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4/25/2020

Patrimoine archéologique : Sites en péril Des gravures rupestres de plus de 5.000 ans

Patrimoine archéologique : Sites en péril

Des gravures rupestres de plus de 5.000 ans
Le constat est amer : bon nombre de nos sites historiques et préhistoriques, classés ou en voie de l’être, paradoxalement épargnés par l'érosion du temps, ne sont malheureusement pas suffisamment protégés de la main prédatrice de l’homme, dans la mesure où, pour certains d'entre eux, ils ne sont même pas ceinturés par de solides clôtures de protection.
Le problème n'est pas nouveau. Déjà dès la fin des années 1970, des universitaires, des historiens et des chercheurs nationaux s'intéressaient de près au patrimoine archéologique national : c'est aussi l'époque des grands chantiers de fouilles entrepris çà et là à travers notre vaste territoire, particulièrement dans des régions, au demeurant nombreuses aussi, à forte densité en vestiges historiques et préhistoriques. Devant cet engouement et, à contrario, devant les dégâts et préjudices entre temps causés à nos sites, surtout par la main de l'homme, le phénomène s'est amplifié depuis quelque temps, et aussi bien les archéologues professionnels que les préhistoriens s'inquiètent désormais de la multiplication de ces actes de dégradation.
Ce qui les rend d'autant plus facilement accessibles à n'importe quel quidam. Certes, il est toujours bon de savoir qu'on peut y accéder et les visiter à sa guise. Mais cette accessibilité est une «arme à double tranchant» en raison précisément de la facilité qu'elle permet à n'importe quel individu de porter atteinte à des pans on ne peut plus sensibles -et donc vulnérables- du patrimoine culturel et historique algérien. Pour tout dire, à des pans entiers de l'identité multimillénaire de son peuple. Le drame, c'est que cette accessibilité on ne peut plus «néfaste» pour la sauvegarde de notre patrimoine archéologique concerne également des vestiges beaucoup plus éloignés ou qui sont censés l'être. D'où cette lancinante interrogation : pourquoi ?
D'abord parce que notre pays n'est pas seulement riche de ces vestiges-là. Car quelque soit l'endroit du territoire national, il en regorge. Il suffit en effet -et pour reprendre l'expression consacrée-, de «creuser un tant soit peu» et hop ! C'est un ou plusieurs pans jusque-là enfouis de l'histoire de l'Algérie -deuxième berceau de l’humanité après l’Ethiopie- qui resurgissent. À telle enseigne, d'ailleurs, que le territoire aura mérité le qualificatif de «livre ouvert», non seulement eu égard à notre propre histoire en tant qu'Algériens, mais aussi à toute l'histoire de l'humanité depuis la nuit des temps. Ensuite parce que l'Algérie est, pour reprendre l'expression de feu Mohamed-Salah Mentouri, ancien ministre du Tourisme, «une terre où l'on retrouve tous les âges de la Terre».

Des gravures rupestres de plus de 5.000 ans 

Toujours est-il que, pour ceux qui veulent en savoir davantage sur la «carte archéologique» de notre pays, les documents concernant nos sites existent bel et bien et il suffit de s'adresser à bonne enseigne pour se les procurer. À ce titre, de nombreux documents indiquent précisément les lieux chargés d'histoire, voire de préhistoire : dans les musées, dans les ouvrages anciens, archives, forums internet, accessoirement dans la presse spécialisée quand elle existe. La «carte archéologique» de notre pays renferme ainsi une foultitude d'informations sur les sites historiques et archéologiques de notre pays. Mais ces mêmes documents n'indiquent malheureusement pas -ou pas assez- les sites qui ont subi des dégradations, notamment les plus récentes, afin que les potentiels visiteurs avisés sachent ce qu'ils ont le droit de faire ou pas. Il s'agit donc d'un problème de manque d'information et là, la structure en charge de ces sites se doit d'agir en ce sens. Car si certains visiteurs sont de mauvaise foi, la plupart d'entre eux ne connaissent pas bien le sujet et peuvent, par pure inadvertance, dégrader sans en avoir l'intention.
Prenons seulement pour exemple le site renfermant les gravures rupestres de zaouïa Tahtania, éloignées de 18 kilomètres au sud de la localité de Taghit, dans la région de Béchar.
À priori, rien n'indique que ce site renferme des gravures qui datent de plus de 5.000 ans. Eh bien, il faut pourtant savoir que non seulement ces précieux témoins de l'ère néolithique dans notre pays existent et se trouvent à portée de main, sans protection aucune, mais qu'elles ont forcément subi, conséquence prévisible, des dégradations à la limite du réparable et pour cause : elles ont été souillées à la peinture et/ou avec une intervention directe sur la roche. Ce qui est d'autant plus regrettable que des esprits criminels ont ainsi «gravé» à coté ou carrément sur les gravures, dénaturant irréversiblement des dessins qui remontent pourtant à l'ère néolithique, pour ne pas dire à l'aube de l'humanité.
Sous d'autres cieux de tels actes criminels auraient été qualifiés comme tels par les pouvoirs publics concernés et leurs auteurs auraient écopé des lourdes peines d'emprisonnement prévues par leur législation.
Chez nous, et nonobstant le devoir d'appliquer la législation en vigueur, il y aurait lieu de (re)mettre au moins en route une campagne de sensibilisation auprès des élus locaux, de la Gendarmerie nationale et de la population, notamment par les biais des canaux télévisuels. Il faudrait, en ce sens, (re)expliquer pourquoi ces déprédations sont préjudiciables à plusieurs titres au pays. Et que cela nécessite davantage de contrôle plus strict et de poursuites, voire une interdiction pure et simple de visites tant que les sites en question ne sont pas encore suffisamment sécurisés. Cela dit, restent les archéologues, les historiens et leurs inquiétudes. Car ces catégories de scientifiques savent pertinemment qu'il s'agit là d'un patrimoine rare et fragile. Ce qui n'est malheureusement pas le cas dans l'esprit du tout-venant.
Kamel Bouslama


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