Tout en déplorant une « crise morale » et un « vide culturel » qui « rongent » le pays depuis bien des années, l’archéologue ne manque pas de souligner les bonnes volontés qui animent aujourd’hui les responsables de la culture dans la voie de la sauvegarde et de la mise en valeur du patrimoine culturel.
L’Algérie fête son Mois du patrimoine. Une halte pour faire un petit bilan sur ce qui a été déjà fait et sur les démarches futures visant la réhabilitation, la sauvegarde et la mise en valeur du patrimoine culturel matériel et immatériel. Quelle analyse faites-vous de la situation ?
La terre de l’Algérie, tout au long de son histoire riche et mouvementée, se révèle le réceptacle de plusieurs civilisations. Notre patrimoine culturel matériel et immatériel est riche par ses multiples sites, bâtisses et architectures que les anciennes civilisations telles que les civilisations amazigh, romaine, phénicienne, turque et arabo-musulmane ont laissés sur notre terre depuis des siècles avant et après JC. Prenons pour exemple les treize Djeddars de Frenda dans la wilaya de Tiaret (Pyramides conçues par les Amazighs plusieurs siècles AV.JC). Ils témoignent d’une grande civilisation d’un peuple savant et sage. Il y a aussi le Parc national du Tassili, celui de l’Ahaggar, les villes romaines (Tipasa, Cherchell, Djemila, Timgad et Tigzirt), la Casbah d’Alger, Qalâat béni Hamad, les grottes plusieurs fois millénaires et j’en passe.
Concernant la sauvegarde de notre patrimoine culturel, je trouve que les pouvoirs politiques et publics ne donnent pas assez d’importance à cet important sujet qui reflète notre histoire, notre passé et notre identité. Les responsables de ce secteur délaissent et rejettent ce dossier, soit par ignorance, soit par désintéressement ou par vengeance aveugle dictée par l’élite du mal. Ces trésors de grande valeur que nos aïeux ont sauvegardés par le sang et la sueur pendant des siècles ne trouvent pas d’oreille attentive pour écouter leurs cris de détresse. C’est vrai qu’il y a quelques personnes qui travaillent pour cette noble cause, mais le pays est vaste et demande de grands moyens et la volonté de tous. Je pense qu’il y a une crise morale et un grand vide culturel qui rongent l’Algérie depuis des décennies.
La ministre de la Culture, Nadia Labidi, a, récemment, évoqué la nécessité de revoir sur certains points la loi 98-08 relative à la protection du patrimoine. Qu’en pensez-vous ?
La ministre de la Culture, Nadia Labidi, a de bonnes intentions. Elle fait de son mieux pour donner de l’avant à notre culture et à la protection de notre patrimoine national. Le centre de sauvegarde du patrimoine culturel national lancé par l’Unesco va donner une bonne poussée, espérons-le, dans le sens que beaucoup de chercheurs, archéologues, historiens et intellectuels attendent depuis longtemps. Il y a, reconnaissons-le, de bonnes volontés de la part de quelques responsables de bonne foi, mais il reste beaucoup à faire car nous avons perdu beaucoup de temps dans les litiges politiques. Enfin, je trouve que la solution réside dans une vraie révolution culturelle basée sur la moralité et le savoir.
Le directeur de la protection légale des biens culturels et de la valorisation du patrimoine culturel au ministère de la Culture, Mourad Betrouni, a dévoilé le nouveau découpage territorial d’aménagement des espaces culturels, notamment dans l’espoir d’un meilleur rééquilibrage en matière de classement des sites archéologiques.
M. Mourad Betrouni, en dévoilant le nouveau découpage territorial, projette de donner une nouvelle stratégie pour bien gérer et valoriser le patrimoine culturel. Cet ancien projet retenu depuis des années par des chercheurs, historiens et scientifiques algériens a mis beaucoup de temps à naître vu les nombreux obstacles de la bureaucratie et les mauvaises intentions de la part de quelques mauvais esprits. Je trouve que c’est une bonne initiative si elle sera concrétisée par de bonnes intentions et de faits réels sur le terrain.
Vous très actif sur la scène culturelle à la faveur des conférences que vous donnez ici et là au sujet du patrimoine. Parlez-nous de vos projets…
Pour mes projets en tant qu’archéologue, historien, écrivain-poète bilingue arabe et français, je compte faire des recherches très poussées concernant les sites archéologiques de notre pays, citant pour exemple les Djeddars de Frenda, le Medracen de Boumia à Batna, le mausolée de Tin Hinan et autres monuments historiques… Dévoiler les vérités de notre civilisation et notre histoire que l’élite du mal veut embrouiller et effacer. J’ai un livre illustré sur les sites archéologiques de l’Algérie en voie d’édition, des recueils de poésie touchant l’histoire et l’archéologie et plusieurs recherches sur les célèbres personnalités algériennes telles que Sidi Boumediene, Sidi Lakhdar Ben Khlouf, Lala Fatma N’soumer, Abdelkrim El-Maghili, Mohamed Essalah Essedik et d’autres personnalités non ou mal connues jusqu’à présent. Je souhaite que les pouvoirs politiques donnent à notre jeunesse l’espoir, la volonté et la motivation pour bien poursuivre le chemin tracé par nos humbles et sages aïeux, et nos glorieux martyrs.
A. G. HORIZONS 09.05.2015
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire