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7/22/2014

179e anniversaire de la «Moubayâa» de l’Emir Abdelkader : De Ghriss à Taza…

Taza, c’est ce lieu choisi par l’émir Abdelkader pour y ériger une place forte, une de ces citadelles à l’instar de celles de Boghar, Sebdou, Tagdempt et Saïda qui constituaient la troisième ligne de défense après celles du littoral et du Tell pour contenir et repousser l’armée colonialiste.
Taza, nous révèle M. Bouyahiaoui Azzedine, enseignant à l’université d’Alger, spécialisé en archéologie médiévale mais qui s’est versé dans l’archéologie islamique, « a été choisie par l’émir Abdelkader au regard de sa position géostratégique ». Dans sa conférence au programme d’une journée d’étude sur le passage de l’émir Abdelkader dans la région abritée hier par la bibliothèque centrale d’Aïn Defla-ville, le D. Bouyahiaoui a révélé à l’assistance cette facette du génie militaire de l’émir. Située au sud-est du chef-lieu de l’actuelle wilaya d’Aïn Defla, dans la commune de Bordj-Emir-Khaled, Taza signifie sur le plan étymologique « passage entre deux mamelons », une place fortement escarpée en contrebas de laquelle coule un oued. Des fouilles entreprises sous sa direction depuis l’année 2000 ont permis d’attester que cette place forte a été construite en lieu et place d’une citadelle romaine et que Taza existait déjà lors de la dynastie Rostémide. Un choix tout comme celui de la manufacture d’armes de Miliana dicté par la configuration du terrain et l’existence d’eau, un oued ou une source d’eau comme c’est la cas pour la place forte de Saïda devait expliquer dans sa conférence Mr. Abbes-Kebir Benyoussef, archéologue et actuel directeur de la manufacture d’armes de Miliana. Un choix qui devait obéir à une stratégie à plusieurs dimensions, aussi bien militaire que socio-économique.  Sécuriser les villes de Tlemcen Mascara et Miliana, empêcher l’armée coloniale de se déployer mais également nourrir et armer l’armée de l’Emir tout en assurant une fixation des populations en favorisant une activité économique et commerciale. Si Boghar se spécialisait dans la fabrication du baroud, Tagdempt elle fabriquait des fusils, Saïda les munitions et Miliana les canons. Pour le Dr. Mohamed Bensmaili, écrivain et membre de la commission nationale d’écriture de l’histoire, la province de Miliana du temps de l’Emir Abdelkader s’étendait de l’Oued Fodda jusqu’à l’Oued Mazafran et de son départ de la vallée du Ghriss, son armée n’a cessé de grossir à chaque escale, chaque passage et, entre les localités d’El-Attaf et Rouina, elle est rejointe par les hommes de Menacer, Hadjout, Koléa et ses environs emmenés par El-Hadj Mohamed Seghir Mahieddine qui est aussitôt désigné comme Khalifa par l’Emir Abdelkader. C’est son neveu, Mohamed Ben Allel Ben Embarek qui devait lui succéder par la suite. Un des illustres lieutenants de l’Emir dont le masque mortuaire trônait dans l’exposition abritée par le hall de la bibliothèque aux côtés du livre écrit par un de ses descendants, M. Mohamed Embarek, une Tête dans un sac, et qui était présent pour une vente dédicace. Ben Allel avait été décapité lors de la bataille d’El-Malleh. Sa tête exhibée comme un trophée de guerre par les sinistres généraux qu’il avait combattu comme un lion. A Oran puis Alger avant d’être ramenée à Koléa où à sa vue sa mère stoïque et fière a déclaré à l’officier français : « Grâce à Dieu mon fils est mort en chahid. » Aux pleurs et cris hystériques attendus, des youyous stridents ont acclamé cette mort héroïque.
Abderahmane MAROUF ARAIBI         

Manufacture d’armes de l’Emir Abdelkader : Du premier canon fabriqué en Novembre 1839 à la première balle de Novembre 1954

Le long cheminement de la résistance contre l’occupant colonialiste

La toute première balle qui a été tirée pour le déclenchement de la glorieuse Révolution de Novembre n’a-t-elle pas été forgée dans le fourneau de la manufacture d’armes de l’émir Abdelkader, n’a-t-elle pas en tout cas raffermi le bras et le doigt qui a pressé sur la gâchette, conforté cette volonté dans la justesse de sa cause, cette noble cause de libération de tout un pays, de tout un peuple de l’ignominie d’un colonialisme abject qui ne s’est pas contenté seulement de spolier les terres et de déraciner des populations entières réduites à l’esclavage, mais de perpétrer un déni identitaire en creusant en parallèle aux cultures pour l’exploitation de cette nourricière terre d’Algérie, les sillons de l’acculturation de tout un peuple.
Située en contrebas de la ville de Miliana engoncée dans une gorge naturelle formée des piémonts du mont du Zaccar, la manufacture d’arme dispose d’une position on ne peut plus stratégique autant pour sa fortification et sa défense que pour la vision qu’elle offre sur la vallée du Chélif qu’elle domine de sa hauteur, permettant de fait aux sentinelles de repérer le moindre mouvement dans la plaine. Le choix de l’émir Abdelkader se trouve d’autant plus pertinent que coulaient dans les lieux deux oueds dont l’oued El-Annassers aux flots et débit conséquents. Sur les lieux, se trouvaient des maisonnettes arabes, des « haouchs » qui loin d’être réquisitionnés pour la cause sont gracieusement mis à la disposition de l’Emir par leur propriétaires pour l’hébergement et la restauration des ouvriers de la manufacture. La visite guidée du directeur de la manufacture est une véritable plongée dans cette page de la longue lutte et de la résistance des algériens face à l’occupant colonialiste. En fin conteur, Abbès Kebir Benyoussef nous replonge dans le contexte de l’époque et nous explique le fonctionnement de cette manufacture décidée et voulue par l’Emir Abdelkader pour approvisionner ses troupes en armes. Nous sommes en 1839, l’émir Abdelkader est à Miliana pour organiser la résistance et barrer la route à la soldatesque coloniale qui venait de prendre pied à Sidi-Fredj et s’enfonçait dans les terres intérieures. «  le site particulièrement escarpé, sa position stratégique, l’abondance des eaux, la disponibilité du fer dont l’exploitation des minerais dans les monts du Zaccar venait tout juste de commencer sont autant de facteurs qui ont conforté l’Emir dans la justesse de son choix » explique t-il. Le système de fonctionnement usité était celui en vigueur à l’époque de par le monde, « le système de la forge à la catalane, des pompes hydrauliques qui faisaient tourner une grande roue laquelle à son tour actionnait le martinet, une enclume géante qui façonnait et domestiquait le fer ». Une énergie hydraulique  présente pour une demande pressante en armes. « Des canons, des affûts de canons, des baïonnettes et des souliers d’infanterie. » Des souliers, nous apprend M. Abbès Kebir en fer munis de crampons pour une bonne adhérence au sol et d’un habillage en fer  pour protéger les traditionnels souliers en cuir.
Novembre, 1839 le premier canon...
C’est un ingénieur minéralogiste français qui s’était mis au service de l’émir qui gérait la manufacture. Alquier Cazes subjugué par l’aura et la forte personnalité de l’émir avait déserté l’armée colonialiste pour rallier les troupes de l’émir et offrir ses services. Les travaux de construction et d’équipement de la manufacture débutent en mars 1839 et son exploitation et la toute première production est obtenue en novembre 1839. Avec le siège de la ville de Miliana, l’émir Abdelkader décide de sa destruction pour que les troupes coloniales ne s’en emparent pas. En 1845, la manufacture est transformée en moulin à farine selon le même principe de l’énergie hydraulique. « Il nous a fallu repartir de zéro pour la restaurer et la reconstituer entre 2005 et 2007 », souligne M. Abbès Kebir. Elevée au rang d’Epic et dépendant de l’Office de gestion et d’aménagement des biens culturels protégés, la manufacture  revient à la vie et à l’histoire. Si les « haouchs » ont retrouvé leur architecture arabo-musulmane, le module principal a reçu lui un habillage moderne. Face à un espace ouvert aménagé, le bâtiment principal ou les équipements ont été récupérés et restaurés. Une grande salle faisant office de salle de lecture et de bibliothèque, ainsi qu’une salle de conférences d’une capacité de 300 places se trouvent au deuxième niveau. Le musée reste toujours en voie d’enrichissement, et si la restauration proprement dite a été achevée, reste l’équipement de la manufacture et là nous apprend son gérant, une enveloppe conséquente a été allouée par le ministère de la Culture « pour reconstituer en son, en lumières et en gestuelles l’ambiance de la manufacture en activité à l’époque ». Des visites sont organisées sur site périodiquement, universitaires et lycéens principalement, la manufacture mérite une plus grande attention et une plus grande médiatisation pour en faire un passage incontournable tant elle représente ce repère, ce jalon essentiel de cette longue et héroïque lutte de tout un peuple, un peuple qui a façonné une Révolution grandiose qui a tout simplement fasciné le monde entier...     


A. M. ARAIBI    

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