’il est inconnu sur le littoral oranais. Quoique n’appartenant pas au gisement de Columnata, un motif obtenu par impression pivotante, d’origine méridionale ou cardiale, est à signaler dans le gisement de la Vigne Serrerò (région de Tiaret).
48Ainsi, l’enrichissement des décors impressionnés qui prévalent sur les décors incisés, la bonne qualité de la pâte et l’apparition de certains motifs ignorés dans le Tell permettent de déceler des influences sahariennes.
Tessons néolithiques de Columnata (Photo A. Bozom)
49Mais le fond conique des vases et la composition des motifs permettent, en revanche, de rattacher la céramique de Columnata à celle du littoral oranais : on y retrouve la même localisation des décors dans la partie supérieure de la poterie, la même répartition des motifs en bandes, galons qui ceinturent la panse, la même disposition des quadrillages et – ce qui est moins banal – la tendance à l’élaboration de motifs verticaux de triangles et de chevrons emboîtés faits de la jonction de cannelures et de hachures.
50La céramique de Columnata issue d’un jeu complexe d’influences venues du Nord et des régions méridionales s’explique par la position géographique de cette région charnière du Tell méridional.
La hache de bronze (P. Cadenat)
51Une très belle pièce a été recueillie en novembre 1956, à proximité des ruines de Columnata. Un labour profond l’avait remontée à la surface d’un champ que limite le ravineau appelé Chobet Zeflah (carte au 1/ 50 000e feuille 187, Waldeck-Rousseau, x = 393,2-y = 240,8).
52C’est une hache de petite dimension, plate, subtrapézoïdale à tranchant élargi et légèrement arrondi. Elle est revêtue d’une patine vert brun foncé avec des boursouflures dues à son long séjour dans la terre. Mais il ne semble pas que l’altération ait attaqué le métal en profondeur.
53Au moment de sa découverte elle pesait 98 grammes et mesurait :. longueur absolue 103 mm, largeur au tranchant 48 mm, au talon 22 mm, épaisseur maximum 5 mm. D’après l’analyse chimique l’alliage contient :
cuivre.................91,80 %
étain.................. 7,60 %
fer.................... 0,10 %
antimoine.............. 0,02 %
pertes et indosés......... 0,48 %
cuivre.................91,80 %
étain.................. 7,60 %
fer.................... 0,10 %
antimoine.............. 0,02 %
pertes et indosés......... 0,48 %
54La teneur en étain la rapproche de bijoux trouvés dans la nécropole de Gastel*. Par sa forme elle est identique à la hache de Kharrouba près de Mostaganem mais elle ne peut être comparée aux quatre autres haches précédemment connues en Algérie, soit que ces dernières appartiennent à un autre type (St Eugène, Musée d’Alger), soit qu’elles n’aient pas été décrites ou qu’elles soient perdues (Cherchel, Lamoricière). En revanche elle est presque identique à celle trouvée à Kharrouba (Mostaganem) actuellement au Musée de Figeac. Elle s’apparente aussi à deux haches du Maroc (Oued Akrech et Musée de Tétouan), mais sa forme est plus harmonieuse.
Hache de bronze de Columnata
55Une origine ibérique paraît la plus vraisemblable : elle se rattache en effet à la phase ancienne de la civilisation d’El Argar.
56Ce document exceptionnel et d’autres non moins rares trouvés aux environs de Tiaret, notamment une pointe à la « Vigne Serrerò », un poinçon à la « Vigne Boubay », témoignent de l’existence d’un Age du Bronze au Maghreb central.
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