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7/05/2014

Le combat désespéré de l’OAS après la signature des accords de paix.

L’opposition violente de l’OAS (organisation armée secrète) à toute issue au conflit algérien plonge la capitale dans un cycle infernal. Dans son ultime combat, cette organisation criminelle lance, le 26 mars 1962, ses partisans sur le terrain. Évidemment, elle cherche à faire revenir le gouvernement français sur les accords passés avec le FLN une semaine plus tôt, et ce, en créant une psychose générale. Pour mettre en œuvre son plan macabre, cette organisation, dont l’essence même est violente, est prête à sacrifier les siens pourvu que l’Algérie ne soit pas indépendante. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’à travers cette mobilisation de ses troupes, l’OAS poursuit deux objectifs concomitants : déstabiliser le gouvernement français et empêcher l’avènement de l’État algérien. 
D’une façon générale, dès sa création, la philosophie de l’OAS  consiste à détruire ce que les négociateurs ont du mal à bâtir. Créée en février 1961, elle s’est assignée pour objectif de saboter le processus de négociation en cours. Dans son premier tract du 1er mars 1961, les chefs de l’OAS appellent les Français d’Algérie à se mobiliser, les armes à la main, contre la politique du général de Gaulle. Bien qu’elle n’ait pas joué un rôle prépondérant, à en croire l’historien Guy Pervillé,  dans la préparation du putsch du 21 avril 1961, ses partisans restent tout de même sur le qui-vive. Après l’échec du coup d’État soigneusement planifié par les quatre généraux à la retraite (Challe, Jouhaud, Zeller, Salan), deux d’entre eux, Salan et Jouhaud, s’emparent de l’organisation. De plus, ils n’ont pas de mal à mobiliser les ultras. « En Algérie, les mouvements ultras sont le plus souvent marqués par un antigaullisme et une nostalgie du vichysme  remontant à la Seconde Guerre mondiale », note le professeur d’Histoire à l’Université de Toulouse, Guy Pervillé.
De toute évidence, avant la signature des accords d’Evian, le chef de l’OAS, Raoul Salan, a donné des ordres précis visant à empêcher l’application des accords du cessez-le-feu sur le terrain. Du 19 au 26 mars 1962, Alger connait alors l’une des semaines les plus meurtrières depuis des lustres. Malgré les appels au calme des dirigeants français consistant à rassurer la population pied-noir, le chef de l’OAS, dans une émission radio piratée, exhorte ses subordonnés à « commencer immédiatement les opérations de harcèlement dans les villes, contre les forces ennemies –c’est-à-dire l’armée, les CRS, les gendarmes –, etc. » Semant la terreur, les partisans de l’OAS franchissent le rubican. Ainsi, le 20 mars, un obus est tiré sur le quartier populaire de la Casbah. Le bilan est très lourd : 24 morts et 59 blessés.
Quoi qu’il en soit, bien que les Algériens évitent autant que faire se peut les provocations, ces extrémistes, animés d’une haine viscérale envers les « indigènes », exécutent, sans aucun scrupule, les paisibles passants dans les rues. Au fil des jours, l’OAS –et c’est un euphémisme que de dire ça –se radicalise davantage. Déclarant la guerre aux autorités françaises, les commandos de l’OAS, dans la matinée du 23 mars 1962, s’attaquent à une patrouille militaire à Bab El Oued. Trois soldats y laissent leur vie. Venant à leur secours, les gendarmes sont à leur tour canardés. Cette fois-ci, les pertes se multiplient par cinq. Enfin, pour reprendre le contrôle du quartier rebelle, les autorités font appel à la troupe.
En tout état de cause, en dépit du déploiement des forces légales, la détermination des commandos de l’OAS reste intacte. « La veille [de la manifestation de la rue d’Isly], un des responsables du service d’ordre [de l’OAS] avait montré à l’envoyé spécial du Monde, Alain Jacob, un tract qui lui avait paru invraisemblable, à lui qui avait pourtant vu tant de choses à Alger : les chefs de l’OAS y proclamaient que les forces françaises devaient dorénavant être considérées comme des troupes étrangères d’occupation », note Jean Lacouture dans une tribune au journal Le Monde, le 25 mars 1972.
Par ailleurs, pour libérer le quartier assiégé, l’armée emploie les grands moyens, dont l’aviation. Tout compte fait, c’est pour briser le blocus sur le quartier de Bab El Oued que l’OAS appelle à une manifestation le 26 mars 1962. En tout cas, bien que le préfet de police interdise la manifestation, les commandos de l’OAS la maintiennent. À 14 heures, le 26 mars, une procession d’environ 4000 pieds-noirs prend le départ à partir du plateau des Glières. Cette foule déchainée se dirige vers Bab El Oued. Prévoyant des débordements monstrueux, comme l’ont fait les commandos OAS à chacune de leur manifestation, les autorités françaises mobilisent tous les services, y compris l’armée. Bien que celle-ci ne soit pas formée pour de telles taches, force est de reconnaitre que les commandos de l’OAS n’ont pas l’intention de manifester pacifiquement. « À partir de 14h30, la foule est immense, et son audace croit. Des injures partent en direction des tirailleurs : « espèces de fellagas ! » Les chefs de l’OAS sentent qu’ils sont peut-être sur le point de faire sauter le verrou et poussent en avant la foule surexcitée. Le jeune lieutenant algérien et ses hommes sont roulés comme une vague. À 14h45, une rafale de fusil-mitrailleur claque en direction de la troupe, du balcon du 64 de la rue d’Isly. « On me tire dessus ! », lance dans son émetteur-récepteur le lieutenant Ouchène Daoud, dois-je riposter ? » Le PC du régiment donne le feu vert », écrit encore Jean Lacouture.
En somme, après la fusillade, qui a duré un laps de temps très court, le bilan est lourd : 41 morts et une centaine de blessés. Naturellement, toutes les victimes ne sont pas atteintes pas les rafales des militaires. Les tirs dans le tas des commandos de l’OAS pourraient être à l’origine de la mort d’une bonne partie de ces victimes. Enfin, il va de soi que la volonté criminelle de l’OAS de ne pas accepter les accords de paix est à l’origine du sang versé. En outre, bien qu’on ne puisse pas faire le procès des personnes mortes, il est clair que leur cause allait à contre-courant de la majorité du peuple français et du peuple algérien. D’ailleurs, sont-elles mortes pour la France ? La réponse est non. Le référendum de pour  l’autodétermination du peuple algérien en janvier 1961, en France,  a recueilli près de 90% de oui. Quant aux responsables de la tragédie du 26 mars, « l’OAS porte la plus lourde responsabilité de ce drame », conclut l’historien Alain Ruscio.  


Ait Benali Boubekeur      
     

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