Les passionnés de poésie melhoun connaissent plus que d’autres le secret de la présence des chiffres et des lettres séparées dans les œuvres poétiques, que leurs auteurs utilisent soit pour signer leurs poèmes soit pour les dater.
Un procédé herméneutique très courant que ces aèdes usent pour coder leurs poèmes et les rendre mystérieux aux yeux des profanes, mais c’est surtout pour tirer avantage de la valeur mystique de chaque lettre utilisée sachant qu’elle mène à une science ésotérique ayant pour but la connaissance de la sagesse divine connue par le vocable de théosophie.
Appelée isopséphie (hissab el jumâl) ou guématria, la science des lettres que les Arabes nomment ‘ilm al-hurûf ou al-simîya, cette discipline a eu de nombreux partisans comme Muhieddine ibn Arabi (1165-1240) qui dans son œuvre ayant pour titre «Nûn» dit : «Sache que les lettres sont une communauté parmi d’autres.» C’était pour dire que «la lettre est une entité existentielle». Un autre autre savant, Ahmad Abu al-'Abbas ibn 'Ali Al-Bûni (mort en 1225), s’est longuement étalé sur le sens caché des lettres dans son livre Shams al-Maarif wa Lata’if al-‘Awarif (Le livre du soleil de la gnose et les subtilités des choses élevées).
Dans le même sillage, l’on cite également l’autre soufi et non moins savantissime qu’est Sahl ibn ‘Abd Allâh al-Tustârî (818-896), lequel s’est rendu célèbre grâce à son ouvrage intitulé «Rissâlat al-hurûf» (Epître sur les lettres) où il entre de plain-pied dans le monde secret de la fonction sacrale des lettres et leur translation numérique.
Et c’est pour cette raison que le poète Sidi Lakhdar Benkhelouf, un grand érudit en la matière, écrit dans sa qacida Ya mahal el-djûdi (Ô toi le substrat de la générosité) : «Dh’Al-hrûf adj’alhûm bina mhawta»(Fasse que ces lettres nous soient entourées). Lui, qui excellait dans la science d’al-jafr ou la divination, savait parfaitement le rôle que jouent les lettres pour celui qui connaît leur valeur.
Toutefois, ce qui nous intéresse dans cette science, c’est son utilisation dans la poésie melhoun. En effet, les poètes signent et datent leurs œuvres par ce procédé en puisant dans le djedwel, appelé hissâb el jumâl, les valeurs numériques des vingt-huit lettres de l’alphabet arabe.
Cette manière de faire est appelée la réduction des lettres en chiffres. Pour l’exemple, citons le poète Bouazza qui va signer son œuvre El Kawi par ce ver : «Enbeyenne esmî fi hrûf Abadjed ya men sghâ quwâli, zoudj ou seb’îne zid seb’â lel esm kmalû.» (Je dévoile mon nom dans les lettres abadjed ô toi qui écoute mes paroles, deux plus soixante-dix ajoutes-en sept tu auras le nom complet).
En réalité, le chiffre deux représente la lettre ba’, soixante-dix équivaut à la lettre ‘ayn alors que le chiffre sept c’est la lettre zeyn ce qui donne Bouazza. Il convient de signaler que les accents toniques, qu’on appelle el med dans la grammaire arabe sont ignorés dans la poésie melhoun.
Un autre exemple usité fréquemment par les poètes est la représentation de la 14e nuit lorsque la lune atteint sa plénitude.
Elle est ainsi appelée el badr wahi car le waw équivaut à six et le ha’ à huit. En sommant les deux chiffres, nous obtenons le nombre quatorze. Dans ce cas précis, le poète Mohamed Benali Ould Erzine cite cet exemple dans sa qacida intitulée «El Jamous» où il dit : «Qard eywennes khir men el badr wahi.» (Un singe te tient compagnie mieux que la pleine lune). Le même procédé est utilisé pour la datation des œuvres poétiques dont nous citons l’exemple contenu dans le poème intitulé «El Bouraqiya» du poète El Mekki Ayoub où il dit : «Bem’ânî welfadh râyqa djemrach fettarikh ‘âmha.»(Avec des allusions et des mots de haute facture, Djemrach est la date de son année). Ainsi, djim = 3, mim = 40, ra = 200 et shine = 1000.
La somme donne l’année 1243 de l’Hégire, l’équivalent de 1827 de l’ère chrétienne.
Ce ne sont là que quelques exemples pour illustrer la façon de faire des poètes du melhoun qui font régulièrement usage de l’isopséphie ou hissab el jumâl dans leurs œuvres et prouver ainsi leur génie dans la science ésotérique, qu’ils manient parfaitement, d’autant qu’un grand nombre parmi eux sont des fouqaha ou des soufis ayant atteint des niveaux spirituels très élevés.
M. Belarbi
Un procédé herméneutique très courant que ces aèdes usent pour coder leurs poèmes et les rendre mystérieux aux yeux des profanes, mais c’est surtout pour tirer avantage de la valeur mystique de chaque lettre utilisée sachant qu’elle mène à une science ésotérique ayant pour but la connaissance de la sagesse divine connue par le vocable de théosophie.
Appelée isopséphie (hissab el jumâl) ou guématria, la science des lettres que les Arabes nomment ‘ilm al-hurûf ou al-simîya, cette discipline a eu de nombreux partisans comme Muhieddine ibn Arabi (1165-1240) qui dans son œuvre ayant pour titre «Nûn» dit : «Sache que les lettres sont une communauté parmi d’autres.» C’était pour dire que «la lettre est une entité existentielle». Un autre autre savant, Ahmad Abu al-'Abbas ibn 'Ali Al-Bûni (mort en 1225), s’est longuement étalé sur le sens caché des lettres dans son livre Shams al-Maarif wa Lata’if al-‘Awarif (Le livre du soleil de la gnose et les subtilités des choses élevées).
Dans le même sillage, l’on cite également l’autre soufi et non moins savantissime qu’est Sahl ibn ‘Abd Allâh al-Tustârî (818-896), lequel s’est rendu célèbre grâce à son ouvrage intitulé «Rissâlat al-hurûf» (Epître sur les lettres) où il entre de plain-pied dans le monde secret de la fonction sacrale des lettres et leur translation numérique.
Et c’est pour cette raison que le poète Sidi Lakhdar Benkhelouf, un grand érudit en la matière, écrit dans sa qacida Ya mahal el-djûdi (Ô toi le substrat de la générosité) : «Dh’Al-hrûf adj’alhûm bina mhawta»(Fasse que ces lettres nous soient entourées). Lui, qui excellait dans la science d’al-jafr ou la divination, savait parfaitement le rôle que jouent les lettres pour celui qui connaît leur valeur.
Toutefois, ce qui nous intéresse dans cette science, c’est son utilisation dans la poésie melhoun. En effet, les poètes signent et datent leurs œuvres par ce procédé en puisant dans le djedwel, appelé hissâb el jumâl, les valeurs numériques des vingt-huit lettres de l’alphabet arabe.
Cette manière de faire est appelée la réduction des lettres en chiffres. Pour l’exemple, citons le poète Bouazza qui va signer son œuvre El Kawi par ce ver : «Enbeyenne esmî fi hrûf Abadjed ya men sghâ quwâli, zoudj ou seb’îne zid seb’â lel esm kmalû.» (Je dévoile mon nom dans les lettres abadjed ô toi qui écoute mes paroles, deux plus soixante-dix ajoutes-en sept tu auras le nom complet).
En réalité, le chiffre deux représente la lettre ba’, soixante-dix équivaut à la lettre ‘ayn alors que le chiffre sept c’est la lettre zeyn ce qui donne Bouazza. Il convient de signaler que les accents toniques, qu’on appelle el med dans la grammaire arabe sont ignorés dans la poésie melhoun.
Un autre exemple usité fréquemment par les poètes est la représentation de la 14e nuit lorsque la lune atteint sa plénitude.
Elle est ainsi appelée el badr wahi car le waw équivaut à six et le ha’ à huit. En sommant les deux chiffres, nous obtenons le nombre quatorze. Dans ce cas précis, le poète Mohamed Benali Ould Erzine cite cet exemple dans sa qacida intitulée «El Jamous» où il dit : «Qard eywennes khir men el badr wahi.» (Un singe te tient compagnie mieux que la pleine lune). Le même procédé est utilisé pour la datation des œuvres poétiques dont nous citons l’exemple contenu dans le poème intitulé «El Bouraqiya» du poète El Mekki Ayoub où il dit : «Bem’ânî welfadh râyqa djemrach fettarikh ‘âmha.»(Avec des allusions et des mots de haute facture, Djemrach est la date de son année). Ainsi, djim = 3, mim = 40, ra = 200 et shine = 1000.
La somme donne l’année 1243 de l’Hégire, l’équivalent de 1827 de l’ère chrétienne.
Ce ne sont là que quelques exemples pour illustrer la façon de faire des poètes du melhoun qui font régulièrement usage de l’isopséphie ou hissab el jumâl dans leurs œuvres et prouver ainsi leur génie dans la science ésotérique, qu’ils manient parfaitement, d’autant qu’un grand nombre parmi eux sont des fouqaha ou des soufis ayant atteint des niveaux spirituels très élevés.
M. Belarbi
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