OUARGLA - La broderie traditionnelle, un des métiers séculaires dans la région de Touggourt (wilaya d’Ouargla), fait de la résistance aux grandes mutations de la modernité et de l’innovation industrielle, la mécanisation notamment, et a su garder toute son originalité, s’accordent à dire de nombreuses artisanes de cette région de l’Oued-Righ.
Ce métier, qui ne cesse de se développer grâce aux artisanes touggourties, est devenu, au regard de la qualité des produits réalisés, un label artisanal et commercial, véhiculé par les riches motifs et dessins mettant en exergue un génie sémiotique, alliant authenticité et modernité, que seules les artisanes chevronnées peuvent décoder, interpréter et en évaluer l’authenticité et la dextérité professionnelle de son auteur.
La broderie traditionnelle constitue aussi bien une source de fierté qu’un répertoire, usant de produits divers et de différentes formes et tailles, pour graver des signes et décors reflétant des aspects des us et de traditions de la région, leur donnant un plus de beauté lui ouvrant la voie sur les marchés nationaux et les manifestations nationales et internationales et créant, aussi, une ressource vivrière pour tant de familles, a indiqué Meriem Mahboub, une des brodeuses de la région détenant une trentaine d’années d’expérience dans le métier.
Le châle en forme de losange, le khimar et le Hayek (voile), appelé localement Bekhnoug, sont autant de produits valorisant le savoir-faire de la femme, à travers ce legs ancien bien préservé et très cher aux touggourties.
Ces articles ont fait l’objet dans leur broderie de touches de perfectionnement depuis son introduction, témoigne Mme Mahboub, durant l’ère coloniale. Selon elle, des femmes missionnaires (soeurs blanches) ont fondé en 1923 le premier centre de broderie traditionnelle, activant à ce jour, pour structurer et réglementer ce métier propre à la région, ses dessins et motifs.
Cette intervention apportée dans l’organisation de la filière ne peut, toutefois, occulter les efforts des vieilles et des brodeuses autochtones de Touggourt, pour pérenniser ce métier et le transmettre, avec le rajout de touches étrangères par fidélité à l’histoire, aux futures générations, dont Meriem Mahboub en a fait partie et qui a hérité le métier de ses parents.
Plus de 250 stagiaires bénéficient actuellement de formation en broderie, à l’initiative de Mme Mahboub qui s’est employée au renforcement de son atelier, en ouvrant un second à la satisfaction des jeunes filles de la région.
Pour les besoins de ce métier qui nécessite beaucoup de doigté et de patience, la matière première est pratiquement acquise auprès des vieilles qui, armées de leurs quenouilles, fabriquent pour les brodeuses les fils nécessaires. Ces dernières, versées chacune dans divers types, broderie au fil, à la soie, à la laine et autre appelé Tergal, offrent des productions, souvent sur commande, agrémentés de dessins et de motifs à même de satisfaire des goûts divers et des commandes provenant de clients de différentes contrées du pays.
Une autre brodeuse, Yamina Koul, jouit d’une expérience de plus de 32 ans dans la filière, qui lui a valu d’occuper le poste de formatrice au centre de formation professionnelle de la commune de Nezla, dans le Grand Touggourt. Elle a contribué à la formation, durant sa carrière, de plus de 1.000 filles.
Ces brodeuses tentent, à travers leurs œuvres, de préserver le label local en estampillant les articles de signes et motifs susceptibles d’aider à les distinguer des produits d’autres régions du pays.
La broderie se met au diapason de l’innovation
Le métier de la broderie ne cesse de confirmer sa réputation, à l’échelle nationale, voire internationale grâce à son exposition dans différentes manifestations ayant permis de hisser ce savoir-faire local au rang des produits très convoités, grâce à une touche de modernité apportée à ce métier, depuis l’amélioration de la matière première aux motifs, couleurs et dessins, sans cependant en altérer le label, a indiqué Mme Koul.
Cette dernière s’est dite surprise, lors de ses participations aux manifestations et expositions nationales et internationales (Tunisie, Maroc ou Italie), de l’engouement et de l’intérêt manifesté par les visiteurs, notamment les femmes, pour ce type de broderie traditionnelle, que ce soit pour les acquérir à des fins d’usage personnel ou pour les offrir comme cadeaux.
Elle déplore, néanmoins, qu’en dépit de ce succès atteint par le produit, ce métier se heurte à des contraintes qui risquent d’hypothéquer son avenir et qui sont liées notamment au manque de subventions, à l’absence de locaux et ateliers pour l’exercice de l’activité, au manque de laine de qualité, en plus de son imposition et taxation lors de participation aux expositions, entravant ainsi la promotion de l’artisanat, créneau florissant et vecteur de développement du tourisme dans la région de Oued-Righ.
Une approche de production locale pour relancer la broderie
La Chambre de l’artisanat et des métiers (CAM) entend asseoir prochainement une nouvelle approche de production locale, susceptible de contribuer à la relance du métier de broderie traditionnelle dans la wilaya d’Ouargla, ont assuré les responsables de cette instance.
Cette approche, qui impliquera des artisans versés dans la broderie, vise en premier lieu la préservation de ce métier ancien, l’assistance des artisans afin d’aller à la conquête de marchés nationaux et internationaux, leur accompagnement et la coordination avec les organismes et dispositifs de soutien à l’emploi pour la promotion des métiers de l’artisanat, a expliqué le directeur de la CAM, Agrine Mabrouk.
La démarche, qui porte sur la promotion du label local en matière de broderie traditionnelle, tient en compte la diversité qualitative du produit, sa rémunération au titre de mesures incitatives aux producteurs et concepteurs, notamment après écoulement sur les marchés nationaux et internationaux du produit qui a d’ores et acquis une réputation dans des pays européens.
Selon la CAM, plus de 100 artisans et artisanes spécialisés dans la broderie traditionnelle, parmi 219 artisans immatriculés à la CAM, en plus de 3.000 brodeuses parmi les femmes au foyer et non-immatriculées, ont manifesté le souhait d’adhérer au nouveau système, dans le but de développer ce segment artisanal et contribuer au développement du tourisme, aussi bien dans la région qu’à échelle nationale.
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