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8/04/2017

Annaba : Patrimoine abandonné, histoire balayée


L’immense patrimoine matériel et immatériel national accumulé depuis des milliers d’années n’est «visité» qu’une fois par an à l’occasion du mois consacré à cette richesse inquantifiable et inestimable pour ensuite retomber dans l’oubli.
Cette visite qui se résume à des émissions radio ou télé avec de petites sorties timides sur le terrain ne suscite pas vraiment l’intérêt des citoyens car se limitant à des discours banals et ordinaires ressassés à chaque fois comme s’il s’agissait de se débarrasser d’une corvée  et ainsi meubler un programme.
A la vérité l’on ne s’embarrasse pas trop de la culture en général et du patrimoine en particulier car jugés sans intérêt et sans rendement immédiat. Ainsi les sites archéologiques dont regorgent les régions du pays sont à l’abandon si ce n’est quelques semblants de clôtures qui ne dissuadent même pas les bêtes qui y pénètrent pour brouter cette herbe grasse qui a envahi ces trésors. Alors pour les pillards et les voleurs de toutes sortes, c’est une véritable aubaine puisqu’ils ne craignent rien ni personne s’accaparant des biens cultuels appartenant à l’Histoire de tout un pays. Sesterces, outils d’époque statuettes, pierres portant des inscriptions puniques et libyques, des trésors déterrés et qu’on se dépêche de cacher pour les sortir du pays pour enrichir des collections privées ou des musées étrangers.
L’Antique Hippone périclite à l’entrée est de la ville d’Annaba, ces vestiges de civilisations passées, ces pierres qui parlent et racontent les gloires passées, ces statuettes, gardiennes de l’Histoire et qui contemplent cette modernité qui a tout détruit, sont envahies par la mauvaise herbe et des troupeaux d’ovins et de bovins qui foulent sous leurs pattes des trésors inestimables. Ici pas de touristes, pas de spécialistes en archéologie, pas de guides touristiques et encore moins de visiteurs locaux. Le site est abandonné aux phénomènes naturels, pluies, vents, soleil qui continuent à le dégrader sans pour autant que l’on ne s’inquiète pour y ordonner des travaux de restauration, pas même une action de nettoyage ou de désherbage. 
Le musée construit sur une colline surplombant le site n’intéresse personne, pas un groupe de touristes en vue pas même une visite et on aurait dit que ce temple de l’histoire est là juste pour conserver des vieilleries sans importance, une sorte de dépôt comme tous les autres. 
A l’ouest du site, des constructions ont poussé piétinant des espaces protégés, des ouvertures ont été pratiquées dans la clôture longeant la petite route en contrebas de la Basilique Saint Augsutin, située à quelques centaines de mètres. Une route encombrée de tonnes déchets de matériaux de construction qui n’inquiètent aucunement les autorités. Pour le patrimoine, on repassera et ce ne sont pas ces émissions et ces palabres inutiles qui changeront quelque chose à la situation de dégradation générale qui sévit en ces lieux chargés d’histoire.
A Souk-Ahras, de l’Antique Taghaste ville de naissance  de Saint Augustin de Maxime le Grammairien, ne subsiste presque rien exceptés quelques vestiges rassemblés, représentés par quelques pièces archéologiques qu’on a conservées dans un espace clos interdit au public. A l’Antique Madauros, (Madaure)  du côté de M’daourouch à une trentaine de kilomètres à l’ouest du chef-lieu de wilaya, des ruines romaines s’étendent à perte de vue. 
Déjà en empruntant la route nationale conduisant au site, on remarque sur les hauteurs, en pleine montagne les vestiges de la voie romaine avec des pavés qui en constituent les limites et qui sont visibles de loin. 
Le site où se dresse encore une sorte d’arc de triomphe sous lequel on passe pour découvrir le théâtre romain avec ses gradins et la scène principale au centre. Les gradins complètement dégradés où poussent des herbes folles sont fissurés et par endroits complètement détruits. 
Les thermes, le forum, les aqueducs, le système d’alimentation en eau potable n’existent plus, même les pierres ont disparu.  Ne restent de l’Université de Madaure, la première en Afrique, où a étudié le saint homme que quelques vestiges difficilement reconnaissables pour le profane. 
Une forfaiture commise contre l’Histoire, l’ignorance et le désintérêt pour ce pan de notre histoire y est pour beaucoup. 
Un patrimoine qui s’en va et qui se perd faute de prise ne charge réelle. Or ce patrimoine peut être une source de richesse pour peu qu’on s’y intéresse vraiment. 
Des circuits touristiques avec des guides bien formés peuvent être créés et pourraient drainer des milliers de visiteurs, cela boostera l’activité et donnera un nouveau souffle à l’artisanat dans toute la région. Mais pour cela, il faudrait d’abord qu’il y ait une réelle volonté de la part des responsables pour que cela se concrétise.
M. R.

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