Le livre, toutes espèces existantes sur le marché, est apparemment, en train de devenir le parent pauvre dans notre société. N’est-til pas réel que la lecture des livres a dégringolé auprès des jeunes générations ? Il suffit de faire un tour chez les rares librairies qui arrivent à tenir le coup pour s’apercevoir de la carence de l’achat des livres. Effectivement , de nombreux libraires ont transformé depuis belle lurette leur commerce, faisant un virage à 180 degrés, en passant sans transition comme tout le monde au commerce assez florissant de la bouffe. Les têtes ne daignent plus être soignées et alimentées. La seule lecture préférée, ce sont les journaux aux à sensation sans oublier bien sûr le plat de résistance que sont les journaux spécialisés sur le football qui ont proliféré davantage ces temps-ci. On se les s’arrache sur les étals bien que valant doublement cher. Singulièrement, de nombreux quotidiens, par crainte de perdre définitivement leur infidèle lectorat, ont créé des numéros spéciaux foot. Le 100% foot est désormais à l’oeuvre même chez les femmes et les enfants. Lorsqu’on lit les journaux, on commence toujours par la une, et c’est normal, puis on saute immédiatement aux avant dernières pages dédiées au roi foot. Rares sont ceux qui s’intéressent réellement, sauf pour les exceptionnels branchés, aux divers articles de fond et des contributions externes. Spontanément, la culture du jeu « de pied » est devenue la discussion favorite des algériens des deux sexes, tous âges confondus, et qui occupe, sans exagération, 90% du temps gâché par les jeunes et les moins jeunes. Tout le monde connait le moindre détail du dernier arrivant au sein des Verts (et des pas mûrs) en plus des potentiels postulants mais ignore tout d’un écrivain ne fussent Tahar Ouettar, Mouloud Feraoun, Mohamed Dib, Assia Djebbar, Malek Benabbi ou parmi les plus récents d’entre eux à l’instar de Yasmina Khadra. Faisons un tour chez plus fidèles libraires, ceux qui continuent, contre vents et marées, de prouver leur amour et leur attachement au métier. Le désastre est vite décelé par rapport à une certaine époque où pourtant la chose culturelle était quelque peu contrôlée. Pour ne pas sortir de l’ordinaire, les livres de cuisine et les guides d’informatique occupent toujours une place de choix sur les étals envahis par les CD et autres déodorants. On se souvient que la lecture était considérée comme la clé de la réussite de tout succès mais plus maintenant. Savez-vous qu’il y a quelques années, le livre était non seulement disponible mais à un prix abordable pour toutes les bourses ? Dans certains marchés et supermarchés de la ville de Tiaret, il était vendu au kilogramme pour les livres d’occasion. Auparavant, à Sougueur ou Frenda, on allait au souk du weekend pour vendre et échanger des livres. Or, cette tradition légendaire n’a plus l’actualité. On mettait des heures à déceler le livre original. Acquérir un livre était considéré comme une nouvelle conquête. D’autre part, les kiosques à livres illustrés qui élisaient domicile sur les places publiques se sont éclipsés à jamais de notre vue. Ils se sont convertis en cafés et en crèmeries en attendant le messie. De nos jours, essayez de dénicher au microscope, dans un bus ou dans un train, quelqu’un en train de bouquiner à l’image des citadins des pays avancés. La personne avec un livre à la main sera accusée de début de folie simplement. Si cette dernière feuillette son livre, le diagnostique est connu. Pis encore, à l’école et à l’université, on ne lit plus, on regarde les CD et autres DVD. Puisque le livre ne peut plus compter sur d’éventuels défenseurs dans cette société, alors il paie les f r a i s de sa solitude et de son abandon en le sacrifiant manu- militari pour une culture de « shoots ».Enfin, la politique des bibliothèques communales, pour la plupart, mal gérées ou tout simplement fermées sauvera- t-elle le livre d’une mort de plus en plus imminente.
S.M.
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