Né le 20 avril 1896, dans le village de Froha, à Sidi Ben Moussa, Cheikh Abdelkader El Khaldi, fils ainé de Mohamed Seghir, un petit fellah qui s’installera, au début du siècle à Mascara, à une dizaine de kilomètres de là, fera ses études coraniques dans le quartier populaire de Sidi Bouskrine où son père s’était reconverti à l’artisanat.
Après avoir brillamment obtenu son certificat d’études, réformé du service militaire, il fera de petits métiers avant d’être recruté, à vingt-quatre ans, comme secrétaire dans la police municipale.
Cet amoureux de la calligraphie quittera, en 1925, cet emploi pour se rendre au Maroc où il exercera, durant près de trois années, le métier de Goumrek. De retour à Mascara, il continuera à fréquenter les Grands Cheikh de l’époque comme Mkadem Méziane, Tahar Ben Moulay, Bencherif, Si Benyekhlef et Ould Kablya, se familiarisant avec les arcanes du ch’ir El melhoun, tâtant du violon en amateur. Il commence par interpréter les qacidates Mostefa Ben Brahim et de Ben Guitoune, l’auter de Hyzia.
C’est dans ces années là qu’il se mit à écrire, à chanter Bakhta qui vivait à Tiaret, la grande, la sublime, la flamboyante Bakhta qui lui inspirera de magnifiques poèmes. À la fin de la seconde guerre mondiale, il quittera sur un malentendu, Mascara pour El Harrach où résidait son neveu. Il y reste plus d’une année avant de s’installer définitivement à Oran, en 1946, successivement dans les quartiers de Gambetta, Mdina Jdida et Cholet. El Khaldi aura chanté l’amour, le ghazal, à travers la beauté de Kheira, Yamina, Zohra, des poèmes lyriques, irrigués de mille feux, riches de métaphores, de comparaisons, pleins de densité et de fraîcheur. Ce seront les chants, les qacidates comme Hadou Snine, Kheira tchouf Kheira…
Des poèmes pour dire aussi la difficulté de vivre, la douleur du quotidien, la séparation, la rupture. Il écrira dans Ayetni detrig une réflexion pessimiste sur l’art et la profession de poète, de chanteur, cette voie pénible qui n’a pas été celle de mon père, longue, longue et si pleine de déboires et désillusions. En 1938, il enregistre, à Paris, chez Pathé-Marconi, des chansons avec Cheikh Hamada.
Suivront d’autres enregistrements, d’autres textes. Entre 1946 et 1953, il travaillera comme cachetier à Radio-Alger et à Radio-Oran qui était située à l’ex marché Michelet. Il intervenait sur les ondes, tous les lundis, entre midi et midi trente. En 1951, une férue de lettres arabes, Mme Dauphin, lui consacra, durant six mois, une émission où il est qualifié d’Émir des Poètes.
Ce contemporain des Cheikhs Hamada et Madani, les deux grands chantres de l’Oranie, et qui fut l’ami du Cheikh Belahrèche de Tiaret, écrira à partir de 1934, une soixantaine de poètes consacrés exclusivement à Bakhta dont l’un sera repris avec succès par Blaoui Houari. Yamina lui inspirera quant à elle, à partir de 1945, les célèbres Wahd El Ghzal et Zindha Ichali chantés par Ahmed Wahby. Il gagnait sa vie en animant les mariages, se produisant dans toute l’Oranie et dans la région de Blida, à l’occasion de la fête des fleurs.
Ce parolier de grand talent fut chanté pour la première fois, en 1952, à Alger, à la salle Atlas, par Blaoui Houari qui interprétat et mit en musique Ki Rani Naachak Fik Ya Madboulet et Ayoune et Had Zine Ikitou. En 1956, Ahmed Wahbi enregistrera Ya Twil Erregba et Wahd El Ghazel. Ahmed Saber, l’élève préféré de Cheikh El Khaldi, interpréta lui, le fameux Jar Alia El Wam où l’auteur de Ya Sahab El Madem racontera d’une façon poignante le quotidien fait de trahison, d’amertume, de déchirure…. Khaldi propose aussi, avec Ritek Temchi Seghir, Rani Dyaik, un univers fait de spiritualité, de dépassement de soi. Doué d’un incontestable don d’improvisation, il écrivait souvent et d’un seul jet des textes de haute qualité.
Cet homme corpulent, de taille moyenne, toujours revêtu de son habit traditionnel, parlant un français châtié, était peu loquace, réservé, presque timide, comme solitaire. Prolifique, sensible, doté d’une bonne culture, ce chantre du Ch’ir El Melhoun chantera également l’Émir Abdelkader, la guerre de libération et l’indépendance. Il a laissé un fond de manuscrits, d’inédits d’une grande richesse que son fils ainé Mokhtar, fonctionnaire à l’APC d’Oran, met à la disposition des chercheurs, des interprètes, afin de mieux faire connaître et d’identifier ce patrimoine qui était une véritable mémoire écrite.
Car à la différence de nombreux poètes et du Ch’ir El Melhoun, dont une grande partie des œuvres se sont évaporées faute d’avoir été fixée par l’écriture, le cheikh consignait sur papier ses émois, ses émotions, ses désirs, ses cris, ses rêves…Son dernier poème fut A Sabri rani grib Wana grib. Tout un parcours, un itinéraire qui n’était pas souvent de tout repos. Il mourut à Oran le 16 janvier 1964.
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