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10/29/2016

Batna / Patrimoine : Imedghassen, restauration approximative et inquiétude


Le tombeau numide Imedghassen, en dépit de toutes les promesses pour sa prise en charge, sa protection et sa restauration, est en piteux état.
Pire encore, selon de nombreux observateurs ayant suivi ce lourd dossier, le tombeau serait touché d’une perte d’authenticité irréversible. Et pour cause, les travaux n’ont pas été faits par des spécialistes, qualifiés pour ce genre de mission qui demande rigueur et grandes précision. En effet, les travaux dits de protection et réaménagement ont été effectués par un bureau d’études qui n’a aucune expérience dans le domaine. Toujours selon des connaisseurs, on n’a jamais vu une grue qui pèse plusieurs tonnes travailler à proximité d’un site aussi fragile et fragilisé. L’état actuel du tombeau royal berbère Imedghassen est inquiétant. Force est de constater que le site se portait beaucoup mieux avant les travaux de conservation et de préservation sous la responsabilité de la wilaya de Batna, la direction de l’urbanisme de la wilaya et un bureau d’études 3D de la ville d’Alger, il y a plus de vingt ans. Des craintes et des mises en garde ont été formulées par des spécialistes et différentes associations qui s’interrogeaient légitimement sur les objectifs et les motivations réelles de ces travaux inadéquats. Beaucoup d’autres se demandent si des historiens et archéologues n’avaient pas cautionné une approche aussi fantaisiste que dangereuse. A la fragilité du site, s’ajoutent des engins lourds qui ont été utilisés pour éventrer le tombeau et créer une ouverture béante en son sommet sans jamais remettre en place la centaine de pierres enlevées et qui, jusqu’à aujourd’hui, gisent autour du mausolée. Y a-t-il eu atteinte irréversible et perte d’authenticité suite à cette opération ? Pour le mouvement associatif, et plus particulièrement l’association Tidoukla n’Madghouss (les amis d’Imedghassen), il y a eu préjudice et atteinte au patrimoine matériel. Il est de forme typiquement berbère : une bazina (la forme primitive du tombeau) à degrés, c’est-à-dire une construction de forme cylindrique surmontée d’un cône formé de gradins. Il fait 59 m de diamètre et 18,50 de hauteur, ce qui le distingue des bazinas qu’on rencontre en Afrique du Nord qui ne dépassent pas un mètre de hauteur. Le tombeau Imedghassen est considéré comme le plus ancien site archéologique en Afrique du Nord. Habillé d’un décor sobre qui rappelle la civilisation carthaginoise (60 colonnes doriques surmontées d’une corniche dont la gorge est typiquement égyptienne), une plate-forme au sommet supportait peut-être une sculpture (lion, chariot ou autres sujets souvent utilisés dans la civilisation berbère), et, côté est, un dallage forme un avant-corps en partie revêtu d’un enduit pourpre. Ce côté Est servait, selon les spécialistes, de lieu de culte. L’analyse de l’architecture du monument et les datations au radiocarbone, effectuées il y a une trentaine d’années, ont permis de faire remonter sa construction au début du IIIe siècle avant J.-C. Imedghassen ne peut être que la sépulture d’un puissant monarque, selon le spécialiste de la préhistoire G. Camps. Le repère chronologique, la situation du mausolée dans l’air de la mouvance de la dynastie amazighe des Massyles permettent d’identifier le tombeau et le nom Imedghassen comme un ancêtre du roi Massinissa. Récemment, de nouvelles recherches ont permis de nouvelles découvertes. En effet, un archéologue, participant à une journée d’étude au centre de recherche de l’université de Batna, pour la présentation de l’étude préliminaire du projet, le Dr Mahfoud Ferroukhi, a précisé qu’une seconde galerie de 7 mètres de long vient d’être mise au jour sous le mausolée pour s’ajouter à la première qui a été découverte dans les années 1970 (20 m de long sur 1,5 m de profondeur) par une équipe italienne de recherche. Au bout de la deuxième galerie récemment mise au jour, il a été découvert, entre autres, deux sépultures (de deux enfants, vraisemblablement), un bazinas (monument funéraire antéislamique à la partie supérieure bombée, ndlr), des poteries en verre, un morceau de charbon et une pièce de monnaie en bronze qui sera expédiée aux Etats-Unis pour datation.  Le Dr. Ferroukhi a déclaré que les résultats détaillés des découvertes seront présentés après les opérations d’analyse en cours.

Un silence qui fait craindre...

Les atteintes faites au tombeau Imedghssen ne sont pas nouvelles, puisque déjà dans les années 1970, de prétendus restaurateurs de vestiges avaient installé des poutres en béton et avaient cimenté le Tombeau, ce qui est peut être à l’origine de la perte d’authenticité. Les dépassements et les bavures ne se sont pas arrêtés là, puisque le vestige a encore une fois subi une autre prétendue intervention de sauvegarde qui s’est avérée dramatique et préjudiciable. Depuis cette intervention, le tombeau a été éventré et laissé comme tel, selon le Pr Lorenzo Jurina, chef de département de l’Ecole polytechnique de Milan (Italie) qui avait, lors d’une visite sur site en novembre 2015, tiré la sonnette d’alarme sur l’état du monument. Il est à signaler, par ailleurs, que depuis que le ministère de la Culture a pris en charge le dossier de restauration du tombeau Imedghassen, beaucoup ont vu un espoir renaître quant à une véritable protection du site. Mais le silence et la rétention de l’information des différents responsables chargés du dossier, à savoir le programme d’appui à la protection et à la valorisation du patrimoine culturel en Algérie, le responsable du patrimoine matériel dans la wilaya de Batna, continuent dans une gestion opaque et sourde.

Écrit par  JUBA RACHID

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