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8/04/2017

Arts populaires, «classicisme» et culture authentique Un socle solide pour une politique culturelle efficiente

A ce propos, des auteurs comme Kateb, Mammeri, Dib, Feraoun ou Djebbar, qui passent de nos jours pour des classiques, ont su transmettre, avec une rare fidélité, la quintessence des contes et des ambiances anciennes. Leurs œuvres traduisent la mentalité et l'affect de l'être algérien. 
Même sans aucunes références spatio-temporelles, on s'y retrouverait aisément et on s'y identifierait du premier coup. Pour ces premiers pas, le théâtre a pareillement puisé dans cette culture populaire, orale et prolifique, pour se forger une image et un contenu dans lesquels on s'y reconnaît avec autant de naturel. On peut, à l'envie, étendre cette comparaison pour la musique, les arts plastiques, le design, le cinéma, la BD, la chorégraphie et le graphisme. 
Bref, tous ces arts authentiques constituent, en quelque sorte, des balises invisibles pour les jeunes créateurs qui, inconsciemment, s'y réfèrent quand ils croient s'en éloigner. A l'évidence, les puristes dans tous ces styles d'expression artistique et ces modes production culturelle, en gardiens de ce que le pays a de plus précieux, doivent bénéficier d'une attention particulière.

Dans tous les domaines, on évolue toujours par rapport à quelque chose de préexistant. Une espèce de référence collective, de repère commun et admis de tous. Les notions comme le bien et le mal, le beau et le laid, émanent de cette matrice fondamentale, fondée autour d'un ensemble de valeurs morales et esthétiques. Dans le domaine de la culture et de la création, les arts authentiques représentent justement ce socle, ce substrat, solide et puissant, sur lequel tout le reste repose. Chaque pays dispose de son propre patrimoine «génétique» dans ce domaine.
Les chants populaires algériens, avec leurs diverses tonalités, constituent, par exemple, la souche originelle - l'âme, pour ainsi dire -  de nos musiques d'aujourd'hui. La chanson kabyle, folklorique ou moderne, tire son identité du chant ancestral de nos aïeules, appelé l'Ourar. Au fil du temps, cette ritournelle première a subi des influences étrangères et bénéficié d'apports extérieurs (grecques, arabo-musulmans, turcs, français, etc.), mais son essence est restée intacte depuis des siècles. Dans cette même logique, le raï doit presque tout au chant bedoui. Le hawzi et le chaâbi, avec leurs styles très variés, ont aussi une racine semblable qui leur confère ce label typiquement «algérien». On pourrait dire autant pour le gnawa, le staifi, le naili, le sahraoui et tant d'autres sonorités qui font aujourd'hui toute la richesse de la musique algérienne. La poésie, à peu de chose près, tire aussi sa substance du même substrat. Le roman et la littérature épousent des cheminements semblables.
A ce propos, des auteurs comme Kateb, Mammeri, Dib, Feraoun ou Djebbar, qui passent de nos jours pour des classiques, ont su transmettre, avec une rare fidélité, la quintessence des contes et des ambiances anciennes. Leurs œuvres traduisent la mentalité et l'affect de l'être algérien. Même sans aucunes références spatio-temporelles, on s'y retrouverait aisément et on s'y identifierait du premier coup. Pour ces premiers pas, le théâtre a pareillement puisé dans cette culture populaire, orale et prolifique, pour se forger une image et un contenu dans lesquels on s'y reconnaît avec autant de naturel. On peut, à l'envie, étendre cette comparaison pour la musique, les arts plastiques, le design, le cinéma, la BD, la chorégraphie et le graphisme. Bref, tous ces arts authentiques constituent, en quelque sorte, des balises invisibles pour les jeunes créateurs qui, inconsciemment, s'y réfèrent quand ils croient s'en éloigner.
A l'évidence, les puristes dans tous ces styles d'expression artistique et ces modes production culturelle, en gardiens de ce que le pays a de plus précieux, doivent bénéficier d'une attention particulière. Toute politique culturelle efficiente devrait se reposer sur ces artisans de la culture majeure, cette grande source qui irrigue tout le système. «Dans toutes les disciplines de l'art, les avant-gardistes et les créateurs ne peuvent être s'il n’y avait pas, d'abord, les puristes qui préservent les trames originelles auxquelles se rattachent les premiers», résume, à ce propos, un confrère. «C'est pour cela qu'il est primordial de soutenir et d'encourager ces ‘‘gardiens du temple’’, sans pour autant disqualifier les novateurs et les chercheurs qui en élargissent les horizons», préconise-t-il. Tout est dit. L'art et la culture authentiques, en base de toute création spécifiquement algérienne, méritent d'être au centre des préoccupations des pouvoirs publics, du mouvement associatif et des  mécènes. C'est, en quelque sorte, l'arôme et le concentré à partir desquels s'élaborent et se développent de nouvelles recettes et de nouvelles saveurs.
C'est pourquoi un intérêt particulier doit être réservé aux maîtres et aux dépositaires de la culture nationale (musique, poésie, narration, théâtre, artisanat…) qui incarnent le patrimoine immatériel du pays. Il est, de ce fait, nécessaire de soutenir ces conservateurs pour partager leur savoir-faire et leur passion avec les jeunes générations. Cette mission de transmission du flambeau est évidemment vitale, voire prioritaire.
 Par Kamel Amghar

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