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6/15/2014

Taoughzout se souvient d’Ibn Khaldoun

Les habitants de Taoughzout, un hameau situé à 3 km de la ville de Frenda, ont en mémoire une foule d’histoires sur toutes les grottes entourant leur village et qui avaient, un jour, offert refuge, paix, sérénité et inspiration à cheikh Abderahmane Ibn Khaldoun, il y a près de six siècles, pour rédiger son œuvre monumentale La Mouqadima.
Ils continuent, depuis 1982, date de la tenue du premier colloque international consacré à la vie et à l’œuvre de cet illustre penseur, de jeter un regard plein de respect aux lieux qu’ils appellent la « M’qama ». Pour cette année, la pensée et l’apport au patrimoine universel d’Ibn Khaldoun feront l’objet d’un colloque international de deux jours (16 et 17 mai) à Tiaret.
Les jeunes de la localité, représentant environ la moitié de la population de Taoughzout et qui ont en majorité déserté les bancs des écoles depuis des années, continuent d’écouter, avec délectation, les paroles du Dr Amar Mahmoudi quand il évoque, pour des délégations officielles en visite dans la région, le séjour d’Ibn Khaldoun dans ces grottes.
Ce guide éclairé, considéré comme un connaisseur et une référence locale solide dans le domaine de l’histoire des grottes de Taoughzout, gère l’annexe de la Bibliothèque nationale « Jacques Berque » de Frenda.
Il a exploré les six siècles qui ont fait le patrimoine de la région et qui avaient vu le fondateur de la sociologie moderne y élire domicile durant l’apogée de la dynastie des Beni Salama, une descendance des Beni Hilal.
Le Dr Mahmoudi est parvenu à reconstituer, grâce à des études poussées, l’arbre généalogique des Beni Salama. Il croit qu’Ibn Khaldoun, avait mené l’essentiel de ses travaux sur la théorie du tribalisme quand il avait côtoyé cette dynastie.
Malgré les 600 ans qui nous séparent des Beni Hilal, Taoughzout — un nom berbère qui signifie « le village paisible ou serein »— a conservé tous ses attraits naturels qui ont encouragé les autochtones qui vivaient dans les grottes à s’y installer.
La localité trône à une hauteur de 1.000 mètres au-dessus du niveau de la mer sur une colline qui permet de balayer du regard un rayon qui s’étend sur plus de 10 kilomètres. Elle recèle de nombreux atouts naturels qui attirent les visiteurs, venus en quête de moments de quiétude, de paix, de sérénité et de fraîcheur sur les berges de oued Latat qui affleure la ville de Frenda, appellation d’origine amazigh, « Idrane » qui veut dire la « halte bien fournie en eau ».
Le relief vallonné de Taoughzout, fait de bassins versants et de plaines verdoyantes, a favorisé l’installation de nombreuses tribus dans la région qui abritait, durant une certaine période, jusqu’à 20.000 âmes.
Une étude de l’Agence nationale des ressources hydrauliques (ANRH) a prouvé l’existence d’un potentiel hydrique important dans la région, ce qui explique, selon elle, l’origine des grottes et autres cavernes, nées de l’action érosive des eaux de ruissellement sur les roches. Cet indice a d’ailleurs poussé les responsables du secteur à décider la réalisation d’un barrage d’une capacité d’un million de mètres cubes pour relancer le développement local, note-t-on.
Le Dr Mahmoudi qui connaît tous les secrets du coin puisqu’il le sillonne pour le ratisser des dizaines de fois par mois, soutient que le silence et la sérénité qui baignent les grottes sont des facteurs qui prouvent qu’Ibn Khaldoun a rédigé sa Mouqadima durant sa retraite dans la région. « Il y avait trouvé paix et quiétude grâce à la protection que lui garantissait Mohamed Ben Salama II, fondateur de la citadelle qui l’avait entouré d’un système de défense infaillible, contre les guerriers berbères », indiquera-t-il. L’orateur soutient qu’Ibn Khaldoun, grâce à son expérience dans le domaine de la guerre, de la science et de la politique, avait ressenti le désir d’émancipation et de progrès chez les autochtones qui considéraient le commerce et le troc de leurs produits agricoles avec leurs voisins de Tadmourt et Sejilmassa comme un signe de progrès et d’évolution sociale. Le présent de Taoughzout diffère de son passé prospère.
Ses habitants ne conservent d’Ibn Khaldoun et des Beni Salama que des bribes de souvenirs. La mémoire de la nature est plus fidèle puisqu’elle a gardé intacts des vestiges de la « qalaâ », de Aïn Sebiba et Bab Semour comme des témoins d’un passé prospère que ne sauraient enterrer les ans.
La main de l’homme a, quant à elle, agressé le legs des aïeux.
Durant les années 80, l’ancienne mosquée de Taoughzout, édifiée il y a plus de mille ans, a été démolie, affirment les habitants qui rappellent que des îlots de l’ancien village où vivent encore 76 familles sont toujours visibles dans la zone archéologique.
Le Dr Mahmoudi, en guide averti, affirme que les dégradations qu’ont subies les vestiges de la région sont le résultat de l’instabilité des populations vivant sous la menace des guerres et qui s’étaient lancées dans une perpétuelle transhumance.
« Les expéditions scientifiques pour prospecter la région n’ont pas cessé même durant les pires années du colonialisme français. Augustin Berque fut le premier à « dépoussiérer » les vestiges de Taoughzout et à entamer une véritable recherche sur Ibn Khaldoun. Une mission qu’il avait confiée, quelques années plus tard, à son petit fils Jacques, l’enfant de Frenda, qui, mû par son amour pour la région, sa culture et ses habitants, avait réalisé de nombreux travaux parmi lesquels une traduction du Saint Coran », a-t-il précisé.
Ibn Khaldoun a vécu de longues années à Taoughzout, une localité de la wilaya de Tiaret. Et pour lui rendre cet honneur, l’ancienne capitale des Rostomides a baptisé de son nom son université en attendant de lancer le projet de création d’un centre de recherche sur sa vie. Un projet dont le lancement coïncidera avec la tenue du colloque international dédié à Ibn Khaldoun.


Source: EL MOUDJAHID

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