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6/23/2014

Tiaret : la prise de la smala d’Abdelkader le 16 mai 1843



En ce mardi 16 mai de l’année 1843, la capitale mobile de l’Emir Abdelkader, la smala, tombe aux mains des français, à Taguine dans la vallée de l’oued Touil, actuellement « Zmalet Emir Abdelkader ».
Au mois de mai 1843, l’Emir Abdelkader parcoure les environs de Tagdempt pour surveiller de près les manœuvres de La Moricière qui est dans la région où il vient de fonder le poste de Tiaret.
La smala est établie dans le haut Chélif, à proximité de la source de Taguine dans la vallée de l’oued Touil, à moins de 100 km au sud de Boghar où le duc d’Aumale, l’un des jeunes fils du roi, a constitué un dépôt considérable. Il en est parti le 10 mai, décidé à mettre la main sur la capitale mobile de l’Emir Abdelkader. Après plusieurs jours de marche sous un soleil de plomb, à travers l’espace immense des plaines de sable ondulées, coupées de champs d’alfa, sans rencontrer la moindre trace de vie, le prince décide d’abandonner sa mission pour aller vers une source d’eau. Mais une rencontre change ses plans. Celle du caïd des Ouled Ayad (région de Teniet el-Had), Ahmeur ben Ferhat, qui a rallié la cause française en 1842. Il affirma que la Smala tout entière est campée près de la source de Taguine.
La colonne française qui comprend 1300 fantassins, 600 cavaliers et un convoi de 800 chameaux et mulets, se scinde en deux puis en trois corps et c’est seulement avec 500 cavaliers que le duc d’Aumale attaquera l’immense campement.
Le 16 mai, la cavalerie apparaît et se déploie sur un mamelon pierreux qui domine la source de Taguine. Un premier échelon, composé des spahis et du goum, s’ébranle au trot ; il est commandé par le colonel Yousouf. Le prince le suit avec les chasseurs et gendarmes dont il a formé sa réserve.
« Le spectacle était invraisemblable. Imaginez, au milieu d’une plaine légèrement creusée où coulent les eux de la source de Taguine, arrosant un fin gazon, un campement s’étendant à perte de vue et renfermant toute une population occupée à dresser les tentes, au milieu des allées et venues d’innombrables troupeaux, de bêtes de toute espèce ; hommes, femmes, enfants, chevaux, mulets, moutons, de quoi remplir plusieurs escadres d’arches de Noé. C’était grandiose et terrifiant », raconte le général du Barail.
Effectivement, un mouvement du terrain leur laisse voir l’immensité de la ville de tentes et cette fourmilière d’hommes qui courent aux armes. La smala compte pas moins de 10000 hommes armés, dont 2090 cavaliers et 600 fantassins présents.
Les troupes, épouvantées, se débandent et le duc d’Aumale craint une contagion de la peur parmi ses hommes. Et c’est sur l’audace qu’il compte pour réussir la mission. Le prince fait donc oblique à droite avec le deuxième échelon et dépasse le premier ; les officiers les entraînent, et bientôt la ville mobile de l’Emir Abd el-Kader est atteinte.
La résistance s’organise au sein de la smala : la cavalerie des Hachems, tous parents de l’émir, veut arracher aux assaillants les familles et les richesses. Tandis que de rapides dromadaires entraînent les femmes que l’on enlève des tentes avec tout ce qu’elles contiennent de plus précieux, les hommes saisissent leurs fusils, se jettent sur leurs chevaux, se rallient et s’élancent au combat. Le prince doit faire face à un ennemi bien supérieur en nombre. Il détache sur la gauche un peloton commandé par le sous-lieutenant Delage ; ils vont être entourés, lorsque le sous-lieutenant de Canclaux, envoyé à leur aide, les dégage.
À droite, le capitaine d’Espinay renverse avec son escadron tout ce qu’il a devant lui, et va arrêter au loin la tête des fuyards ; tandis que le lieutenant-colonel Louis-Michel Morris par son intervention avec trois pelotons de cavalerie assure la victoire. « Le lieutenant-colonel Morris chargea à droite avec les chasseurs ; le colonel Yousouf à gauche avec les spahis et le prince se porta sur le centre avec une petite réserve. On aurait de la peine à se faire une juste idée de la confusion qui régna pendant une heure au milieu de cette foule surprise ainsi au sein de la plus profonde sécurité. Les guerriers ennemis n’ayant pas eu le temps de se réunir furent réduits à se défendre individuellement dans l’intérieur même du camp. Les cris des femmes, les pleurs des enfants, le bruit des armes de tant de combats individuels, remplissaient l’air d’un horrible fracas, au milieu duquel se perdait la voix des chefs. Enfin les assaillants étant trop nombreux pour tout prendre, firent une coupure dans cette ville ambulante, chassèrent devant eux la partie la partie qu’ils avaient séparée de la masse, et laissèrent fuir le reste… », raconte Pellissier de Reynaud.
Les pertes au combat s’établissent à 300 guerriers algériens tués pour 9 tués et 12 blessés parmi les soldats français. Le butin est considérable car toutes les richesses de l’Emir et celles de ses khalifas étaient déposées à la smala, dont de nombreux documents et manuscrits uniques sauvés de Grenade ou de Cordoue, que possédait l’Emir. Ce dernier pleurera lorsqu’il découvrira que sa bibliothèque a été anéantie.
L’effet psychologique est immense. Mais contrairement aux affirmations des militaires français, la prise de la smala n’a en rien précipité les choses. L’Emir Abdelkader résistera encore quatre longues années avant de se soumettre aux français.

Z.M.
Sources :

Mes souvenirs, TOME 1er 1820-1851, Prise de la smala. Algérie, mai 1843, par Général de Barail. 6ème éditions. E. PLON. PARIS, 1894.
Les prisonniers de la smala d’Abd el-Kader, par Xavier Yacono. In  Revue de l’Occident musulman et de la Méditerranée. Année   1973, volume   15, numéro   15-16.
 Annales Algériennes, par Pellissier de Reynaud. Edition de 1936.

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