« Le système de formation des sociologues et autres psychologues ayant été détruit au début des années 70, c’est a chacun de se débrouiller pour comprendre ; pour la fiabilité on verra sur le terrain» ; dit par un stratège des terrasses des cafés.
Les temps sont durs pour les algériens à cause de la mauvaise gouvernance et des démoniaques « fous de Dieu » sévissant en Algérie et dans le monde. Ceux qui ont les capacités pour voir loin pensent que la situation sera pire dans un futur très proche. Cela n’a pas empêché certains compatriotes berbérophones de se mettre à trouver des défauts aux arabophones et les traiter de « bédouins ».Ils oublient que le terme veut dire « nomades » et les Berbères étaient nomades. A l’arrivée de Okba, les tribus alliées à la Kahéna étaient en voie de sédentarisation et avaient des huttes dans les montagnes et des tentes, en poile de chèvre ou de chameau, dans les hauts plateaux ou le Sahara.
Le nomadisme de nos ancêtres est un mode de vie qui oblige l’être humain à être farouche, rude, individualiste, indépendant .Le nomade refuse la subordination aux exigences de la collectivité si celle-ci dépasse le cadre de la tribu. Sur son terrain de parcours il ne rencontre que le chacal et les oiseaux qu’il est autorisé à tuer, les uns pour s’occuper et l’autre pour protéger son troupeau. Abderrahmane Ibn Khaldoun nous a laissé une description du caractère des nomades(1) .Voici, entre autre, ce qu’il a dit :
-« … Les habitudes et les usages de la vie nomade ont fait des Arabes(1) un peuple rude et farouche. La grossièreté des mœurs est devenue pour eux une seconde nature, un état dans lequel ils se complaisent, parce qu’il leur assure la liberté et l’indépendance. Une telle disposition s’oppose au progrès de la civilisation.
-« …Autant la vie sédentaire est favorable au progrès de la civilisation, autant la vie nomade lui est contraire. Si les arabes(1) ont besoin de pierres pour servir d’appuis à leurs marmites, ils dégradent les bâtiments afin de se les procurer ; s’il leur faut du bois pour en faire des piquets ou des soutiens de tente, ils détruisent les toits des maisons pour en avoir. Par la nature même de leur vie, ils sont hostiles à tout ce qui est édifice… ».
- « …Si, par la conquête d’une province, par la fondation d’une dynastie, ils se sont mis en état d’assouvir leur rapacité, ils méprisent tous les règlements qui servent à protéger les propriétés et les richesses des habitants… »
-« … Ajoutons que les Arabes(1) négligent tous les soins du gouvernement ; ils ne cherchent pas à empêcher les crimes ; ils ne veillent pas à la sûreté publique ; leur unique souci c’est de tirer de leurs sujets de l’argent, soit par la violence, soit par des avanies. Pourvu qu’ils parviennent à ce but, nul autre souci ne les occupe. Régulariser l’administration de l’État, pourvoir au bienêtre du peuple soumis, et contenir les malfaiteurs sont des occupations auxquelles ils ne pensent même pas… ».
Contrairement à certains peuples non sédentarisés, notre Nomade est productif ; le mouton de l’Aïd c’est lui, de même que la laine de la mariée et de nos moelleux matelas, le burnous et la kachabia en poile de chèvre ou de chameau. Si son intérêt l’exige, il s’adapte très bien et on voit bien qu’il a refusé la roulotte au quelle il a préféré le camion K120 que fabriquait avec succès la SONACOME avant qu’elle ne soit cassée et ses filiales stérilisées par les partisans de « l’import-import». Ce camion, fidèle compagnon du nomade depuis les années 80, a eu parait-il, a cause de sa solidité, un problème avec les yankees qui supervisaient l’embargo sur l’Irak de Saddam Hussein. Les ricains qui s’y connaissaient en matière d’engins ont déclaré que le camion pouvait être utilisé pour porter des lance missiles et ils ont bloqué sa vente à l’Irak de Saddam. En matière de camion et de Tiaret à M’sila, on en connait donc autant que les ricains. Mais le nomadisme, en Algérie ou ailleurs, a une mauvaise réputation et pas uniquement chez Ibn-Khaldoun ; voici ce que dit le Coran sur les nomades : « Les bédouins sont plus endurcis dans l’impiété et l’hypocrisie (que les citadins), plus enclins à ignorer les normes de ce que Dieu a révélé a son envoyé. Dieu est omniscient et sage -(Coran : 9-97)- ». Mais, le Coran ne généralise pas comme le prouve le verset (9-99) et considère que ces tares peuvent se trouver aussi chez les citadins (Coran : 9-101).
Les caractéristiques de la mentalité du nomade ont survécu chez l’algérien jusqu'à ce jour :
- Rares les algériens qui refusent ou hésitent à s’approprier l’espace public devant son magasin ou sa maison ; le voisinage de la tente appartient au nomade durant tout son séjour dans la prairie qu’il a choisi.
- Sont tout aussi rares les algériens qui ne polluent pas leur environnement ou veillent a l’hygiène de leur rue. Une prairie dans nos hauts plateaux est impossible à nettoyer et elle est le réceptacle de tout ce que le nomade veut jeter.
- On interpelle son ami et on discute avec lui à grand bruit en oubliant qu’une rue, un bus ou un train n’est pas une prairie.
- Un bien qui appartient à la collectivité n’appartient à personne et on peut le dégrader ou se l’approprier comme un objet trouvé par le nomade lors de ses pérégrinations dans la steppe.
- Etc., etc.…
Sédentarisé, dans le douar puis dans la grande ville, l’algérien, descendant de nomades n’a pas été encadré par ses gouvernants, turcs puis français afin de bien s’adapter a ce nouveau mode de vie. Durant ces périodes la seule fierté au quelle il aspirait est de pouvoir faire vivre décemment sa famille et s’il y réussi il ne le montrait pas, il essayait même de le cacher aux envieux et aux représentants de l’autorité tel le caïd ou le collecteur de l’impôt. Sous le gouvernement des Turcs et des colons, l’algériens exploité, dépossédé est devenu plus réfractaire et refusant toujours tout ce qui vient de l’autorité publique ; c’est de là que vient l’idée que voler le beylik est légitime. Les gouvernants d’après l’indépendance n’ont pas essayé de montrer que l’état moderne n’a rien à voir avec la colonie ou le beylik, bien au contraire des fois le citoyen voit ou subit une répétition de ce qu’il subissait avant l’indépendance. Ils n’ont même pas pensé à l’aider à être un bon citoyen comme l’exige le mode de vie sédentaire ; bien au contraire on l’a qualifié de « chaab al-mou’djizathe » tout en lui important tout ce dont il a besoin : nourriture, vêtements, médicaments, etc.… pour qu’il ne lorgne pas vers le »koursi ». Les gouvernants d’après l’indépendance lui ont donné aussi une certaine liberté mortelle : vivre sans trop d’efforts, revendiquer des droits et oublier les devoirs, etc.… il a même la liberté de gêner les autres parce qu’il est resté réfractaire a tout ce qui est ordre induit par la vie de la collectivité.
Le mode de vie nomade, n’offre pas beaucoup d’opportunités et les choses dont on peut être fiers sont rares ; un coursier pur sang ou un bélier turbulent. Devenu sédentaire, conservant le caractère du nomade et bénéficiant d’une certaine liberté que même le citoyen européen ne possède pas, l’algérien n’hésite pas, à extérioriser et avec exagération, sa fierté longtemps contenue. On peut citer les exemples suivants :
- Les algériens ont fait plus de bruit et dépensé plus d’argent pour une qualification en coupe d’Afrique de football que les français pour une victoire en final de la coupe du monde.
- Lorsqu’il est dans sa voiture, l’algérien lambda se transforme en nabab auquel tout doit se soumettre ; il n’est pas question de code de la route, de civisme ou de bonnes manières ; même si cette voiture n’est qu’une brouette automotrice fabriquée par l’industrie chinoise naissante.
Bien évidement, il n’y a aucun mal à être fière de quelque chose et le montrer, aussi modeste soit la chose, mais seulement si cette fierté exprimée ne crée pas des désagréments aux autres membres de la collectivité. Cette collectivité qui n’est pas la tribu et que l’algérien ainsi que les « rois faignants » qui la dirigeaient depuis 1980 n’arrivent pas à adopter et à se conformer à ses exigences. La mentalité du nomade telle que décrite par Ibn Khaldoun semble, malheureusement, avoir encor de beaux jours en Algérie.
Noureddine M.
Note :
(1) Dans sa traduction d’Ibn Khaldoun, M.G. De Slane, traduit (volontairement ou non) le mot « A’rabe-اءراب( qui veut dire « nomade ») par « Arabe »-ءرب. Selon cette traduction, Ibn Khaldoun ne décrit pas le caractère du nomade mais celui de l’arabe.
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