Nombre total de pages vues

11/08/2016

Batna / Anciens métiers : Artisan matelassier, un métier de patience et un savoir-faire


A un moment où le rapide, le facile fait rage et ravage, travailler peu et gagner vite, n’importe comment, n’importe où, il existe encore des artisans qui n’ont d’autres ressources de revenus que leur savoir-faire et une prestation de services qu’ils accomplissent d’ailleurs avec habilité.
C’est dans une modeste bicoque, rue Grine-Belkacem, que Mohamed Bediar exerce le métier d’artisan matelassier (tarrah) depuis l’âge de 12 ans. Il a quitté sa ville natale, Rmila, dans la wilaya de Khenchella, pour venir s’installer dans la capitale des Aurès, où son père pensait trouvait du travail, c’était bien avant l’Indépendance. 

Dans une atmosphère de travail, où se mélange la lumière du jour à celle d’une lampe installée juste au-dessus de sa tête, Mohamed entame la confection d’un nouveau matelas, une commande pour la dot d’une future mariée, nous dit-il. Les commandes faites pour les nouveaux couples constituent une bonne partie de son chiffre d’affaires, même si ce marché n’a pas été épargné par le produit contrefait de très mauvaise qualité, souligne-t-il sans quitter du regard la grande aiguille qu’il venait d’enfoncer sur le bord du matelas. 
De fil en aiguille, c’est le cas de le dire, Bediar Mohamed nous raconte son parcours d’artisan qui a commencé assez tôt. Il a fait ses premiers pas en tant qu’apprenti à l’âge de 12 ans, se rappelle-t-il, non sans grande nostalgie. « Nous étions une famille nombreuse et l’école était réservée aux enfants des colons. Il y avait beaucoup de bouches à nourrir et il fallait que j’aide mon père. J’avais à peine 12 ans, quand oncle Sahnoun Mohamed, artisan matelassier, m’a pris pour m’apprendre le métier. A l’époque, on n’avait pas de magasin, nous étions des artisans ambulants, comme d’ailleurs les vitriers, les rémouleurs… 
On allait chez les gens pour confectionner les matelas, ou bien chez certains fournisseurs et vendeurs de matelas. 
Si ma mémoire est bonne, il y avait un fournisseur du nom de Houamel, ou encore Khellaf, ou Belferague. 
On leur donnait toujours satisfaction et donc ils faisaient souvent appel à nos services. »
Reconnaissant et le sourire au coin des lèvres, Mohamed nous dit que c’était bien payé à l’époque, la confection d’un matelas coûtait 50 centimes, alors qu’un matelas deux places rapportait 450 centimes. «Une belle somme», nous dit-il. 
Sans pour autant être le patron, le jeune artisan rapportait à sa famille un plus apprécié par son père. Après avoir été apprenti durant cinq ans, Mohamed s’est mis à son compte. Il avait bien appris le métier, les astuces et les secrets qu’il faut connaître pour se faire une place, car il y avait d’habiles artisans à l’époque. 
M. Bediar ajoute à ce sujet : « Il fallait connaître toutes les opérations de la laine brute, qu’il faut rendre souple en la cadrant avec le crin, les aérer dans différentes opérations, grâce à une planche munie de pointes en acier. Rembourrer, cirer le fil… en somme savoir tout faire, dans six ou sept opérations, jusqu’à obtenir un matelas confortable qui plaira aux clients mais surtout aux clientes. » 
Ce n’est qu’en 1993, que Mohamed Bediar s’est installé dans son nouveau magasin, où il continue de confectionner des matelas pour une clientèle fidèle qui préfère la laine à d’autres produits, comme la mousse, que l’artisan considère comme un sous-produit de moindre qualité avec son lot de gêne et d’inconfort.
Cependant, ce qui semble le plus troubler l’artisan, c’est que les jeunes ne s’intéressent plus aux anciens métiers, à commencer par ses propres fils. Il a une petite satisfaction, quand des filles passent le voir, de temps en temps, pour lui demander de leur apprendre à faire telle ou telle tâche. Ce qu’il fait avec plaisir. 
Écrit par  JUBA RACHID

Aucun commentaire: