Omar, 14 ans, se lève tous les matins pendant le Ramadan pour aller vendre le pain et les autres produits fabriqués par sa mère. Il attend les clients parfois pendant de longues heures. Son père a été handicapé par la maladie et le budget familial est serré.
Près d'Omar et de son stand de pain, d'autres garçons âgés de 14 à 17 ans vendent des produits très demandés pour l'iftar, comme le matloue, la kesra, le dioul et le makrut.
Tous ces jeunes partagent le même objectif : aider leur famille à acheter de nouveaux vêtements aux enfants pour l'Aïd et la rentrée scolaire, et procurer une source de revenu halal qui leur évitera de devoir emprunter de l'argent ou de mendier.
Pour de nombreuses familles algériennes, le mois sacré est une occasion de revenu supplémentaire par rapport aux autres mois de l'année. La forte demande en repas faits maison est une bonne occasion de gagner un peu d'argent.
Les gens transforment leurs maisons en ateliers pour préparer la nourriture traditionnelle du Ramadan, comme le bourek et la mehnesha à Alger, la pastilla à l'ouest, le brik à l'est, et les feuilles de dioul partout dans le pays.
Tante Fatima a plus de 70 ans. On peut la trouver tous les matins près du marché populaire du quartier de Bab El Oued à Alger, proposant les produits qu'elle a fabriqués avec l'aide de ses quatre filles non mariées. On la voit portant le traditionnel haik algérien, vous accueillant avec un sourire qui incite à lui acheter quelque chose. Elle sait comment distribuer "des souhaits de bonheur et de bien-être" à tous ceux qui s'approchent.
C'est le destin qui l'a faite entrer dans ce monde, explique-t-elle.
"Mon mari est mort il y a dix ans", raconte-t-elle à Magharebia. "A l'époque, j'avais refusé de vendre dans la rue, malgré les conseils de mes voisins qui m'incitaient à le faire parce que je sais bien faire les feuilles de pâte. Au départ, mes proches m'aidaient à subvenir aux besoins de mes quatre filles."
Elle fait une courte pause, puis poursuit : "Le coût de la vie est devenu très lourd, et je ne peux pas continuer à dépendre des autres."
"Nous avons commencé avec de faibles quantités, mais au fil des ans, mes produits ont été de plus en plus demandés. Mes quatre filles travaillent avec moi. Nous avons déjà réussi à économiser un peu d'argent pour le mariage de l'une d'entre elles l'année prochaine."
Mais la vente de produits pendant le Ramadan n'est pas réservée qu'aux veuves et aux enfants.
Khadija, mère de six enfants, explique : "Mon mari n'a pas un emploi stable, et actuellement, il travaille comme vendeur de fruits et de légumes dans la rue. Ce type de travail est une source d'ennuis pour la famille, surtout quand la police vient et saisit tous ces produits. Nous n'avons alors rien à manger pour le soir."
"J'ai commencé à préparer du pain traditionnel du Ramadan après que ma voisine m'ait expliqué que son mari aimerait le vendre dans son magasin", ajoute-t-elle. Au fil du temps, la quantité de pain a augmenté et les habitants du quartier ont commencé à acheter mon pain pas uniquement pour le Ramadan, mais durant toute l'année."
"J'utilise cet argent pour satisfaire à mes besoins et à ceux de mes enfants, pour qu'ils n'aient pas besoin de chercher l'aide d'autres personnes", explique Khadija.
Mehdia, 18 ans, qui a obtenu son baccalauréat cette année, explique que depuis la mort de son père, elle a commencé à aider sa mère à préparer le dioul, qui demande beaucoup de temps et d'efforts. Elle doit travailler toute la nuit, s'accordant seulement 5 heures de sommeil avant de se lever tôt le matin pour aller distribuer le dioul aux magasins et aux vendeurs ambulants.
"Cette année, je mettrai un peu de cet argent de côté pour payer mes études à l'université", explique-t-elle.
Comme Mehdia, Alia met à profit cette activité saisonnière pour répondre à ses besoins."Je n'ai pas réussi dans mes études, et je n'arrivais pas à trouver un emploi en-dehors de la maison, et j'ai alors eu l'idée de fabriquer du dioul et de la rashta et différents types de pâtisseries. Mon frère m'a encouragée à les faire et à les vendre", poursuit-elle.
"Je me suis aperçu que j'aimais ça, même si c'est très fatiguant. Ma joie est indescriptible lorsque j'achète des vêtements pour moi et pour mes frères et soeurs avant l'Aïd. J'ai même économisé pour acheter deux boucles d'oreille en or", explique-t-elle.
"Il y a une sorte d'étrange bénédiction dans ce travail."
Les jeunes hommes ont eux aussi ouvert de petits ateliers qui fabriquent des pâtisseries à base de dioul, de matloue et de couscous. Ils font des talents des ménagères une manière intelligente de gagner de l'argent, même pour un mois seulement.
Mohammed, 27 ans, un jeune homme de Belcourt s'est associé avec quelques femmes de son quartier pour fabriquer du "dioul et du pain traditionnel". Il a même préparé à l'avance une liste de clients pour s'assurer que ses produits se vendront bien.
Quatre femmes travaillent avec lui cette année. L'an dernier, il n'en avait embauché qu'une.
Ces femmes, toutes âgées de la cinquantaine, préparent "80 morceaux de matloue, 20 kilos de couscous et de dioul chaque jour" en échange d'un salaire mensuel de 15 000 dinars algériens.
"Les salaires sont bons parce que ces femmes ne sont pas chargées d'acheter la matière première", explique Mohammed. "C'est moi qui m'occupe de tout cela."
Les ménagères ont affaire à une forte concurrence de la part de ces jeunes hommes qui essaient de gagner un peu d'argent durant le Ramadan en vendant de la nourriture sur les trottoirs. Les types d'aliments les plus importants sont le bourek ou le brik, qui répand une bonne odeur pendant sa cuisson avant que le muezzin n'appelle à l'iftar. Cette savoureuse fumée attire une foule de gens, qui à leur tour, attirent encore plus de clients.
Abdel Hak, un jeune chômeur, est connu pour vendre du bourek de bonne qualité. Cela lui a même valu le surnom de "boureka" dans son quartier.
"J'ai eu cette idée quand j'ai vu qu'un magasin vendait du bourek", explique-t-il à Magharebia. "Je me suis alors demandé 'pourquoi ne pas faire la même chose ?'. Après quelques jours d'entraînement avec ma mère, j'ai réussi à faire cuire mes premiers boureks."
"Pour être franc, je considérais au départ cette expérience comme une véritable aventure. Je ne pensais pas qu'elle aurait autant de succès", confie-t-il.
Les rues sont remplies après l'iftar, car la viande et les saucisses (merguez) sont cuites sur des grils extérieurs.
"Je commence à recevoir mes premiers clients après les prières du taraweeh", explique Hamza. "C'est à peu près à ce moment que les gens commencent à avoir faim."
Selon les chiffres officiels, il existe près de 150 000 commerçants qui travaillent pendant une période limitée sur près de 500 points de vente stationnaires dans les provinces algériennes. Mais selon l'Union algérienne des commerçants et des artisans, le nombre de marchands ambulants dépasse 1,5 million.
Par Walid Ramzi
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