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10/15/2016

Huile d’olive : L’or vert qu’on ne doit pas ignorer


Soucieux de développer la filière oléicole en Algérie, des experts nationaux et internationaux se penchent sur la question et évoquent des mesures d’accompagnement pour une meilleure production. Si l’huile d’olive algérienne peine à trouver preneur sur le marché mondial, les spécialistes insistent sur le fait que l’autosuffisance est indispensable dans un premier temps.

«Le secteur oléicole en Algérie a réellement besoin de toutes les compétences pour être modernisé et atteindre un seuil de production pour la consommation locale et l’exportation, explique l’économiste algérien Nabil Ferrar. Il est évident que la production locale va augmenter avec les années, il est temps de se préparer à une meilleure gestion. Avec l’appui de l’Etat en amont, on pourrait renouveler les oliveraies, moderniser le secteur et se positionner comme leader mondial.
Nos voisins l’ont fait, pourquoi pas nous ?» s’interroge l’expert en rappelant que l’Algérie gagnerait à «se mettre au vert» en développant des projets d’envergure «nationale et internationale» dans le secteur agricole qui connaît de grandes difficultés «C’est inadmissible que 8,5 millions d’hectares de terres agricoles soient inexploitées et parfois totalement abandonnées. L’Etat pourrait encourager davantage les investisseurs locaux et étrangers qui veulent contribuer au développement de l’agriculture dans notre pays.
Nous devrions cesser avec cette mentalité de croire que l’on peut tout faire ; la technologie dont nous avons besoin a été élaborée ailleurs, il est donc logique de travailler en synergie avec des étrangers», dit-il. Jusque-là, ce sont les pays européens comme l’Espagne, l’Italie ou encore la Grèce qui détenaient le monopole de la production mondiale d’huile d’olive. Sans grande surprise, notre voisin le plus proche, la Tunisie, est devenu un important pays producteur, qui tend même à augmenter la surface cultivable pour pouvoir produire encore davantage.
«Vu l’importance du secteur de l’huile d’olive pour notre pays, nous avons compris que pour pouvoir nous imposer sur le marché mondial, nos huiles doivent être conformes aux normes internationales et plus précisément aux normes commerciales du Conseil oléicole international dont nous sommes membres», explique Samira Sifi, experte en oléotechnie et directrice du Centre régional du Nord (Office national de l’huile). «Un travail de longue haleine a été entrepris depuis un certain nombre d’années par  tous les intervenants du secteur pour encadrer, informer et sensibiliser tous les maillons de la chaîne : producteurs, oléofacteurs, conditionneurs, etc», ajoute-elle.
Acidité
Les exportations tunisiennes d’huile d’olive ont en effet atteint durant cette saison 312 000 tonnes. La Tunisie a devancé l’Italie qui a exporté 208 000 tonnes et l’Espagne qui a occupé la troisième place des pays exportateurs d’huile d’olive avec 185 000 tonnes. Cette production record a, d’un autre côté, permis à la Tunisie de se hisser à la deuxième place mondiale des pays producteurs d’huile d’olive avec une production de 350 000 tonnes.
Si la Tunisie a réussi cet exploit, c’est parce qu’elle mis les moyens pour améliorer les conditions d’exploitation, comme l’explique Mme Sifi : «La conformité par rapport aux exigences normatives doit être respectée durant tout le processus de fabrication de l’huile d’olive à partir du verger par le choix de la variété, la conduite culturale, la cueillette, le transport des olives, les conditions de trituration jusqu’au stockage de l’huile, l’embouteillement et le stockage des huiles conditionnées».
Mais qu’est-ce qui fait courir tout le monde pour consommer l’huile d’olive tunisienne ? Pour Samira Sifi, les qualités d’une bonne huile d’olive doivent être obtenues à partir «d’olives saines, dans un bon état de fraîcheur et uniquement par un moyen mécanique sans aucun autre additif ni mélange avec aucune autre huile, on parle d’une huile d’olive vierge.
C’est aussi une huile dont les caractéristiques de qualités physico-chimiques sont conformes à la norme. C’est-à-dire qu’elle est de faible acidité, que ses paramètres d’oxydation sont faibles et surtout qu’elle n’a pas de défauts gustatifs», précise-t-elle. En Algérie, les domaines de production d’huile d’olive appartiennent principalement à des familles. Aujourd’hui, certains agriculteurs misent sur la régénerescence des oliveraies avec l’ambition d’intégrer des procédés modernes, la plupart constatent que le manque de concertation empêche de s’organiser concrètement.
Coopérative
Pour le Français Philippe Juglar, président de l’Agence de valorisation des produits agricoles (AVPA) — il est également expert en huile d’olive et a travaillé sur une étude dédiée à l’huile d’olive en Algérie —, deux idées ont caractérisé son étude. «L’huile d’olive en Algérie est très populaire principalement en Kabylie. Quand on parle de moyenne de consommation par habitant, cela n’a pas un grand impact. L’Algérien moyen consomme des huiles d’arachide, de graines de tournesol, etc.
Alors qu’en Kabylie, c’est différent. La deuxième idée que j’ai relevée, c’est que le goût est très spécifique, chose que l’académisme bien pensant du Conseil oléicole international n’accepte pas», avoue-t-il. «En Algérie, vous aimez une huile qu’ils considèrent comme chômée car elle a une odeur particulière due au fait que les olives ont fermenté avant d’être pressées. Ce goût, qui est parfois apprécié ou pas, est pourtant le goût que l’on trouve en Afrique du Nord», dit-il. «La majorité des experts internationaux qui sont venus en Algérie ont demandé d’arrêter de produire cette huile. Sauf que son prix à l’international n’est pas profitable aux producteurs algériens.
Il ne faut pas oublier que l’Algérie forme des gens qui reviennent avec un savoir et qui se retrouvent face à des huiles de fabrication locale, au goût millénaire, alors qu’on leur a bien expliqué à l’étranger qu’elles ne sont pas bonnes. Cette contradiction doit être corrigée afin d’aller vers une stratégie cohérente de production», explique l’expert français. Pour Kamal Rahal, expert en huile d’olive, agriculteur, et membre fondateur de structures du secteur de l’agriculture ainsi que des coopératives en Algérie, —il a d’ailleurs créé en 2008 la première coopérative oléicole d’Algérie —, il juge que «si on veut réussir dans un domaine, il faut une organisation rigoureuse, de même qu’un financement important qui doit être injecté de manière rationnelle.
On ne peut pas saigner l’agriculteur qui doit également contracter des crédits pour son exploitation. Des crédits qui, souvent, ne viennent pas ou sont bloqués. Les  sources d’investissement doivent être diversifiées.» Et quand on lui pose la question de savoir quelle est la meilleure huile d’olive au monde, M. Rahal répond : «Souvent, les gens me posent cette question, je vous dirai que la meilleure huile au monde, c’est celle que je consomme !»
Faten Hayed

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