Des chercheurs et universitaires algériens et étrangers ont abordé, vendredi à Alger, l’universalité de la vision de Mouloud Mammeri dans son approche, toujours d’actualité, de l’identité culturelle amazighe à la lumière d’une relecture de l’œuvre du penseur.
Dans un colloque de trois jours, organisé par le Haut-commissariat à l’Amazighité (HCA) à l’occasion du centenaire de Mouloud Mammeri, les participants ont, particulièrement abordé les modalités d’approfondissement des travaux de ce penseur sur l’identité culturelle, perçus par les chercheurs africains comme démarche «scientifique viable» pour une «réconciliation» avec soi, entre les individus, préalablement à la «réunification nationale», ont-ils convenu en substance.
Dans une approche sur le champs des études berbères et leur «décloisonnement politique», la chercheure tunisienne, Karima Dirèche, a mis l’accent sur «la complexité de la question identitaire». Celle-ci, dira l’intervenante, représentait une «force d’union» face au colonialisme pour devenir, ensuite, «une quête de soi légitime» face à la volonté des pouvoirs publics post indépendance d’»occulter toute action visant l’affirmation et la promotion de l’identité culturelle».
Cette spécialiste du Maghreb contemporain a relevé que cette quête identitaire «plus précoce en Algérie qu’ailleurs», estime-t-elle, ne pouvait que gagner en «légitimité scientifique», ainsi que le préconise Mammeri par «les études et la recherche», tiendra-t-elle à rappeler. A ce propos, la chercheure ne manquera pas de mettre en exergue le combat intellectuel mené par Mammeri et d’autres chercheurs, pendant des décennies, pour consacrer tamazight, et conquérir d’autres espaces nécessaires à son affirmation, résumera-t-elle. Se disant «admiratif et curieux» de la démarche «intellectuelle» et «scientifique» de Mammeri, le sociologue congolais, Jean Liongo Empengele, a affirmé que les travaux de Mammeri sur l’oralité étaient «toujours d’actualité’ pour comprendre l’attrait des congolais, plus généralement des Africains, pour la téléphonie mobile, un outil moderne mis au service de l’expression orale dans des sociétés qui privilégient l’oralité, a-t-il expliqué en substance. Pour sa part, le chercheur camerounais, Emile Moselly Batamack, s’est livré à une analyse de l’oeuvre littéraire du penseur algérien, avant de souligner la convergence de vues avec l’anthropologue sénégalais, Cheikh Anta Diop dans la prise en compte de l’importance des aspects historiques, linguistiques et psychologiques en rapport avec l’identité. Assimilant l’œuvre littéraire mammérienne à des «armes miraculeuses», l’orateur en appelle à la prise en compte des particularités identitaires dans l’approche de l’autre, en citant l’auteur de «La Colline oubliée» qui invitait à «penser avec les autres, en partant de ce qu’ils sont».
Selon le spécialiste en linguistique amazighe, Said Chemakh, les préfaces de Mouloud Mammeri demeurent «les moins étudiées» de son oeuvre, malgré leur «utilisation comme réceptacle idéologique», où la question de la culture et la langue amazighes était progressivement posée.
A travers ses nombreuses préfaces, Mammeri, tenant compte des «évènements historiques» marquant les différentes époques, indiquait les «différentes étapes», inscrites dans la perspective «d’asseoir dans le temps» l’identité culturelle, a expliqué le conférencier, avant de rappeler l’existence de «monographies et autres travaux de recherches» de Mammeri encore inédits.
De son côté, le philosophe ghanéen Kojo Opoku Aidoo, a traité de l’approche «pédagogique» et «humaniste» dans les travaux de Mouloud Mammeri face aux politiques communes d’’»aliénation» et d’»occultation» culturelles, pratiquées en Afrique par le colonialisme ou les pouvoirs publics post-indépendance.
Soulignant l’adhésion des intellectuels africains à cette «méthode» empreinte de «patience» et qui refuse toute forme de «violence», l’intervenant a relevé l’intérêt accordé par Mammeri à la nécessité de «décoloniser l’éducation» et l’instauration d’une «vision globale» de la quête identitaire en Afrique, en créant des «connexions» entre les différentes cultures de ce continent. Organisé parallèlement au 22e SILA, le colloque international, placé sous l’intitulé: «L’Amusnaw (l’érudit), le sourcier des convergences civilisationnelles universelles», se poursuit jusqu’au 5 novembre avec la participation d’universitaires et de chercheurs de plusieurs pays.
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