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5/17/2018

PATRIMOINE HISTORIQUE : Les lieux dits du paysage urbain oranais


Dans le parler oranais, les noms ont une importance pour comprendre l’histoire de la ville et de ses habitants, ses repères, la structure sociale avec sa composante hiérarchisée

Parfois dans les contes que se transmettaient les générations, l’on peut deviner le vécu des populations durant les périodes de conquête des différentes dynasties qui ont présidé aux destinées de cette ville en proie à toutes les convoitises. Dans un mémoire intitulé « Espace et structure sociale  à Oran de 1792 à 1831 », le champ toponymique urbain des lieux-dits à travers l’analyse du processus de formation historique du paysage urbain de la ville d’Oran, le chercheur universitaire, Docteur Saddek Benkada évoque ce segment de la société oranaise.
Derb Li-Houd : Le quartier israélite qui regroupait la communauté  juive avant  1962 est situé sur le plateau de l’actuelle place du 1er Novembre 1954 (ex Place d’Armes). Cependant, c’est le premier quartier édifié par le Bey  Mohamed El-Kebir  après la libération d’Oran de l’occupation espagnole en 1792 et le tremblement de terre qui a ravagé  la cité en 1790. ED-DAR : la Grande maison : L’identité du « Dar » se manifeste par le nom protecteur du chef de lignage, auquel chacun des membres de la communauté se référera chaque fois qu’il lui faudra  se faire connaitre. Ainsi on trouve parmi les familles oranaises Dar Mohiédine, Dar Bachtarzi, Dar Boungab, Dar Hadj Hassan, Dar Caïd Omar. Le « «DAR » peut être aussi urbain que rural. Ainsi, on trouve dans la plaine des « M’lata », l’arrière pays d’Oran, Dar El-Mazari, Dar Ould-Cadi, Dar Bensmaïl. Souvent « Dar» est désigné par une particularité, comme par exemple cette fameuse  « «Dar El-A’rich » (Maison de la Treille) où en 1828, le Bey Hassan, fit emprisonner Hadj Mohieddine et son fils Abdelkader, qui sera plus  tard proclamé Emir pour diriger le combat de résistance contre les armées de la puissance coloniale française.
LA BLANSSA : (El-Blanssa), déformation  du mot espagnol  « Plaza » qui veut dire place pour désigner le centre de l’ancienne ville de Sidi El-Houari.
KOUDIAT EL-KHIAR : c’est un endroit situé au sud d’Oran, où fut tué, en 1686, le Bey Chaabane, lors d’une bataille qu’il livra contre la garnison espagnole.
DJEBEL MURDJADJO : C’est toute la montagne qui domine à l’est, la ville d’Oran.
DJEBEL HAÏDOUR : Il indique  le nom de Sidi Haïdour, un Saint théologien qui aurait vécu au 3ème siècle  de l’hégire en ermite dans une grotte dans le massif du Murdjajo.
DJEBEL EL-MEIDA : C’est la partie  de la montagne du Murdjadjo séparée du Djebel Haïdour, c’est-à-dire la partie dorsale de la montagne.
MEK’AD EL-BEY : c’est  le  campement (Bivouac) du bey situé sur El-Meida d’où le Bey Mohamed  El- Kebir ripostait  avec son artillerie contre le siège du fort de Santa de Santa Cruz.
DHAYAT MOULAY ISMAÏL : Elle se trouve prés de la forêt du même nom, au Sud-est d’Oran, en souvenir de Moulay Ismaïl qui a tenté en 1562 de délivrer Oran assiégée par les soldats de la garnison espagnole.
BORDJ EL-MARSA (Port de Mers-El Kebir) : Il a été édifié en 1347 par Abou Al-Hassan le Mérinide. Le fort ceinturait la ville. Cette place forte a été fortifiée et transformée par la garnison espagnole durant les deux périodes d’occupation. Oran était une ville très fortifiée pour la défendre et protéger des assaillants qui l’ont convoitée durant les siècles passés. Ainsi, il existe de nos jours le Fort de Santa Cruz (Djebel Murdjadjo). En 1708, le  Fort de Saint Phillipe s’appelait Bordj El-Djedid, et en 1792, Bordj Beni-Zeroual. Dans l’architecture militaire espagnole, Oran était le « présidio » le plus fortifié du bassin méditerranéen. L’on peut recenser le FORT  SAINT ANDRE : Bordj El-H’did, FORT St GREGOIRE : Bordj El-Hassa, FORT St-FERDINAND : Bordj Ras El-Aïn,  FORT St MICHEL : Bordj El-Francis, LUNETTE DE St-LOUIS : Bordj El-Hamra,  FORT LAMOUNE / Bordj El-Houdi.
Voici, par ailleurs, ce qu’a écrit, durant son séjour à Oran, en 1925, F.A Ossendowski, romancier et reporter polonais : « Oran, comme toute les villes occidentales, a son Boulevard National, sa Place d’Armes et sa Place de la République ainsi que sa Promenade de LETANG, Cet immense parc de végétaux de différentes essences. Il est d’une beauté incomparable et très pittoresque avec ses terrasses et son Château Neuf, dont les vieux remparts abritaient  jadis les palais des gouverneurs militaires espagnols et des beys Turcs.
Ce site possède de magnifiques figuiers et des magnolias aux branches tordues, des pins, des platanes, des palmiers  et d’admirables parterres  de fleurs rares aux couleurs éclatantes. Des terrasses, la vue s’étend sur la mer, jusqu’à des dizaines de kilomètres derrière Cap Falcon, à l’ouest. Plus loin, du haut de la forteresse de Santa Cruz, le spectacle est plus impressionnant. Après avoir longtemps cheminé dans un tunnel, dans la lumière obscure, le visiteur débouche, soudain, dans un éclat azuré qui coule à flots par une large ouverture. La mer et le ciel répandent ici, à l’intérieur du lugubre château espagnol, avec l’arome des pins et des senteurs marines, la douceur, le bonheur et la paix…  » En 2018, ce magnifique espace de quiétude a perdu de sa splendeur et de son  charme, puisqu’il a été longtemps abandonné à des bandes de malfrats qui agressaient les promeneurs et les passants pour rejoindre les « Bas Quartiers » de Sidi El-Houari.
Baptisé au nom du savant théologien  Cheikh Ibn Badis , la promenade de Létang est un site classé pour avoir été un jardin botanique, où ont été plantés tous les arbustes de différentes essences et accueillait de nombreux paysagistes et jardiniers, venus observer et étudier l’évolution de ces plants signalés par des plaque nominatives, aujourd’hui disparus, comme la « Porte du Caravansérail » dont les pierres jonchaient le sol pendant des dizaines d’années.
Pour le moment, ni la direction de la culture, ni la commune ne semblent se soucier de la valeur de cette pièce archéologique en sachant qu’elle a servi de résidence et de poste d’observation militaire depuis la fondation d’Oran en 902 par des marins andalous alliés aux tribus locales.
Abdallah Bendenia

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