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7/09/2014

Amazighité et Andalousie : ou la théorie des vases communicants

C’est en l’an 711 que le chef berbère, Tariq Ibn Ziyad, part à la conquête de l’Espagne wisigothe à la tête d’un contingent de près de 7000 (certains parlent de 12 000) Amazighs issus de tribus récemment converties à l’islam.

De notre envoyé spécial à Fès (Maroc)

Ils sont accompagnés de 27 Arabes chargés de leur apprendre les préceptes de leur nouvelle religion. Arrivé sur les rives espagnoles, la légende raconte que le conquérant berbère a ordonné de brûler tous ses vaisseaux en lançant sa fameuse phrase : «L’ennemi est devant vous et la mer derrière vous. La mort derrière, la mort devant. Seule une victoire sur l’ennemi vous sauvera des deux périls.» Tariq avance en conquérant et engrange victoire sur victoire. Jaloux des succès militaires et du butin qu’il a amassés, le général omeyyade, Moussa Ibn Nuçayr, qui l’avait mandaté pour la conquête de la péninsule ibérique, le rejoint en Espagne avant de le spolier de sa victoire.

Tariq Ibn Ziyad, dont le nom a été arabisé par les historiens, meurt à Damas en l’an 720. Depuis cet épisode, les Amazighs, qui joueront un rôle de premier plan dans l’édification de la brillante civilisation de l’Andalousie, verront leur apport et leur contribution systématiquement minimisés ou superbement ignorés, au point où l’on évoque toujours une civilisation arabo-musulmane, hispano-mauresque ou bien encore arabo-andalouse où l’élément amazigh, pourtant prépondérant, est toujours exclu. «Amazighité et Andalousie, droit d’appartenance et hospitalité», tel a donc été le thème du 9e Festival de la culture amazighe qui s’est tenu dans la ville de Fès du 5 au 7 juillet.

Outre les axes dédiés à la chanson, à la poésie et aux arts amazighs, un congrès scientifique animé par d’éminents universitaires a tenté de mettre l’accent sur la signification historique et sociale de la culture amazighe, son rôle dans la compréhension de l’histoire et le renforcement des échanges culturels et de la coexistence. «Pourquoi ce silence sur le rôle actif des Berbères durant la présence de l’islam en Espagne ?» C’est la question que se pose le chercheur tunisien, Abdelwahab Meddeb, de l’université de Paris-Ouest, pour lequel il serait plus juste d’évoquer une Andalousie arabo-berbère plutôt qu’arabo-musulmane.

Cela étant, les Amazighs ont été le premier élément conquérant et le deuxième élément ethnique d’Al Andalous. Du VIIIe au Xe siècles aura lieu la première grande migration vers une Andalousie où l’on retrouvera une très forte présence des trois grandes confédérations amazighes (Masmouda, Sanhadja et Zenata). «L’architecture hispano-mauresque est avant tout amazighe», dit Meddeb, même si le mot mauresque renvoie immanquablement à la Maurétanie, pays des Maures de l’Antiquité, qui englobait le Maroc actuel et le centre de l’Algérie. Le rôle des Amazighs dans la création de grands empires sera également souligné tout comme on reviendra, quoi que trop brièvement, sur l’épisode almoravide et almohade. D’autres intervenants, historiens, anthropologues et chercheurs de plusieurs universités des quatre continents ont tenu à souligner la participation des Amazighs à la grande histoire.

Tout comme ils ont relevé les différents aspects de la contribution de la culture amazighe dans la civilisation andalouse à travers l’art, l’architecture, la société, la politique, la gastronomie et bien d’autres domaines encore, ainsi que les empreintes berbères persistantes en Andalousie dans la toponymie, les monuments historiques, les manuscrits ou bien encore les savants andalous, avec des exemples précis comme l’épisode sanhadjien dans la Grenade ziride. Après la reconquête espagnole et la chute du dernier royaume andalou, c’est l’effet inverse qui se produit. L’arrivée massive des réfugiés andalous et mauresques en Afrique du Nord aura une grande influence sur les Amazighs dans tous les domaines. C’est ainsi que, durant plusieurs siècles, amazighité et Andalousie auront été des vases communicants.

Djamel Alilat

el watan

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