Nombre total de pages vues

12/01/2016

Oléiculture : Une journée au dernier moulin traditionnel à Sefiane

Bonne récolte d’olive pour cette saison au chef-lieu de daïra N’Gaous, mais aussi dans les autres localités, comme Boumagar, Tifrène et Sefiane. Et c’est précisément dans cette dernière que se trouve l’ancien moulin de Krimil Ali, artisan de père  en fils.

En effet, Ami Ali, comme tout le monde l’appelle, a hérité de son père aussi bien le savoir-faire que le moulin, qui existe depuis 1935. Le chef de famille en avait fait aussi une cache pour les maquisards durant la guerre de Libération. De nos jours, le moulin est la destination des oléiculteurs des différentes localités, des plus proches aux plus éloignées, désireux de presser leur récolte « à l’ancienne », comme ils disent. Il est à peine 06H du matin quand les premiers clients commencent à arriver, ils se trouvent une place à l’intérieur du  moulin. Le propriétaire des lieux les invite à prendre du café encore chaud, que le cadet vient de ramener. L’artisan avait fait le nécessaire avant l’arrivée de sa fidèle clientèle, et cela depuis plusieurs jours. Nettoyer les lieux et les scourtins (sorte de panier avec un filtre pour recevoir les olives avant la presse et qui remontent à l’Antiquité), ramener du bois en quantité, huiler et graisser les différents leviers de la presse. On l’actionne à la force des bras, mais aussi et surtout on prend soin de la bête, qui va, à elle seule, supporter la moitié de la charge du travail. Ami Ali nous affirme qu’il arrête le travail dès qu’il constate que le mulet donne des signes de fatigue. Premier arrivé, premier servi. Kamel, un jeune oléiculteur de Tifrène, est arrivé avant tous les autres, il a même aidé âmi Ali. Le jeune fellah  n’a pas ramené toute sa production,  il fait presser une partie à l’ancienne, pour les besoins de la famille. Chez lui, on ne consomme pas d’huile d’olive pressée dans le nouveau moulin. C’est le cas de la majorité des anciens et d’une partie des nouveaux producteurs, qui vendent une grande partie de leur production aux unités de transformation et aux revendeurs. D’un geste précis et plein d’assurance, Ami Ali verse un  grand bidon chargé d’olives dans la cuve en pierre taillée et fait avancer la bête pour donner le coup d’envoi à cette journée, qu’il « souhaite bénéfique pour tous », murmure-t-il. Le broyage entre les deux pierres (meule et cuve) commence. Il ne manque pas de vérifier à chaque fois et avec grande attention la meule qui ne doit pas trop peser sur les fruits (olives) pour ne pas écraser les noyaux qui risque de donner un goût amer à l’huile, mais elle doit aussi assez peser pour extraire la totalité du précieux liquide. En dérapant sur le fond des cuves, les meules ne font pas que broyer les olives, elles malaxent la pâte afin de faire éclater les vacuoles qui sont les cellules de graisse de la pulpe. C’est un système très doux pour les olives où les risques de surchauffe sont inexistants, nous explique le fils de Ami Ali, venu donner un coup de main. C’est pour ce savoir-faire que beaucoup préfèrent le moulin traditionnel. Pour récupérer l’huile contenue dans la pâte, on remplit les scourtins de cette même pâte, qu’on installe dans une presse qu’on actionne à la force des bras et là, tous les présents viennent servir de force motrice en pressant au maximum pour extraire l’huile. On arrose les scourtins d’eau chaude pour favoriser l’extraction de l’huile. Du fruit à l’huile, tout se fait sans précipitation ni excès, les présents participent à chaque étape et donnent un coup de main et se font aider à leur tour. Une sorte de mini touiza qui se renouvelle chaque jour que Dieu fait. On ignore pour combien de temps encore Ami Ali va faire tourner son moulin, car ça et là, des manufactures et des unités de transformation s’installent et proposent un produit vite fait et prêt à la consommation. L’artisan compare avec humour les prestations de ces unités et moulins électriques aux poulets de batteries, en disant que c’est vite fait, mais mal fait. Par contre, le moulin traditionnel est comparé aux poulets de grains, s’enorgueillit-il, «ça prend certes du temps, de l’effort, mais pour le goût on ne trouve pas mieux»..
Écrit par  JUBA RACHID

Aucun commentaire: